Spécial hip-hop, Yo!
Musique

Spécial hip-hop, Yo!

Grâce à une intervention musclée au gala de l’ADISQ et à une opération promo tout aussi musclée, à peu près tout le monde sait que le 83 de Québec et Muzion de Saint-Michel ont lancé chacun un album à la fin de 2002. Mais ils sont loin d’être les seuls à avoir offert une nouvelle galette aux hip-hop headz. C’est pourquoi, avant de commencer l’année, je vous propose un petit retour en arrière, question de souligner quelques disques hip-hop qui pourraient vous aider à passer à travers l’hiver. Êtes-vous prêts? 1, 2, 3, Yo!

C-Drik
6 Tracks de trop… la suite
(Apatride / Outside)
Certains le présentent comme le Eminem québécois (à cause de sa voix nasillarde et de son flow syncopé), d’autres l’ont baptisé le Plume Latraverse du rap pour ses textes crus et parfois carrément vulgaires. Mais une chose est sûre: pour C-Drik (membre de Complys, qui nous offrait un très bon disque en 2001), le rap est avant tout un objet de divertissement. Incluant les chansons de son maxi lancé en 2000, auxquelles il a ajouté sept nouvelles pièces, 6 Tracks de trop… la suite propose un rap de party faisant l’apologie de la paresse (La Loi du moindre effort), attaquant baveusement l’incompétence de certains rappers (Ça sent l’fake), avant d’enchaîner avec l’humour scatologique de Bouchez-vous l’nez. C-Drik n’en est d’ailleurs pas à une contradiction près, rêvant de richesse sur $$$ et clamant son antimatérialisme sur Ç’comme ça. En fait, le fondateur du crew Le Team (responsable du hit underground On fout l’bordel) est, somme toute, le rapper québécois le plus délirant. Et rien que pour ça (et malgré la teneur potentiellement choquante de ses textes), C-Drik est à découvrir d’urgence.

Cavaliers Noirs
L’État nous surveille
(Apatride Records / Outside)
Même étiquette de disques que C-Drik, même collaborateur musical (Mèche), et pourtant, Cavaliers Noirs, eux, n’entendent vraiment pas à rire. Le menu des sujets défile en intro: le contrôle de l’information, l’oppression, l’exploitation, la vie en société; C.N. veulent contrer l’inconscience collective, le matérialisme et la bêtise humaine. Leur premier album, Envers et contre tous (paru en 1999), les avait fait connaître surtout auprès des amateurs de musique alternative, puisque leur énergie sombre et la dureté de leurs propos rappelaient davantage l’univers hardcore. Sur L’État nous surveille, les quatre M.C. (plus Mèche, DJ Horg et les Productions Undaground) poursuivent la guérilla parolière tout en construisant des musiques plus riches dramatiquement, et proposent même une expérience musicale inusitée en faisant appel aux guitares et percussions hardcore de Body Bag. Bref, rien de rassurant, mais pour qui aime vivre les yeux grands ouverts sur la folie humaine, Cavaliers Noirs joueront parfaitement leur rôle d’éveilleurs de consciences.

Le Cerveau
Le Québec assiégé
(HLM / Local)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bien nommé et vétéran M.C. Le Cerveau se sert particulièrement bien de sa matière grise sur Le Québec assiégé. Après plus de 10 ans de participation à tous les showcases et concours hip-hop sur la scène locale (sans compter ses collaborations multiples aux disques de ses collègues), c’est un Cerveau bien mûr qui nous présente enfin un premier album. Racisme (Néoquébec), conflit des générations (Si jeunesse savait…), déclin des religions (Dieu a ses limites), critique de l’humanité (Dis-moi pourquoi): autant de questions sérieuses traitées de façon pertinente avec une certaine dose de sagesse et un soupçon de controverse. Ajoutez des musiques produites majoritairement par El Verso et l’omniprésent et polyvalent DJ Horg, qui valse entre ambiances expérimentales et grooves funky (parce qu’on s’amuse aussi avec Le Cerveau), et vous obtenez un disque particulièrement solide et cohérent du début à la fin de la part du "Québécois noir qui jamais ne va se taire".

La Réplik
Si j’avais su…
(Productions Réplik / Local)
Autre formation hip-hop montréalaise qui aurait pu nous offrir un album bien avant aujourd’hui, mais les aléas de l’autoproduction étant ce qu’ils sont, ce n’est que huit ans après leur naissance que l’on peut enfin goûter à leur rap en noir et blanc, qui se démarque par le souple chevauchement des accents et des voix de ses six membres. Avec Nasty Wong aux musiques minimalistes mais efficaces, Si j’avais su… installe son rythme et ses différentes personnalités au fur et à mesure que sont étalés ses sujets terre à terre, issus du quotidien. Faisant preuve d’une retenue étonnante, compte tenu de la somme d’énergie qui pourrait être déversée par une formation aussi nombreuse, La Réplik a su canaliser ses forces et fait preuve d’un humour surprenant dans les petits sketchs sonores qui pimentent le disque. Pour les amateurs de rap sans fioriture.

67 District – Larock L’Instigatt présente
Artistes variés
(La Consienza.com Productions)
Le 67 District, c’est le quartier Saint-Michel, mais c’est avant tout la ligne d’autobus numéro 67, qui arpente le boulevard Saint-Michel dans son axe nord-sud. Une multitude de talents hip-hop y foisonnent depuis des années (dont KZ Combination et Muzion ne sont que la pointe de l’iceberg), et un de ses vétérans, Larock L’Instigatt, a eu la très bonne idée de les réunir sur une compilation qui servirait à la fois de tremplin pour les jeunes pousses et de projet rassembleur pour d’autres pointures rap issues de quartiers traditionnellement "ennemis" comme Rivière-des-Prairies ou Montréal-Nord. C’est que Larock L’Instigatt n’est pas un M.C.-producteur comme les autres: il est aussi patrouilleur de rues pour le compte de la Maison d’Haïti, dans le quartier Saint-Michel, d’où sa conscience communautaire. Sur cette compilation multilingue de haut niveau, vous entendrez les Kombinn Lakay, Le Voyou, Spook, Rainmen, S-Cro, Radical, Double Alliance, L’Instigatt lui-même et d’autres, qui vous feront partager leur fierté et leur désir de communication. Rassembleur.

à souligner
– Break de Scène locale pour les prochaines semaines (ben quoi, tout le monde a droit à des vacances…), alors si vous organisez des événements durant le mois de janvier, adressez-vous à Michèle Provencher, que vous pouvez joindre à l’adresse suivante: [email protected]. Elle pourra peut-être vous trouver une petite place dans le journal…