Kokoko! à POP Montréal : Dans la chaleur de la nuit kinoise
Musique

Kokoko! à POP Montréal : Dans la chaleur de la nuit kinoise

Avec ses instruments quasi futuristes et son chanteur à la voix éraillée, le collectif Kokoko! arrive à Montréal avec l’envie de nous faire vivre la nuit de Kinshasa. Entretien en compagnie de Xavier Thomas AKA Débruit, le beatmaker.

«Je ne connais pas beaucoup l’Afrique», nous révèle Xavier Thomas à l’autre bout de la ligne en direct de Barcelone, sa nouvelle ville d’adoption. «Ailleurs, on sent plus le poids de la tradition, ici on sent que les gens s’en libèrent. À Kinshasa, on tente d’être différent. C’est un chaos où les gens tentent de se singulariser.»

La première fois que Débruit se rend à Kinshasa, la capitale du Congo, c’est en 2016 sur invitation du réalisateur Renaud Barret (l’homme derrière les films sur Staff Benda Bilili et Jupiter Okwess). Barret travaille à ce moment sur un documentaire à propos des artistes visuels et des performeurs de rue de Kinshasa: Système K. Débruit fait la rencontre de tout un pan de la colonie artistique de Kinshasa et c’est un choc intense pour lui. 

«À Kinshasa, au bout de quelques semaines tu as la tête qui tourne. Il y a quelque chose du ressort de la transe dans cette ville. J’avais du mal à réaliser ce qui se déroulait. Pendant l’une de nos premières performances en public, un gars est arrivé avec un couteau planté dans l’oeil. Ça m’a pris quelques secondes pour comprendre qu’il participait au concert. Ce mec avait décidé de se déguiser en solo sans qu’on l’y invite. À Kinshasa, le spectacle se déroule aussi dans la foule.»

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Kokoko! c’est quatre performeurs et un beatmaker. Dido Oweke, Boms Bomolo, Love Lokombe et le chanteur Makara Bianko. Les instruments ont, pour la plupart, été construits avec les retailles et les déchets de la rue kinoise. Leur son nous fait réaliser que cette énergie qu’on retrouvait avant dans la mouvance postpunk est aujourd’hui africaine. On a envie d’expérimenter, on tort les codes musicaux et on les réinterprète à la lumière de l’actualité du pays, de son contexte présent. 

«J’avais toujours entendu parler de Kinshasa comme quelque chose qui est à part», poursuit Débruit.

Quand il rencontre Makara Bianko, il comprend un peu mieux l’essence et l’énergie unique de cette ville où tout va très vite. C’est une claque au visage pour le producteur et beatmaker. Il a tout de suite envie d’en écouter plus, ce qu’il fait pendant plusieurs semaines. Il écoute, se promène dans la ville et réalise que le son et la musique sont partout dans celle que l’on nommait autrefois Kin la belle. 

«Makara est une figure très connue de son quartier dénommé le Couloir de Bercy, à Kinshasa. Il anime des répétitions publiques cinq fois par semaine où il réunit entre 40 et 50 danseurs sur des loops électroniques qui durent parfois 30 minutes. Pendant ces répétitions, il y a toutes sortes d’accidents: des coupures d’électricité évidemment, mais également des conflits, des fils qui prennent en feu.»

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Cette énergie propre à la ville de plus de 15 millions d’habitants qu’est Kinshasa, on la retrouve dans le son, mais surtout dans les performances scéniques du groupe. Leur son frappe et force est de constater que la rumba congolaise est bien loin derrière. Le son de Kokoko! est alternatif et défriche une tout autre planète musicale.  

«Depuis que nous tournons, on tente à tout pris d’éviter les scènes world», poursuit Débruit. «Et lorsque cela arrive de tomber sur une scène de musique world dans un festival, le public ne comprend pas ce que nous faisons. Le problème, c’est la section «musique africaine» chez les disquaires et dans les listes de lecture… Il est temps de passer à autre chose.»

Un incontournable de la programmation de POP Montréal cette année.

Le 25 septembre à 23h
au Rialto