Fred Fortin : le bonheur de garder ça basic
La valeureux chanteur québécois revient en surprise avec un nouvel album, Microdose.
«Dans le fond, c’est peut-être l’album le plus facile que j’ai sorti parce que je pensais même pas en faire un, pis à un moment, je me suis rendu compte que j’avais des tounes en masse.»
C’est en voulant donner un peu plus de jus à son récent show solo que l’idée de créer du nouveau matériel a germé il y a quelque temps dans la tête de Fred Fortin, puis les chansons se sont multipliées et Microdose est devenu le sixième album complet du sympathique Bleuet.
«Je mange des bleuets en te parlant!», nous dit-il, justement, en direct de son chalet au Lac-Saint-Jean, là où il se pose fréquemment pour composer. Il s’y isole avec ses instruments pour mieux revenir vers sa famille. «Après deux semaines à Montréal, chus pas mal accoté! avoue-t-il en riant. J’aime ça, mais c’est intense… J’ai pas vraiment de set-up pour travailler à Montréal donc à un moment, j’ai faim! Je monte aux 2-3 semaines à mon chalet. Des fois, c’est juste 4-5 jours et c’est ben correct que ce soit juste ça, parce que quand chus dans ma tête, à un moment, je viens saturé. Pour l’esprit, c’est bien de revenir en ville.»
Le monde est imparfait
Fred Fortin admet en entrevue que les contraintes de Microdose sont similaires à celles de son album datant de 2000 Le plancher des vaches. «C’était un album vraiment brut, un concept de garder les maquettes des chansons avec tous les défauts et erreurs que ça peut avoir, commente-t-il. Après, je les rejoue et y a des choses qui s’améliorent. Y a cette spontanéité et c’était vraiment l’idée d’avoir du fun et de pas trop y toucher. Je voulais garder ça le plus basic possible. Y a pas de synthé, pas d’arrangements tant que ça.»
Sur la curieuse chanson-titre ornée de flûte qui ouvre Microdose, Fred brise le quatrième mur en évoquant la création: «J’te mets au défi d’écrire une toune/Qui raconte presque rien/Utilisant des accords majeurs sept». «Ouain, ça, c’est des contraintes dans la toune elle-même! rigole-t-il. Elle est arrivée dans une batch que j’ai écrite en quatre jours. Je sortais une toune après l’autre et, dans cette période-là, j’écrivais la première idée que j’avais en tête. Des fois, ça part sur des niaiseries! La chanson est un peu une parodie d’un genre de tounes hip, comme ce que fait Mac DeMarco… On s’est dit: «Elle est tellement fucked up qu’on va commencer l’album avec cette toune!»
Le noyau familial
C’est sur la route vers le Lac que lui est venu l’idée du concept de ce nouvel album-surprise, sur lequel on retrouve avec bonheur la plume affûtée de l’un de nos meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes: introspection, boisson, perte de repères. Le noyau, le déclic, nous dit Fred, c’est la création de petites chansons rapides, des petites doses. Bref, «clancher ça» quand la créativité est là, comme on dit. «J’écoutais l’album Chasing Clouds de Camaromance. Toutes les chansons s’adressent à une personne. J’ai pensé aussi à Sun Kil Moon, qui parle toujours de sa famille autour de lui. C’est une forme de chanson que j’ai déjà faite, mais c’est des gens qui poussent ça à l’extrême un peu. C’est un peu impudique et je trouvais ça cool. Je me suis dit que j’allais commencer ce genre d’exercice.»
Led Zeppline en est un bon exemple et est arrivée dans les premiers jets. C’est une chanson énergique de la vie quotidienne de Fred. On a l’impression d’être dans leur salon. Sa blonde Mélane, ses enfants Mathias et Léonie sont pris dans une chicane autour du chien Wendy. «C’est vraiment une scène de mon quotidien! C’est comique, je l’ai vécu!», commente le chanteur. Certaines chansons sont plus personnelles que d’autres. Dans les œuvres de Fred Fortin, sa famille ou sa vie familiale a été évoquée à quelques occasions. Comment oublier la magnifique Mélane tirée de Planter le décor?
Ta famille aime ça quand tu parles d’elle dans ton travail? «Euhhh… hésite-il en riant. Ça dépend. Je pense que oui, parce c’est de l’attention et de l’amour que je leur porte. Mais la réaction à Led Zeppline est comique. Mon plus jeune de 14 ans était orgueilleux au départ et ne voulait pas être dedans. Ça l’agaçait. Je lui ai dit: «C’est le prix à payer pour ce que tu me fais vivre, mon p’tit tabarouette!» Quand j’achevais l’album, il était encore réfractaire et il est venu l’écouter avec moi et il a ri parce qu’il a compris toute l’autodérision et l’humour qu’il y a là-dedans. Aujourd’hui, il la chante tout le temps et y’é ben fier en bout de ligne.»