Nos 20 albums préférés de la décennie
Musique

Nos 20 albums préférés de la décennie

Malibu, Anderson .Paak (2016)

Il chante et rappe tout dépendant des segments, manie les baguettes avec flegme et adresse infinie. Multi-talentueux, Anderson .Paak s’impose comme le plus digne héritier des Marvin Gaye et James Brown de ce monde, comme le porte-étendard du renouveau funk aux États-Unis. Quand on réussi à tirer meilleure partie du présent et du passé comme il le fait, on arrive forcément à de grandes de choses, à rallier les vieux comme les jeunes. Difficile de faire plus rassembleur que ce gars hyper doué qui carbure à la joie de vivre. (C. Genest)

 

Les atomes, Martin Léon (2010)

Simplement irrésistible. Martin Léon incarne la zénitude et la sensualité sur ce disque tout en y mêlant plaisir et finesse. Le chanteur a créé un univers groovy tout en simplicité où l’on se sent complètement envoûté. Son interprétation tout en délicatesse ajoute un côté mystérieux à l’oeuvre. Sa pop aérienne, séduisante à souhait, n’a pas pris une ride et l’on y revient souvent. C’est le seul album que Martin Léon nous a livré en cette décennie 2010 (outre sa composition de bandes sonores), mais il résonne encore en nous 10 ans plus tard. Un grand cru. (V. Thérien)

 

Isam, Amon Tobin (2011)

Si certains courts passages d’Isam ont un peu moins bien vieilli de par leurs rythmes presque (presque!) dubstep, l’ensemble demeure rudement inventif et révolutionnaire. On a ici affaire à une offre musicale sortant complètement des sentiers battus à mi-chemin entre sound design, électro-acoustique, musique concrète et électro pure. Amon Tobin a mis sur la table quelque chose de surprenant dont nombre de poulains de Ninja Tune ont fini par s’inspirer de près ou de loin autant dans leurs compositions que dans leurs remixes. Isam demande une écoute à la fois attentive, ouverte et concentrée pour être apprécié à sa juste valeur. Les rythmes et sonorités déconcertants orchestrés ici par Amon Tobin prennent tout leur sens lorsqu’ils sont consommés sans distraction extérieure et sur un bon système de son. (A. Bordeleau)

 

Gullywood, Loud Lary Ajust (2012)

Lancé en mai 2012, au paroxysme du printemps érable, Gullywood a résonné comme un cinglant coup de casserole au visage du rap québécois. Récits de débauche, apologie de la drogue, éloge de l’ignorance, ode à l’ambition et à la déchéance… Loud et Lary Kidd ont repris les thématiques fétiches du rap américain de la décennie et les ont adaptées à la sauce québécoise, en combinant joual, franglais exacerbé et références culturelles propres à notre nightlife et notre star-système. Aux commandes des beats, Ajust a rehaussé les standards québécois du genre en redoublant d’audace dans son échantillonnage et en alourdissant substantiellement les basses. Pour la première fois de son histoire, le rap d’ici pouvait rivaliser avec celui de nos voisins du Sud. (O. Boisvert-Magnen)

 

Emotion, Carly Rae Jepsen (2015)

La perfection pop est de ce monde et c’est cette Britanno-Colombienne qui s’en fait la plus habile architecte. Révélée par Canadian Idol en 2007, snobée d’une part de ses pairs et à tort, Carly Rae Jepsen se présente pourtant comme la reine des contrepoints sur ce disque infiniment accrocheur qui peut évoquer l’esthétique des années 1980 par moments. Portée par l’ivresse des premiers instants, des débuts d’une relation amoureuse hypothétique, l’autrice-compositrice se révèle aussi être une vibrante interprète. Ses états d’âme, si intensément communiqués, nous transportent. (C. Genest)

 

James Blake, James Blake (2011)

Le compositeur a créé une bibitte d’album en guise d’introduction à son oeuvre riche, mariant des explorations électroniques aux sonorités r’n’b. On parle ici d’un album foisonnant aux textures multiples et riches, portées par cette voix de l’au-delà, que James Blake s’amuse à multiplier et à juxtaposer. Sa reprise de Limit To Your Love de cette chère Feist est exquise, minimaliste et puissante à la fois. Si certaines des pièces ici sont de nature plus expérimentale au crescendo intense, le chanteur est capable de revenir sur Terre avec des pièces délicates de piano-voix. (V. Thérien)

 

Drunk, Thundercat (2017)

S’il n’est pas l’un des bassistes les plus innovants et talentueux de notre ère, Thundercat n’est rien. Sur Drunk, le musicien prouve une fois de plus qu’il ne maîtrise pas que sa grosse six cordes orange brûlé. Il a également un flair et un goût inimitables pour la composition et les arrangements. Ça part dans un sens et dans l’autre côté influences et styles, mais toujours avec un aplomb et une cohérence que plusieurs ne parviennent pas à démontrer sur un disque n’arborant qu’un seul genre musical. Le magistral 23 titres est un must absolu pour les amateurs de musique un peu hors-normes et de melting-pots instrumentaux exécutés avec précision. (A. Bordeleau)

 

4,99, Alaclair Ensemble (2010)

Tout comme l’avaient fait 514-50 dans mon réseau de Sans Pression et Mentalité moune morne… de Muzion au tournant des années 2000, 4,99 a changé les codes et l’esthétique du rap québécois pour la décennie à suivre. Du jour au lendemain, les flows prévisibles et monotones, les beats piano-violon hérités de l’âge d’or de la côte Est américaine et les textes élémentaires chargés d’une conscience sociale de surface ont pris le bord au profit d’un rap décomplexé, plus léger dans son approche, mais non moins rigoureux en termes d’écriture et de composition. Né des vestiges de Movezerbe, autre supergroupe rap de la capitale qui avait cette idée floue et ambitieuse de se mouvoir hors des sentiers battus avec une proposition plus éclatée, Alaclair Ensemble a établi les bases de sa révolution avec ce premier album, déroulant du même coup le tapis pour la décennie la plus charnière de l’histoire du hip-hop québécois. (O. Boisvert-Magnen)

 

99.9%, Kaytranada (2016)

On raconte que lorsque le succès l’a frappé de plein fouet, Louis Kevin Celestin habitait encore chez sa mère, à Longueuil. En plein focus et maître de son propre truc, le discret Kaytranada est parvenu à créer l’album rêvé de tout DJ, récoltant le prestigieux Prix Polaris au passage. Avec son fluide alliage de hip hop et de R&B, c’est comme si le compositeur et producteur de la Rive-Sud de Montréal avait su deviner ce sur quoi tout le monde avait précisément envie de danser. (C. Genest)

 

Lisa LeBlanc, Lisa LeBlanc (2012)

Armée de son banjo, la chanteuse d’origine acadienne est arrivée sur la scène musicale canadienne avec aplomb! Outre le charme indéniable du chiac, sa performance vocale est puissante et dégage une liberté sans précédent. Son album éponyme, réalisé par Louis-Jean Cormier, est complètement marquant avec ses hymnes qu’on crie encore haut et fort (on retient évidemment Aujourd’hui ma vie c’est d’la marde et Câlisse-moi là). Mais Lisa LeBlanc est bien plus qu’une chanteuse crue. Ses pièces plus intimes comme Avoir su, Lignes d’Hydro et Kraft Dinner sont exquises dans leur transparence à briser le coeur. (V. Thérien)

 

Zeroes QC, SUUNS (2010)

Quand SUUNS est arrivé en 2010 avec ce premier disque, le tout-Québec underground a tout de suite su que cette formation allait faire beaucoup de bruit. Dès l’ouverture du 10 titres, on sent qu’on aura affaire à un véritable OVNI musical qui se contrefout des conventions. Ça grince de partout, la voix est trafiquée à outrance et chaque nouvelle chanson est comme une redécouverte d’un univers musical qui réussit le difficile pari d’être à la fois brut et raffiné. À travers des expérimentations sonores, Zeroes QC affiche une maîtrise qu’il est rare d’entendre sur le premier disque d’un artiste en émergence. (A. Bordeleau)

 

XXL,  Eman X Vlooper (2014)

À sa fracassante entrée inattendue sur la scène hip-hop québécoise, le joyeux foutoir d’Alaclair Ensemble laissait déjà entrevoir les différentes préférences de ses membres: la prédilection pop bonbon de Claude Bégin, la tangente soul/funk de KNLO et le penchant rap plus puriste d’Eman. Sur XXL, ce dernier se réapproprie le devant de la scène avec un rap plus introspectif, basé sur des techniques d’écriture automatique éprouvées qui, derrière leur apparence bordélique, dévoilent des instants de lucidité brillants. À la production, son acolyte Vlooper offre des beats épurés, consistants et complexes, renvoyant autant à un format classique des années 1990 teinté de jazz et de soul (Dookie, Nat King Cole) qu’aux expérimentations trap de TNGHT (Tirer des moves, Dans le vide). Le seul album de la décennie à avoir reçu le prix SOCAN de musique urbaine ainsi que les prix de l’album hip-hop de l’année au Gala de l’ADISQ et au GAMIQ. Un tour de force sur toute la ligne. (O. Boisvert-Magnen)

 

Noir Eden, Peter Peter (2017)

C’est à force de déracinements que le talentueux Peter Peter reconnecte à son essence et livre le meilleur de lui-même. Écrits depuis ses appartements parisiens, les couplets et refrains du Saguenéen d’origine bouillonnent de poésie, d’images vives, de thèmes étonnants comme sur Damien, un chanson dédiée à l’ami qui l’a renié. Et au-delà de sa plume acérée, le sous-estimé parolier impressionne par ses arrangements de synthés hypnotisants, les ambiances non étrangères à la French Touch qu’il parvient à générer. (C. Genest)

 

Maladie d’amour, Jimmy Hunt (2013)

Après ses folies rock’n’roll avec Chocolat, Jimmy Hunt a pris une pause de son groupe et est revenu avec deux disques solos délectables au début des années 2010. Sur le deuxième, La maladie d’amour, il nous emporte dans ses rêves de femmes, des chansons à l’énergie folk et psychédélique aux sonorités 1970, amplifiées par des synthétiseurs. L’amour n’est pas simple et Jimmy Hunt livre un album de désir et de haine, de simplicité et de complexités, qui fait rêver mais qui peut aussi briser le coeur. Tout ça livré avec la nonchalance vocale qu’on lui connaît. (V. Thérien)

 

Black Focus, Yussef Kamaal (2016)

Pur produit de ce qui se fait de mieux en termes de jazz moderne sur la scène londonienne, cet album réunit les cerveaux créatifs de l’excellent claviériste et producteur Kamaal Williams (aka Henry Wu) et du batteur de génie Yussef Dayes. Le résultat est une explosion de groove, d’improvisations riches et de textures musicales aux accents multiples. Mais de façon peut-être encore plus importante que l’album lui-même, cette sortie a mené à la création d’un collectif tissé serré autour de Williams. Ce dernier en a profité pour fonder Black Focus Records, une des étiquettes les plus intéressantes de UK jazz. La suite, sans Yussef Dayes, s’intitule The Return et est également considérée comme un incontournable absolu. (A. Bordeleau)

 

We Got It From Here… Thank You 4 Your Service,  A Tribe Called Quest (2016)

Dès les premières minutes de la prodigieuse The Space Program, on sait qu’A Tribe Called Quest ne ratera pas son coup. Appel à l’unité sur fond de crise sociale, la chanson met la table pour une heure de textes avisés, mûris et équilibrés, brandis avec brio par Q-Tip, Jarobi White, le regretté Phife Dawg et leurs nombreux collaborateurs (tout particulièrement Consequence et l’irremplaçable Busta Rhymes). Puisant comme il l’entend dans ses inspirations jazz, soul et funk, Q-Tip livre 16 productions qui évoquent le New York des années 1990. Le producteur de 46 ans s’assure toutefois de ne pas tomber dans la redite et propose des arrangements étonnants, flirtant parfois avec le rock progressif, le reggae et le blues. (O. Boisvert-Magnen)

 

Holy Ghost, Holy Ghost (2011)

Dire que les Brooklynois ont pavé la voie pour les autres relèverait, à ce stade-ci, du pur euphémisme. Est-ce que Daft Punk aurait planché sur Random Access Memories si Nick Millhiser et Alex Frankel n’avaient pas consolidé le mouvement nu disco avec autant de charme et d’adresse? Sûrement pas. Exempt de tout temps mort ou de la moindre toune de remplissage, l’offrande initiatique du duo américain impressionne encore par la richesse de ses sonorités, sa recherche esthétique qui continue de faire école. Avez-vous seulement entendu Apophis de Choses Sauvages?  L’influence d’Holy Ghost y est manifeste, encore une fois. (C. Genest)

 

Masterpiece, Big Thief (2016)

Ça prend vraiment un coeur de pierre pour ne pas être touché (ou troublé) par cet album magistral. À travers tous ces riffs de guitare qui électrisent, la chanteuse Adrianne Lenker transpose toutes ses émotions dans une interprétation puissante, vigoureuse mais vulnérable. Avec ce disque magnétique, Big Thief prouve que c’est un groupe aux nombreuses facettes – capable aussi d’émouvoir par la ballade – qui aime l’exploration et pousser ses limites. Sans aucun doute, voilà un album qui porte bien son nom. Et Big Thief est depuis devenu l’un des bands alt-rock contemporains les plus influents. (V. Thérien)

 

In a Fung Day T!, Duchess Says (2011)

Avez-vous déjà mangé une pelle en pleine tronche? Sinon, on vous conseille fortement une écoute de ce second opus de la formation post-punk montréalaise Duchess Says pour avoir une bonne idée du feeling. À la fois bruitiste et entraînant, ce disque est venu cimenter la réputation naissante du groupe presque culte dans son approche: les Duchess ne déconnent pas. Rarement aura-t-on entendu une basse grogner de cette façon. Et les cris stridents de la chanteuse Annie-Claude Deschênes glacent le sang tout au long des quelques 40 minutes que dure l’écoute. Mais si c’est clairement dans une trame de chaos contrôlé qu’est tissé In a Fung Day T!, c’est aussi par la précision instrumentale de l’ensemble que le groupe impressionne. Des passages rythmiques découpés au quart de tour font suite à des moments de tumulte sonore absolu pour le plus grand plaisir de l’auditeur. (A. Bordeleau)

 

Smoke Ring for My Halo, Kurt Vile (2011)

Kurt Vile est la preuve vivante que l’habit ne fait pas le moine. Sous ses airs de slacker nonchalant, presque irrévérencieux dans sa mollesse, le Philadelphien laisse libre cours à ses émotions les plus sincères, à sa sensibilité la plus brute, sur ce puissant quatrième album. Moins lo-fi que ses prédécesseurs, Smoke Ring for My Halo se mobilise autour du doigté précis de Vile à la guitare, un instrument qu’il sait faire résonner avec une remarquable charge émotive. Une fois de plus soutenu par ses Violators, notamment composés du talentueux Adam Granduciel (qui a quitté peu après pour se concentrer sur son projet The War on Drugs), l’auteur-compositeur-interprète signe ici quelques-unes de ses plus grandes chansons en carrière, qu’on pense à Baby’s Arms, In My Time, Ghost Town ou Jesus Fever. Probablement l’album rock américain le plus sous-estimé de la décennie. (O. Boisvert-Magnen)