Émile Bilodeau : souverain en son royaume
Trois ans presque jour pour jour après Rites de passage, c’est un Émile Bilodeau en pleine possession de ses moyens qui nous offre Grandeur mature, un deuxième opus éclectique qui part en croisade contre l’intolérance à coups de propagande positive.
Thomas Picotte-Lavoie : Ton lancement a eu lieu récemment. Es-tu satisfait de ta soirée, ça s’est bien passé?
Émile Bilodeau : «Vraiment bien! On avait des décors, des trompettes. On a fait une entrée très royale, médiévale, musico-humoristique. Mes amis étaient déguisés en paysans dans la foule. J’étais vraiment content parce que ça prend du cran de faire un concept comme ça donc tant qu’à faire on va l’assumer jusqu’au bout. Malgré les grandes critiques de ma société, les grandes dénonciations, ça ramène vraiment au fait que je suis un gars qui veut faire le party, qui veut que les spectacles de musique soient positifs pis j’pense que le concept a vraiment permis de me laisser glisser sur les vagues du plaisir au lancement.»
Tu abordes aussi des thèmes plus sérieux sur l’album. Pour toi, c’est important de parler de ces sujets-là malgré le fait que tu tiens aussi à être loufoque par moments?
«Parfois, on a l’impression que les dossiers avancent, qu’on voit le fil d’arrivée à cette liberté-là, mais on finit par voyager, on fait le tour du Québec ou encore de l’Europe pis on réalise en discutant avec les gens que c’est pas tous des dossiers réglés. Je pense que l’ignorance est une grande maladie de notre époque pis d’avoir peur d’aller parler à des communautés ça peut créer des idées de violence, des idées de haine.»
Donc tu voulais combattre cette ignorance-là avec ton album?
«C’est ça. J’ai l’impression que les jeunes vont chanter ces chansons-là, ils vont chanter «les seuls qui nous envahissent, c’est les racistes, les sexistes pis les homophobes». C’est le fun de pouvoir faire une propagande positive et de parler de souveraineté, d’éco-anxiété, de mettre les mots sur ce que je ressens, faire le pont entre ce que j’entends de ma communauté pour le chanter au grand public québécois.»
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Le thème de l’éco-anxiété est bien présent sur la chanson Yoga. On sent une angoisse climatique de ton côté, avec la Marche sur le climat qu’on vient de vivre, ça a dû quand même t’émouvoir?
«On a cette chance, quand on est suivi par un public, de pouvoir lui parler d’événements qui nous tiennent à coeur. Dans Yoga, on entend cette idée de reconnaître la fin du monde, de la voir arriver, parce qu’un jour le soleil va nous exploser dessus, mais c’est à nous de décider pis de faire ce qu’il faut pour que ce soit dans 10 milliards d’années et non pas dans 50 ans. Je pense que cette chanson-là se rattache au concept de fin du monde, mais elle vient avec une certaine idée de mettre l’épaule à la roue. Je parle du fait qu’on reste «assis su not’ cul» et que c’est pas juste les gouvernements qui doivent faire des lois. Il faut montrer à nos politiciens qu’on est prêts à aller faire ces changements-là pis on est prêts à voter pour le gouvernement qui saura nous supporter. Pour régler le dossier climatique, il faut vraiment que ça vienne du peuple parce que c’est eux qui sont au milieu de l’enjeu.»
Je ferme la parenthèse climatique pour parler de l’album, réalisé par Philippe B encore une fois. T’as des collaborations avec Caroline Savoie et Klô Pelgag. J’ai l’impression qu’Émile Bilodeau sait très bien s’entourer, est-ce que je me trompe?
«Oui, absolument! En plus, on vient d’engager une nouvelle guitariste. J’ai deux filles, deux gars dans mon band. C’est super important pour moi de travailler avec des artistes femmes. Tsé, on regarde ce que les femmes font, leur émancipation et elles ont pas fini de se battre pour leurs droits, pour l’équité, l’égalité. J’en parle un peu dans la pièce Freddy Mercury, mais pour moi, de pouvoir montrer l’exemple, de les côtoyer, de les aimer, de les valoriser, ça fait en sorte que les jeunes filles dans mes salles de spectacle vont pouvoir prendre Sarah, ma drummeuse qui fait du punk, ou encore Myriam à la guitare et qui est plus sensible, comme idole ou comme modèle. Tsé cette idée-là de dépeindre des jeunes filles dans mes shows comme étant des groupies, j’ai jamais trouvé ça intéressant. Je préfère voir ces jeunes filles là comme des fans de musique, comme des futures musiciennes, comme des amoureuses de la culture québécoise pis investir dans cette vision-là.»
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Au-delà du jeu de mots dans le titre de ton album, est-ce que tu te considères plus mûr en tant qu’artiste par rapport à Rites de passage il y a trois ans?
«Ouais, je pense que ce qu’on entend s’est définitivement amélioré. C’est dans l’amplification de la musique, la diversité des instruments. Je suis très content d’avoir ouvert mes horizons, d’avoir développé des capacités à jouer d’autres instruments. Pour ce qui est de la maturité personnelle, oui, j’ai vécu mes expériences, j’ai eu la chance de voyager énormément par le biais de la musique, de faire des rencontres, d’aiguiser aussi mes opinions politiques, de pas avoir peur de dire haut et fort que je suis souverainiste parce que je pense vraiment que c’est un moyen pour que notre société aille mieux.»
Tu as abordé le sujet de l’indépendance alors parlons-en; Pierre Falardeau nous quittait il y a dix ans. Tu n’as jamais caché ton amour envers cet homme important et emblématique du Québec. Il représente quoi pour toi?
«C’est cette idée-là d’être authentique. Faut pas oublier qu’avant d’être cinéaste, c’était un anthropologue, vraiment intéressé par le peuple québécois. Pierre prenait vraiment le temps de connaître les gens. Il était curieux, il voulait savoir comment les choses se faisaient pis moi j’ai puisé énormément là-dedans. Quand je fais de la tournée, j’aime que les gens viennent me parler. Je pense à un gars qui s’appelle Chief à Shawinigan. Il fait des sauces piquantes pis à chaque fois que je viens dans le coin, il me parle de ses sauces, il me fait goûter. J’pense que c’est ça aussi, aimer le Québec. C’est aimer les gens. J’pense vraiment que c’était quelque chose qui définissait Pierre, qui faisait en sorte que les gens de toutes les classes s’arrêtaient pour lui serrer la pince.»
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Tout comme Pierre qui a utilisé le cinéma pour témoigner de son amour du Québec et de son désir de changement, tu as dit que ton nouvel album est un peu de l’huile à changement. Est-ce que la musique est ton moteur pour permettre à une génération de changer?
«Exactement. Je pense que c’est notre rôle d’utiliser nos plateformes populaires, nos musiques, notre art pour servir pour le mieux. Je pense vraiment que des jeunes qui chantent le fait que les homophobes pis les sexistes pis les racistes c’est pas nos amis, ça peut juste faire du bien. Pour moi, c’est ça aussi le concept de maturité: décider à qui je vais m’adresser, pis décider de miser sur les jeunes.»
Pour terminer, où est-ce que l’infatigable Émile Bilodeau puise son énergie?
«Je pense que la scène est une drogue. À chaque show, t’as le trac pis après trois tounes, tu voudrais être nulle part ailleurs. J’ai vraiment de la chance de me sentir écouté dans une époque où les gens se mettent la caméra sur leur face donc j’essaie de me débattre pour prouver ma place à chaque fois. Je dois me prouver que je mérite cette attention-là.»
Spectacles à venir :
18/10 – MONT-LAURIER – Espace-théâtre
19/10 – GATINEAU – Le Minotaure – COMPLET
01/11 et 02/11 – MASKINONGÉ – Magasin général Lebrun – COMPLET
07/11 – LATUQUE – Complexe culturel Félix Leclerc
08/11 – SAINT-CASIMIR – Les grands bois
16/11 – VAL MORIN – Théâtre du marais – COMPLET
23/11 – LACHINE – L’Entrepôt
Le 8 février 2020
au Théâtre Granada (Sherbrooke)
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Le 22 février 2020
à l’Impérial Bell (Québec)
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Le 27 mars 2020
au Club Dix30 (Brossard)
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Le 25 avril 2020
au MTELUS
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