Et c'est pas fini…
Musique

Et c’est pas fini…

"Mais avant d’être sûr, complètement sûr, que c’est trop tard, beaucoup trop tard, avant que la vie ne m’arrache le cour, je vais danser vers le danger…" Le Risque de l’habitude, Les Chiens.

Bon, allez, ça fait au moins quatre fois que je recommence cette chronique, on ne va pas tourner autour du pot pendant 107 ans, voici la situation: j’ai pris la décision de quitter mes fonctions de journaliste musique à Voir pour me joindre de façon plus intensive à l’équipe de Bandeapart.fm à Radio-Canada… Ben oui, bête de même… Une décision rapide mais pas facile pour autant. On ne met pas un terme à presque sept ans de chroniques avec la même naïveté qu’on s’est embarqué dans cette aventure qui fut, et je pèse mes mots, extrêmement enrichissante. Cette occasion professionnelle, que Laurent Saulnier, Richard Martineau et Pierre Paquet m’ont proposée dans une petite salle de conférence un après-midi de l’automne 1996, s’est transformée en passion dévorante, en véritable mission.

Et lorsque je regarde derrière, bien sûr que faire des interviews avec Björk, Radiohead, Leloup ou R.E.M ont été des moments forts de mon passage au journal; mais créer de véritables liens avec des artistes locaux, les suivre depuis leurs premiers pas maladroits sur des scènes crottées et mal sonorisées, leur prodiguer quelques conseils, leur brasser la cage lorsque la paresse transpirait, et les porter aux nues lorsqu’ils le méritaient, tout cela m’a apporté mille fois plus de satisfaction que d’être le quarante-douzième journaliste à poser les mêmes questions aux stars de ce monde.

J’ai parfois eu l’impression de vivre des moments uniques, j’ai aussi souvent eu l’impression de perdre royalement mon temps, mais jamais je n’ai cessé de croire que ma job "d’amateur de musique professionnel" était primordiale pour toute une communauté d’artistes en quête de reconnaissance. C’est pourquoi je continuerai donc de couvrir ce milieu si stimulant, mais avec des armes médiatiques différentes. Parce que c’est là qu’on est rendu: le terreau des talents émergents n’a jamais été aussi fertile, les structures d’aide aux artistes indépendants évoluent lentement mais sûrement, le public est de plus en plus nombreux à en avoir marre des plans marketing qui font de lui des clientèles-cibles, et l’ouverture des médias de masse aux talents nouveaux laisse poindre plus qu’une lueur d’espoir à l’horizon. L’espoir de quoi? L’espoir de voir un jour cette industrie musicale ankylosée "danser vers le danger", se renouveler et rattraper le temps perdu à se regarder le nombril, à copier sur l’examen du voisin, à gaver les gens de mièvreries et à protéger son petit marché! Utopiste, en ces temps de staracadémisation généralisée? Ben oui, pis après, faut bien carburer à quelque chose…

J’ai passé une bien étrange semaine à annoncer ma décision à gauche et à droite et à la digérer moi-même… Je vous laisserai donc avec ce bout de chanson de l’impayable Karlof Galovsky, du Karlof Orchestra, qui, après quelques bières, s’est laissé convaincre de s’inspirer de mon départ…

Et t’es pas fini (quasiment sur l’air de Et c’est pas fini…)

par Karlof Galovsky

Je t’ai vu, à la tombée du jour / critiquant des tounes pis des concours

Je t’ai lu, déverser du fiel / car tu as dans la mine bien mieux que des ailes

Je t’ai vu, entrer gratos au Chaos / détremper dans la bière de la tête aux pieds

Je t’ai vu, sur toutes les guest lists / t’es payé pour écouter des disques

Je t’ai vu, dans des festivals / je t’ai lu sur des bands qui ont des noms bâtards

Je t’ai élu, roi de la scène locale / téméraire, sans peur et sans remords

Je suis toi, tu es moi / et nous sommes bientôt ce qu’il y a de plus beau dans le mooonde, dans le mooonde oonde…

Et t’es pas fini, ce n’est qu’un début / le vrai Paraz ont l’a pas encore vu

Y va faire des vues, on va l’voir tout nu / la vraie ecstasy il l’a pas encore eue

Y va faire un album, de rap anglophone / et c’est le plus beau des commencements en en en en…

Merci, Karlof! L’album Fuck’n’Shit Baby Love est en vente chez tous les bons disquaires… Merci d’avoir lu Scène locale durant toutes ces années. Votre fidélité et vos réactions (enthousiastes ou hystériques… n’est-ce pas, Martyne?) ont donné un sens à ma job. Et rassurez-vous, la chronique continue dès la semaine prochaine sous le contrôle total et complet de mon jeune confrère Olivier Robillard Laveaux, un redoutable candidat au titre de Monsieur Scène Locale… et certainement un peu maso d’avoir accepté ce poste. Allez, Oli, on se revoit au prochain show?!

La Saint-Jean de Capitaine Révolte…

Un instant, je n’en ai pas encore fini avec vous! La semaine prochaine, c’est la Saint-Jean, il y aura des shows partout pour nous le rappeler. (Allez donc voir dans le calendrier, moi je suis déjà en vacances…) Mais se souvient-on réellement des bonnes raisons de fêter? Question de se rafraîchir la mémoire, j’ai demandé à Fred, chanteur, guitariste et auteur des textes de Capitaine Révolte, de m’expliquer le refrain de la pièce J’ai oublié, un des moments forts de leur nouvel album Danse sociale et une mélodie qui m’a suivi durant toute cette dernière semaine de Scène locale: "Je me souviens de rien / Fais-je de l’amnésie? / Suis-je un Américain / né en Californie?"

"Premièrement, le titre de la chanson est bien évidemment une satire de notre belle devise dont à peu près 95 % des Québécois ignorent le sens. C’est une parole qu’un officier de l’armée française avait sortie en je ne me souviens pas quelle année, hé, hé, hé… Pour ce qui est du refrain, il fait référence à cette devise fort bien oubliée et remplacée par une chaîne de restaurants fast-food bien connue appelée La Belle Province… J’ai été poussé à écrire le refrain en ces mots parce que: à l’est, provinces maritimes, des anglos; à l’ouest, l’Ontario, des anglos; au sud, les USA, des anglos… Qu’est-ce que ça fait? Les plus faibles ont peur d’être fidèles à leur langue, essayent de se faire accepter par la masse qui les entoure et oublient leur patrie en contribuant à faire crever le langage par lequel ils s’expriment quotidiennement. Chanter en anglais, je n’ai absolument rien contre ça, mais quand tu as parlé français toute ta vie et que, tout d’un coup, Los Angeles, New York et Londres viennent t’enseigner le désir d’être une rock star, ça ne veut pas dire qu’il faut trahir tes racines. Vive le 53e État américain, le Québec!" À méditer entre deux gorgées de Mol tablette… Ciao!