Anachnid, la musicienne autochtone qui ne s’excuse pas d’exister
Avec son premier album intitulé Dreamweaver, Anachnid chante à la gloire de ses ancêtres, prêtant sa voix aux Oji-Cri et Mi’gmaq qui n’ont pas eu sa chance. Le tout, dans un écrin électro mélangeant house, pop, trap et rap. Avec même un soupçon de jazz.
On la rejoint au MAI, où elle termine sa résidence artistique, aux portes de cette salle de la rue Jeanne-Mance qui sera également le lieu de son spectacle de lancement. Une production multidisciplinaire alliant costumes élaborés (genre: un capteur de rêve géant tissé autour de sa taille), chansons à l’instrumentation hi-tech et mapping vidéo. L’occasion, pour elle, de déployer son univers à vaste échelle.
Avec sa voix chaude trafiquée numériquement, ses arrangements novateurs et ses mots politiquement chargés, Anachnid crée une oeuvre sonore assez unique. Une musique qui s’insère bien dans les playlist chill wave sur Spotify, mais aux propensions réellement expérimentales dont le bruitage et les segments spoken word rappellent l’art audio. Des sons de la nature sont mêmes incorporés aux morceaux. « J’utilise une jingle dress comme percussion sur Windigo, je joue d’une flûte sud-américaine sur Animism et le cri de loup qu’on entend sur cette même chansons est de moi. Quand j’étais petite, j’ai appris à chanter avec les loups. Je fais la plupart de mes propres samples.»
Fille de la nuit
Lorsqu’elle crée, Anachnid s’en remet beaucoup à son subconscient. C’est en dormant qu’elle a jeté les bases de Summer Hunting. «Je suis capable de faire des rêves lucides et de faire de la projection astrale quand même assez bien. J’entends des mélodies dans mes rêves. Après, je vais me réveiller et les enregistrer sur mon cellulaire, juste des notes de base… Quand je rentre en studio avec mes producers Ashlan Phoenix Gray et Emmanuel Alias, on travaille autour de ça. »
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Les mots, eux, viennent après. Si elle empoigne aujourd’hui la plume avec aisance, et lorsque vient le temps de broder des strophes sur ses beats, sa dyslexie lui a souvent mis du plomb dans l’aile. Au secondaire, sa hantise c’était les productions écrites. « Avant, je savais pas comment exprimer ma démarche artistique, mais je savais qui j’étais et il fallait que ça sorte. Là, avec Dreamweaver, je sens que peux vraiment m’établir dans le monde, expliquer comment je fonctionne en tant qu’artiste et être en paix avec ça. C’est sûr que ça me donnait de l’anxiété de pas être capable de communiquer de la meilleure manière avec la société, mais c’est à travers les traditions orales et ancestrales que les autochtones ont survécus, pas avec l’écriture. Ça s’est fait à travers la musique, les chants traditionnels. »
Née en 1996, l’année où le dernier pensionnat autochtone a enfin été fermé, Anachnid est de cette génération qui se refuse aux compromis. La réconciliation ne se fera pas sans le plein respect de sa culture, de tout ce qu’elle est et représente. « Je suis la première dans ma communauté à avoir un nom autochtone après la colonisation, bien que ça se passe encore. Dans les écoles résidentielles, il fallait lire en anglais, lire en français, croire en une autre religion… Ma culture a quand même survécu à travers ça et malgré le fait qu’on soit très peu nombreux, qu’on représente 1% à 5% de la population canadiennes selon les statistiques du gouvernement. On est vraiment pas beaucoup.»
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Anachnid marche dans un sentier défriché par des femmes comme Elisapie ou même Alanis Obomsawin, bien qu’elles n’appartiennent pas à la même nation. N’empêche: la jeune femme est née à la bonne époque. « Au début, ma mère n’aimait pas Windigo. Elle disait je n’avais vraiment pas des propos ‘’pro-réconciliation”, mais je lui ai expliqué que ce sont mes ancêtres qui parlent. C’est moi qui downloade l’information. […] Moi, tu sais, j’entends des messages de mes ancêtres et de l’univers et ça travaille toujours dans des cycles. J’ai gagné le Prix Socan du meilleur auteur-compositrice autochtone le vendredi 17 mai dernier à Winnipeg et mon grand-père est mort le 17 mai, il y a cinq ans de ça, la même journée. Pour moi, ça veut dire que je suis sur la bonne route. »
Lancements: 28 et 29 février au MAI
3680 rue Jeanne-Mance
Dreamweaver (Musique Nomade)
Disponible le 28 février