Quel avenir pour la vie culturelle nocturne?
Musique

Quel avenir pour la vie culturelle nocturne? 

Les petites salles de spectacle auront un rôle clé à jouer dans la réadaptation sociale, selon Mathieu Grondin directeur de l’organisme MTL24/24. Seulement si on les aide à survivre la crise. 

Pour cette nouvelle série, Voir s’entretient avec des acteurs du milieu culturel. Avec les interdictions de rassemblements, difficile de savoir de quelle façon pourra reprendre la vie culturelle. Ensemble, on examine la situation. 

MTL24/24 est un organisme à but non lucratif qui a été créé en 2017 pour unir les voix des différents secteurs de la culture nocturne. «Notre but, c’est de déstigmatiser les activités nocturnes, d’appuyer la scène locale. Ce qu’on aimerait, c’est d’appuyer l’ouverture de nouveaux marchés culturels, de libéraliser le cadre règlementaire actuel», explique Mathieu Grondin, qui agit à titre de directeur et cofondateur. 

Un conseil de nuit qui réunit les différents acteurs de la scène culturelle nocturne verra le jour ce printemps pour émettre des recommandations et des orientations aux différentes instances gouvernementales. La santé au travail prendra une plus grande place que prévu, dans un contexte de vie nocturne sous l’ombre de la COVID-19. 

VOIR: Comment envisages-tu un retour à la normale, même si cela implique une distanciation sociale? 

Mathieu Grondin: En Suède, il y a eu des spectacles, avec les gens qui se tiennent loin, dans des salles qui opèrent à 25-30% de leur capacité. Certains endroits décident de prendre la température du public à la porte, mais dans la mesure où beaucoup de personnes sont asymptomatiques, ça ne reste qu’une façade pour rassurer les gens. Même chose en Corée et à Taiwan, où il y a un code QR qui dit que t’es safe, mais si la seconde d’après tu touches quelque chose, tu pourrais ne plus l’être. 

Il y a des grandes salles qui ont les reins un peu plus solides, qui pourront opérer à 25-30% de leur capacité, et qui viendront pallier les pertes avec une offre de spectacles virtuels. Il y aura du monde dans la salle, et les gens qui ne seront pas prêts à sortir pourront acheter le spectacle et le regarder en ligne à la maison. Ça ne remplace pas la vraie expérience, ça, c’est certain. Tout ça reste encore à voir. C’est encore très difficile d’imaginer un retour à la vie culturelle. 

En ce moment, les salles de spectacles peuvent espérer rouvrir, mais si les mesures d’aide sont retirées, et qu’elles fonctionnent qu’à 25%, elles ne seront pas rentables…

Peu importe si les salles ouvrent ou pas, elles auront besoin d’une aide spécifique au milieu culturel. Les petites et moyennes salles ont un rôle à jouer dans la réadaptation sociale. Je pense que les gens ont eu très peur de tout ça. On le voit maintenant, alors que les mesures de déconfinement commencent à être annoncées: il y a une grande crainte. On ne sera pas prêts à aller dans un festival de 50 000 personnes, mais on sera peut-être plus enclin à aller voir un petit concert dans une salle de 100 personnes. Peut-être que ça va permettre d’apprivoiser la perspective de danger. 

On ne sera pas prêts à aller dans un festival de 50 000 personnes, mais on sera peut-être plus enclin à aller voir un petit concert dans une salle de 100 personnes. Peut-être que ça va permettre d’apprivoiser la perspective de danger. 

Quand on va sortir de la crise, quel sera le problème le plus pressant à régler pour la vie nocturne et culturelle? 

Je pense que les mesures d’aides doivent persister et on doit permettre une libéralisation du cadre règlementaire. Les clubs qui opèrent principalement les jeudis, vendredis et samedis, de 23h et à 3h, ils ont environ 8 à 12 heures par semaine pour engranger tous leurs revenus: payer leurs employés, payer le loyer, payer les frais fixes. Si on leur donnait la chance de vendre plus d’alcool plus tard, peut-être que ça viendrait pallier ce problème. Je pense aussi aux salles de spectacle avec un permis de bar, mais qui ne sont pas dans la bonne petite case de la zone d’urbanisme pour dire que c’est une salle de spectacle. Je pense que les gens de la Ville devront être plus flexibles. 

Sens-tu que la Ville sera réceptive? Est-ce que MTL24/24 est en contact avec des élus? 

On était en contact avec des élus avant que tout ça commence et il y avait une certaine ouverture, particulièrement pour les lieux de diffusion culturelle. On est conscient à la Ville de Montréal que la culture fait partie du développement économique, incluant la culture nocturne. Ç’a toujours été une identité forte de notre ville. Il faudra se rendre compte que les artistes et la culture ont été les premiers impactés par cette crise-là et ce seront les derniers à pouvoir repartir la machine. Ça va faire mal longtemps. 

Il faudra se rendre compte que les artistes et la culture ont été les premiers impactés par cette crise-là et ce seront les derniers à pouvoir repartir la machine. Ça va faire mal longtemps. 

Quelle est la meilleure façon pour le public de soutenir la culture en ce moment?

La meilleure façon de soutenir les artistes est d’acheter leurs spectacles virtuels. Il y a des disquaires qui livrent encore à la maison. Comme on le fait avec les restaurants, on commande des restos qu’on aime pour qu’ils passent à travers la crise. C’est la même chose avec les lieux culturels. J’espère que les petites salles pourront s’en sortir avec une capacité pas trop amoindrie. Ça permettrait de recommencer un peu les choses. Ce qui serait mortel pour bien des petites organisations serait de repartir maintenant, et de devoir fermer à nouveau en septembre pour deux autres mois. C’est très lourd financièrement de redémarrer la machine, c’est comme une bicyclette: au début, les premiers coups de pédales sont plus lourds et t’avances lentement avant de prendre de la vitesse. 

MTL24/24 organise les soirées Transmission, un club virtuel qui est diffusé sur Twitch, où on donne les ondes à différentes organisations. Never Apart s’occupe de la programmation de celle prévue samedi le 2 mai. Tous les dons sont remis aux artistes.