Compilation Québec-LibreVue sur la relève
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Compilation Québec-LibreVue sur la relève

Compilation Québec-Libre

Il y a deux semaines, un journaliste de Radio-Canada me demandait en entrevue s’il y avait réellement une recrudescence de groupes engagés politiquement parmi la nouvelle génération de musiciens. J’avoue que j’ai dû y réfléchir un instant: a-t-on l’impression qu’il y en a plus parce qu’on les entend davantage, ou est-ce simplement qu’on est maintenant plus sensible à leurs revendications après deux décennies plus ou moins silencieuses sur le plan de l’engagement politique des artistes? Le lancement, mardi dernier, de la compilation Québec-Libre, réunissant 17 groupes ou auteurs-compositeurs-interprètes ouvertement engagés, est venu répondre à cette question. Des artistes allant de Mononc’ Serge à Guérilla, d’ArseniQ33 aux Cowboys Fringants, ou de Loco Locass à Ivy, faisant la promotion de l’indépendance du Québec, on n’aurait même pas pu imaginer cela il y a cinq ans, alors que la moitié plus un du Québec disait non pour une deuxième fois et que les artistes s’illustraient par leur absence des débats. Pas étonnant que la Société Saint-Jean-Baptiste se soit associée à cette compilation… Histoire d’en savoir plus sur les opinons politiques des participants à Québec-Libre (Désunifoliez-vous!), j’ai posé deux questions à cinq d’entre eux:

Pourquoi est-ce important en tant que musicien d’afficher ses opinions politiques?
ArseniQ33: "Ce n’est pas en tant que musiciens que nous affichons nos opinions politiques mais en tant que citoyens; nous sommes avant tout des citoyens, et nous avons la chance de pouvoir exprimer nos opinions sur une scène et d’influencer des gens… C’est notre façon à nous de faire de la politique! Vous connaissez la chanson: "Fais de la politique; si tu n’en fais pas, c’est elle qui te fabrique!""

Guérilla: "Parce que l’on y croit plus que jamais à l’indépendance. Jamais on ne cachera nos opinions, au risque de nous mettre à dos 50 % de la population. L’avenir d’un peuple est beaucoup plus important que la popularité d’un groupe. Ne pas prendre position, c’est être lâche et démagogue."

Carl Savard: "C’est pas important en tant que musicien. C’est important en tant qu’être humain. Simonne Monet-Chartrand a dit: "C’est important de dire ce qu’on pense… Ça aide les autres à penser!" Si j’étais cinéaste, je le ferais en films. Si j’étais peintre, je le ferais en peintures; mais je suis auteur-compositeur-interprète, alors je le fais en chansons. Et si je n’étais pas un artiste, je le ferais en paroles. J’ai le goût d’apprendre des choses aux gens, parce que moi je me suis rendu compte qu’il y avait plusieurs événements historiques importants relatifs à mon pays qu’on ne m’avait pas appris à l’école."

Ivy: "Ce n’est pas important. Si ça répond à une émotion réelle, vécue dans le corps et qui parle au coeur, alors c’est important d’en parler. J’ai dû vivre intensément ce pays avant d’essayer de le couler dans ma tête. Le pays que j’ai, il n’existe qu’en moi et en ceux que j’aime: celui que je partage avec tous, il canalise mes passions et s’exprime par ma bouche sur la place publique, ce qui est férocement politique."

Patrick Lafleur: "La musique, en tant que mode d’expression universel, permet de faire passer des messages qui paraissent plus "arides" en paroles. Un groove, un rythme et une mélodie deviennent des outils pour parler au coeur et au corps, et permet à un texte à teneur sociale (lorsque contenu, forme et traitement du sujet sont efficaces) de parler aussi à la tête…"

Dans un contexte de mondialisation, l’indépendance du Québec est-elle encore un enjeu important?
Guérilla: "C’est plus important que ça ne l’a jamais été. On doit absolument se doter d’institutions pour lutter contre le néolibéralisme et tous ces accords de libre-échange. Les décisions quant aux enjeux économiques mondiaux sont présentement prises sans tenir compte des revendications des Québécois. Ce qui est bon (aux yeux du gouvernement, bien sûr) pour le Canada ne l’est pas nécessairement pour le Québec."

ArseniQ33: "Pourquoi la mondialisation aurait-elle rendu la question de l’indépendance

moins importante? On a souvent tendance à oublier que la question de l’indépendance ne repose pas seulement sur des facteurs économiques. Oui, bien sûr, ces derniers sont importants, mais il y a une dimension humaine, culturelle, vivante qu’il nous faut trouver dans un Québec en devenir. Et il ne faudra pas trop compter sur les zoufs de l’OMC pour nous la garantir."

Carl Savard: "Oui! Pour deux raisons: 1- La mondialisation, c’est la pire chose qui puisse arriver. En fait, la mondialisation, ça devrait s’appeler l’américanisation. Y a juste eux autres qui vont pouvoir s’imposer partout. C’est supposé aider l’économie, mais ça n’aidera pas la nôtre, mais bien la leur! 2- À Montréal, des problèmes de 1970 sont encore présents. Il y a encore des compagnies qui exigent le bilinguisme (ici et à Ottawa) mais où tu dois faire tes rapports en anglais pour le gars d’Ottawa (même si lui aussi devrait être bilingue!).

Ivy: "Plus que jamais. Il est important que les peuples prennent conscience d’eux-mêmes et des ressources dont ils disposent. La mondialisation offrira peu d’avantages aux Kurdes, aux Basques ou aux Bretons s’ils ne possèdent pas le plein contrôle de leur pays. Idem pour le Québec. Il faut que le monde sache à qui il a (et avec qui il fait) affaire; ce n’est pas parce qu’on s’ouvre que notre affirmation initiale identitaire est réduite, bien au contraire."

Patrick Lafleur: "Le Québec est de plus en plus reconnu sur la scène mondiale. Notre culture et la force de nos créateurs (au sens très large) y sont pour beaucoup. Je crois que le Québec est en train de faire sa place à l’échelle mondiale, indépendance ou pas. Dans cette perspective, je serais porté à dire que l’enjeu est peut-être moins important. Mais ce serait une étape de plus dans sa reconnaissance…"

La compilation est maintenant en magasin, et un concert pour en souligner la sortie se déroulera le 12 avril, au Club Soda, avec les formations Guérilla et ArseniQ33, ainsi que des apparitions-surprises qui pimenteront cette soirée de conscientisation collective.

Vue sur la relève
Comme chaque année depuis six ans, le festival de créations en arts de la scène Vue sur la relève présente un volet musical pas piqué des vers. Par exemple, ce jeudi 29 mars, à l’Auditorium le Prévost (7355, avenue Christophe-Colomb), on a réuni trois formations ayant chacune une vision bien particulière des musiques de racines: Mort de rire, avec leurs chansons acoustiques aux accents bien québécois avec une touche de folklore; Mes Aïeux, avec leur folklore modernisé à la sauce pop, funk, rap, latino et tutti quanti; et La Chango Family avec leur gipsy-reggae aux allures de fête musicale globale. Une soirée chanson au féminin est également au menu le 6 avril, avec les auteures-compositrices-interprètes Julie Salvador, Laure Péré et Sophie Lemaire. Et tout ça est gratuit avec un laissez-passer que vous obtiendrez en appelant au (514) 278-3941 ou au (514) 872-6131.

À souligner
– La formation ska 2 Stone 2 Skank lance son album intitulé Trois Complices (sur étiquette Eskimo), le 31 mars à L’X (182, rue Sainte-Catherine Est), en compagnie de Spinecracker (ex-Skaface de Toronto) et Les Skalcooliques (de Saint-Bruno).

– Le groupe The Hoax Inc., qui mélange les influences rock, bluegrass, roots et punk, lance un maxi de six chansons, le 1er avril, au Club Zone.

– Une soirée rockabilly-punk vous attend au Jailhouse, le 31 mars, avec les formations Rosekill, Bloodshot Bill et Flight 13.

Kaliroots s’installe pour deux soirs à L’Alizé (les 30 et 31 mars), question de bien transmettre sa vibe reggae-roots, avec Kokoy en première partie.