Basia Bulat s'est réfugiée dans le désert et s'est retrouvée
Musique

Basia Bulat s’est réfugiée dans le désert et s’est retrouvée

Parfois, il faut sortir de son environnement pour changer de perspective. C’est ce qu’a fait l’artiste canadienne Basia Bulat pour son album Are You in Love? enregistré à Joshua Tree en Californie. Même si selon elle c’est cliché de le dire: elle a vraiment vécu une expérience spirituelle au beau milieu du désert. 

Difficile par les temps qui courent de commencer une entrevue autrement que par «comment se passe la quarantaine?». Pour Basia Bulat, que je joins au téléphone plus tôt cette semaine, la quarantaine, c’est le moment de trouver des façons d’aider la communauté. Elle planifie produire plusieurs concerts web et de remettre les dons à divers organismes comme le Chaînon ou le Club des petits déjeuners. «Si je peux me rendre utile, je me sens beaucoup mieux que de rester à la maison à regarder les nouvelles. Au final, jouer de la guitare me fait du bien, chanter me fait du bien, et même si tout est à l’envers en ce moment, au moins nous pouvons toujours essayer de nous entraider. Même si je suis confinée, je peux m’impliquer. Personne n’a beaucoup d’argent actuellement, mais même 5$ peut faire une différence», me dit-elle.

Elle lance ce vendredi un nouvel album, Are You in Love?, réalisé par son ami Jim James (My Morning Jacket) qui avait travaillé sur Good Advice, paru en 2016. On retrouve la voix chargée en émotions de Basia Bulat et le son folk mélodique avec lequel elle a fait sa marque. Enregistrée à des kilomètres de Montréal, où elle réside maintenant, cette création a connu un processus plutôt différent de ses autres opus: «Ils sont tous semblables, mais pour cet album, je suis allée l’enregistrer à Joshua Tree en Californie. C’est une expérience complètement différente, parce que je suis une fille de Toronto qui a déménagé à Montréal, une ville très humide. J’étais attirée par l’opposé. Quand je sors de mon élément, j’ai envie de ne faire qu’un avec l’environnement autour de moi. Ça te change.» 

Le désert a pris une partie prenante de la composition, devenant d’une certaine manière, le coauteur de certaines chansons. Alors qu’en studio, la musicienne cherche à être le plus connectée possible aux sons des instruments, au milieu de Joshua Tree en Californie, c’est le contraire qui s’est produit. Basia s’est ouverte aux sons grouillants du désert, et à la mélodie portée par le vent. 

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«Pour la chanson Already Forgiven, je n’étais pas vraiment heureuse avec les paroles, et quand nous étions en train de l’enregistrer, il y a avait une tempête de vent à l’extérieur. On a décidé d’enregistrer le vent, et on a fait passer le son à travers toutes sortes de pièces électroniques, comme des pédales de guitares, et le son a commencé à jouer sa propre mélodie. Ce n’était plus seulement le son du vent, mais comme un nouveau son à la manière d’un synthétiseur, explique Basia, absorbée par la magie du désert. J’ai finalement terminé les paroles une fois qu’on a mis ensemble le vent et sa mélodie. C’est devenu aussi important que les paroles et ça a complètement changé la perspective de la chanson. C’est plutôt trippant!»

On sent vraiment que l’artiste originaire de Toronto a vécu une expérience unique dans cet environnement aride. Avec ses musiciens, ils avaient un horaire de création bien précis: lever le matin, marche tranquille, création musicale en après-midi, pause coucher de soleil et ensuite, place à la vie du désert avec tous ses animaux nocturnes qui sortent de leurs cachettes. «Les lièvres, les animaux… Le soir, tout devient vivant. Toute la magie se produit la nuit!» 

«Beaucoup des choses sur l’album, et les chansons dont j’ai fini par changer certaines paroles après, sont arrivées à Joshua Tree, car l’endroit influence les points de vue. Sur une pièce comme Fables, j’ai terminé les paroles sur place, et toute l’idée vient que plusieurs des histoires qu’on apprend quand on est jeune ou les fictions qu’on se raconte, elles ne fonctionnent que pour un certain temps. Il faut les changer. Elles sont là pour nous aider à survivre, croit l’artiste. La seule chose qui reste à trouver, c’est la compassion et l’empathie, et de là, on peut aller de l’avant.» Elle ajoute au passage que parfois, être dans un environnement complètement à l’opposé de ce que l’on connaît incite notre corps à apprendre quelque chose de nouveau. 

J’ai le sentiment que c’est le genre d’album qui tente de me dire mon avenir… Je sais que c’est un cliché de dire que vous êtes allés dans le désert et que vous avez eu une expérience spirituelle, mais c’est réellement ce qui m’est arrivé!

Et elle semble réellement avoir vécu un moment mystique. «J’ai le sentiment que c’est le genre d’album qui tente de me dire mon avenir… Je sais que c’est un cliché de dire que vous êtes allés dans le désert et que vous avez eu une expérience spirituelle, mais c’est réellement ce qui m’est arrivé!», affirme-t-elle en riant. 

Cette genre d’épiphanie, même si c’est cliché de le décrire ainsi (elle le dit elle-même!)  lui a permis d’avoir du recul. «Je me suis permis de prendre mon temps. C’est quelque chose avec laquelle j’ai eu de la difficulté pendant longtemps. Comment puis-je laisser aller quelque chose et réaliser que cette chose ne dépend pas de moi. Ça va prendre du temps. Je sais que ça va sonner très cliché, je veux dire que c’est aussi la vérité, mais tout doit venir d’un lieu d’amour et l’amour ne ressemble pas toujours à ce que vous pensez que ça va ressembler.»

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Durant leur séjour, Jim James a organisé une sortie avec un responsable du parc pour en apprendre plus sur la faune et surtout la flore impressionnante du désert. Les arbres typiques de ce désert californien, qui sont en fait des plantes de type yucca, requièrent un écart de température extrême, allant jusqu’à des périodes de gel, pour pouvoir grandir et fleurir. «J’ai vraiment internalisé cette leçon. Ça prend du temps. Ça fait partie d’un processus et d’un écosystème. Tout est connecté de manière invisible. C’est un message qui m’a secoué. Je dois y aller lentement. Ralentir.»

À la fin de l’entretien, quand on lui demande si elle a une pièce préférée, elle hésite un moment. «Chacune des chansons dans mon album pose une question, sauf la dernière qui s’appelle Love is at the End of the World. C’est étrange parce que j’ai écrit cette pièce pour moi, pour me secouer hors de la dépression et pour que je regarde autour de moi, vers les personnes qui m’ont aidée à passer à travers ces temps difficiles.»

Pour Basia, c’était comme une méditation, un mantra. «Même si c’est étrange pour moi de sortir un album en ce moment, je sens qu’à travers cette période d’incertitude, il y a tellement de gens qui s’entraident, qui travaillent de façon extraordinaire en risquant leur vie. J’ai pensé que peut-être cette chanson ne devrait pas sortir parce qu’elle semble naïve, mais j’ai l’impression que son message est peut-être vrai.» 

Love is at the end of the world
Diamonds at the end of the world
Find me at the end of the world

On veut y croire, car en ces temps incertains, on a besoin d’amour et d’espoir. 

Are You in Love? de Basia Bulat paraîtra le 27 mars sur Secret City Records. Surveillez sa page Facebook et Instagram pour la voir en concert sur le web.