Anachnid
Chaque semaine, en partenariat avec la très cool et pertinente plateforme numérique Nikamowin (une initiative de Musique Nomade), nous vous présentons le profil d’un ou d’une artiste autochtone à découvrir immédiatement.
Jeune artiste multidisciplinaire, Anachnid a sorti un premier extrait épatant en mai 2018, Windigo. Les propos étaient forts. Un amalgame bien réussi de musiques traditionnelles et de trip-hop. Depuis, elle s’est dévoilée sous d’autres énergies avec, entre autres, un duo puissant avec Annie Sama. Anachnid prépare la sortie d’un premier album pour 2019.
L’artiste montréalaise sera en concert le 14 mai au Ministère dans le cadre de Vue sur la relève et le 21 juin à la Sala Rossa dans le cadre de Suoni per il popolo.
Nation: Oji-Cree / Communauté: Montréal / Genre musical: Électro-pop
Tes deux singles, Windigo et La lune ont des énergies assez différentes, mais ont la qualité de mêler tous deux les traditions à des musiques contemporaines. À quoi peut-on s’attendre pour la suite? Est-ce que tu souhaites montrer encore plus de facettes sur d’autres chansons?
Mes deux singles Windigo et La lune sont très différents, mais les deux proviennent d’une émotion de colère et je les ai réalisés dans le même laps de temps, d’une journée à l’autre. Pour Windigo, j’étais fâchée, et j’avais l’impression que mon cœur saignait, donc j’ai utilisé cette rage-là avec une influence de Nanabush qui, lui, est comique et se moque de l’avarice et des mauvaises influences de Windigo sur l’être humain. Mais je ne veux pas me laisser tomber dans la noirceur donc ma musique m’aide à exprimer mon cœur. L’autre chanson est triste, mais elle découle aussi de la colère car dans la colère il y a toujours de la tristesse. J’ai donc décortiqué mes émotions et je les ai placées dans deux chansons séparées. Une est dans la beauté et l’autre est dans le drame théâtral comique.
J’ai grandi dans un environnement exposé à plusieurs styles de musique. Je me suis vue influencée dès mon jeune âge à toute une diversité culturelle. J’aime toutes sortes de musiques, je veux m’impliquer dans plusieurs styles tout en incorporant mes propres ingrédients. Pour moi, c’est clair que dans mon parcours d’artiste, je sers de pont entre deux mondes, car je m’inspire non seulement de mes traditions, mais aussi de la vie contemporaine. J’aime combiner des styles de house, électro et jouer avec les différentes époques où la foule peut se reconnaître et connecter avec ma musique et/ou j’ajoute des chants autochtones par-dessus. Selon mon état d’esprit, je puise dans toutes sortes de genres pour produire une chanson.
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Lorsque j’amène mes racines dans ma musique, j’honore mes ancêtres et j’assure une continuité. Lorsque je chante des chansons sacrées, ça fait que nos chansons restent vivantes et peuvent survivre. Quand on pense qu’on ne pouvait pas pratiquer nos chants traditionnels au Canada car c’était illégal, moi, je souhaite vraiment inspirer la relève à faire de la musique qui les représente dans leur diversité culturelle et dans leurs propres notions du «sacré». Je crois que moi aussi j’ai mes propres chansons sacrées, même électronique, indie, folk, country et/ou hip-hop.
Il ne faut pas oublier qu’Anachnid a huit yeux et huit pattes… c’est certain qu’elle aura huit autres styles. C’est ce que j’aime de mon alter ego Anachnid!
Peux-tu nous parler du territoire dans lequel tu as grandi et partager une chose spéciale ou une anecdote qui implique la communauté?
J’ai grandi à plusieurs endroits. J’ai déménagé plus d’une douzaine de fois, mais l’endroit où je suis restée le plus longtemps c’était dans un petit village du Québec. Pendant ma petite enfance, j’ai vraiment vécu un sentiment de liberté et de confiance dans mon village. Dans notre petite école, il n’y avait même pas de clôture, on avait accès à la forêt et tout était là. Tranquille, pas de peur, pas d’inquiétude, pas d’internet ou de cellulaire. La nature et de grands terrains pour jouer.
À l’automne, quand les ours venaient manger les tites pommes sur le terrain de l’école, on sonnait les alarmes à l’ours. Et là, tous les ti-enfants, couraient dans l’école. Quand je pense aux enfants dans les milieux urbains, je trouve ça triste. Ma petite école était le trésor de mon enfance. Notre lien avec la communauté était très proche. On avait même des camps de jour avec des professionnels du milieu qui faisait des documentaires et qui mettaient du matériel de production qui valait plus de 10 000 dollars dans nos mains! Dans mon village, on célébrait tout. Quand nos camps de jour étaient finis, on faisait un gala. Tout le village venait et s’habillait pour l’occasion.
À la fête du Canada: chaque année, on faisait un grand radeau à deux étages sur la rivière. Un homme du village s’occupait de ramasser du bois tout au long de l’année et vers la fin juin, avec la communauté, il bâtissait le radeau avec l’aide des ados et plein de bénévoles. Sur cette embarcation on retrouvait de tout: des fauteuils, des pianos, des joueurs de tam-tams. Le 1er juillet, le radeau avait pour mission de descendre la rivière jusqu’au cœur du village avec le plus de monde possible et s’amarrait sur la rive en face du bar. Et là: c’était la «célébration» pour tous. Nous, les jeunes, on attendait et on récoltait les bouteilles de bière pour aller s’acheter des bonbons. Cette tradition a duré plus d’une décennie. Mais là, c’est fini, on n’a plus le droit de faire ça.
J’ai besoin de ma communauté pour me ressourcer et me recentrer. En ville, c’est un vortex de temps. Dans ce petit village, on a de tout: des poètes, des philosophes, des idéalistes, des conteurs, des comédiens, des écrivains et des festivals de tout. Et les gens sont gentils, intéressés et présents. J’ai grandi dans les festivals où la célébration est à l’honneur et c’est comme un rituel de but commun. On imagine, on planifie et on réalise l’idée et on performe. Après, on nettoie.
EN VIDÉO:
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