Le journal de quarantaine d’Helena Deland
«Je ne veux pas faire l’éloge de la désinformation ou de la méthode de l’autruche, mais j’ai diminué ma consommation de nouvelles parce que ça me gardait constamment dans un état plus ou moins vague d’anxiété.»
Comment gères-tu la quarantaine?
C’est une grande leçon de constance. Je me retrouve comme tout le monde sans la possibilité de sublimer mes états d’âme par le social, ça me donne de la perspective sur la nuance entre mes envies et mes besoins. Je pense aussi que ça distille les habitudes, ce qui donne un sens plus clair des priorités.
Je ne veux pas faire l’éloge de la désinformation ou de la méthode de l’autruche, mais j’ai diminué ma consommation de nouvelles parce que ça me gardait constamment dans un état plus ou moins vague d’anxiété.
Je prépare tranquillement la sortie de mon album dans un monde COVID. J’en «profite» pour lire les livres que je possède et dont j’avais laissé la lecture à plus tard, je cours, je fais du yoga dans le salon (la familiarité avec mes colocs prend des propensions inespérées), j’écoute de la musique, je corresponds par email, je cuisine. J’essaie de ne pas trop me mettre de pression pour produire quelque chose au niveau créatif et je prends les journées comme elles viennent. Le temps passe vraiment vite.
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Qu’est-ce qui te donne de l’espoir?
Ouf. Beaucoup de choses. Ça me donne le vertige de penser que le monde entier est impliqué dans une situation aussi tangible et commune, c’est beau et effrayant. Je suis reconnaissante d’être dans un pays où le système de santé est public (et pour les gens qui y travaillent) et où il y a des mesures comme le PCU qui sont disponibles à tous. C’est sûr que je fantasme sur un monde post-COVID plus conscient et mieux organisé pour remédier à la précarité.
Sinon, je suis reconnaissante pour mes amitiés (à un temps où mes voisins sont aussi accessibles que mes amis à Londres), un logement confortable, du temps libre pour apprendre à se connaître un peu mieux. J’ai hâte de voir le sens que va prendre le temps social quand il reprendra après avoir été complètement remis en question.
Le film que je regarde: Je réécoute les Harry Potter, je pourrais déblatérer là-dessus longtemps, mais je vais m’en tenir à dire que c’est trop bon, vraiment une expérience proustienne, avec les acteurs qui vieillissent au fil des films, sans parler de tous les souvenirs que ça ravive. Je ne pourrais pas recommander plus fortement.
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Je me rends compte en formulant ces réponses que depuis le début de la pandémie je «crave» les films pour enfants, sans doute parce que ça combine l’évasion au divertissement. J’écoute aussi pour la première fois la majorité des films de Miyazaki dont les thématiques sont étrangement pertinentes au contexte actuel. C’est de toute beauté et plus nuancé que le manichéisme des films occidentaux pour enfants.
L’album que j’écoute: Richard Dry de Matthew Tavares, en ce moment, très beau. Je profite (enfin, et religieusement, pour le meilleur et pour le pire) des recommandations des algorithmes.
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On vient de finaliser les mixes de mon album alors disons que j’écoute beaucoup ça et depuis longtemps (pour le meilleur et pour le pire).
Le balado que j’écoute: Bon, comme je disais j’ai troqué les podcasts de nouvelles (The Daily du New York Times est mon préféré) pour un podcast de méditation guidée (Tara Brach). C’est magnifique!
L’artiste que j’ai découvert récemment: Je suis tombée sur les photos de Joanna Piotrowska, qui a fait une série sur les forts comme on en faisait, enfants. Ça me semble approprié ces temps-ci.
Le livre que je lis: Je jongle entre les essais de Mary Oliver (très réconfortants), le journal intime de Sylvia Plath (magnifique, mais pas toujours facile, Plath luttant avec la maladie mentale et étant aux prises avec des enjeux reliés à son genre qui sont encore très actuels) et Emma de Jane Austen, j’ai résisté longtemps, mais maintenant j’adhère complètement, pur gossip.