LE CHANT DU SIGNE
En trois ans, l'échiquier de la scène indépendante québécoise s'est largement transformé. Les artistes émergents se retrouvent maintenant dans une position où de nouveaux choix s'imposent, particulièrement au moment de signer avec une étiquette de disque. Plus nombreuses, les options amènent aujourd'hui un groupe à choisir sa niche.
Les Anubis, Confiserie et C4 sont nés de grandes ambitions. Dare To Care a renforcé sa position avec le succès de Malajube. Proxenett a dû se refaire un catalogue avec la fin de Gwenwed. Indica est devenu un label de premier plan au même titre que La Tribu, et les représentants d'Audiogram se font plus présents lors de concerts de moindre envergure.
Côté distribution, malgré ses limites budgétaires, Local a prouvé toute son efficacité à titre de tremplin pour les artistes émergents, et DEP accepte davantage de jeunes artistes avec sa série La Relève.
Devant cette nouvelle réalité, une formation qui se produit régulièrement dans les bars de la métropole et qui obtient un certain succès sur les ondes des radios indépendantes doit se poser plusieurs questions avant de signer un contrat. D'abord, est-ce que le label en question est adapté à sa situation? Par exemple, un Dare To Care est nettement plus habitué au circuit rock local qu'un Audiogram ou un GSI. Conscient de cette lacune, GSI est d'ailleurs allé chercher Navet Confit pour fonder La Confiserie, qui serait plus familière avec la scène émergente.
En revanche, Audiogram offre un soutien cinq étoiles pour tout artiste vendeur comme Pierre Lapointe. Toutefois, à moins de jouir d'un succès critique béton (Jérôme Minière chez La Tribu, Karkwa chez Audio), un groupe au succès moindre pourra se sentir délaissé par une grande maison de disques. Parlez-en à Ily Morgane, Balthazar, Les Chiens, Yves Marchand ou Paul Cargnello. À ce chapitre, discuter avec des artistes qui font (ou qui ont fait) affaire avec les différents labels représente une étape primordiale.
Dans son excellent documentaire What is Indie?, le réalisateur Dave Cool en arrive à la définition suivante: "In-die: abréviation pour indépendant: réfère à une philosophie basée sur une approche proactive d'un artiste quant à sa propre carrière, celui-ci conservant un contrôle artistique total et assurant ainsi l'intégrité de son art, qu'il soit sous contrat avec une maison de disques ou non." Cette notion d'approche proactive d'un créateur lui assurant un contrôle artistique total devrait aussi être au centre des priorités des artistes.
Revenons sur le cas Audiogram. En produisant lui-même Les Tremblements s'immobilisent, Karkwa avait carte blanche au moment d'enregistrer l'album. Par contre, la stratégie radiophonique de l'étiquette a amené le groupe à modifier sa pièce Le Coup d'état, qui malgré une version écourtée, reste boudée des radios. Dans ce cas toutefois, ces dernières seraient sûrement plus à blâmer qu'Audiogram.
Lors d'une récente entrevue, Éric Goulet vantait pour sa part les mérites de l'indépendance: "Pourquoi donner des sous à un label quand ton groupe n'en gagne presque pas […] Aujourd'hui (avec les nouvelles technologies), un artiste peut enregistrer et lancer son disque sans trop dépenser". L'option Local, qui distribue à peu de frais des albums autoproduits, prend ici tout son sens, mais le distributeur devra trouver le moyen de tirer profit des départs de ses artistes phares (Malajube, Trois Accords, Navet Confit). Il en va de sa survie même.
Le point souligné par Goulet devrait aussi éclairer un groupe sur le budget consenti à la réalisation d'un disque. Plus un label investira de sous, plus les ventes d'albums deviendront un facteur important dans sa relation avec l'artiste. Et qui dit ventes à tout prix, dit aussi compromis. C'est ce qu'explique le réalisateur Steve Albini dans son texte The Problem With Music, un mini-essai instructif et facile à dénicher sur le Web. Plutôt critique envers les dépisteurs de talent (les A&R en anglais), il y "démonise" les majors, ce qui n'est pas le but de cette chronique. Signer avec une grosse étiquette, une petite, ou rester indépendant sont tous des choix dont un groupe peut tirer profit. Il s'agit simplement de savoir quelle option s'avère la plus adaptée à ses buts, à sa philosophie et à sa vision artistique.
ooo
CONSEILS CONCERTS
Jimi Hunt (version one man band) se produit le jeudi 6 juillet au Barfly avec Brigitte Bordel et Sweetheart Sebastian.
Surferigno rend hommage aux Ventures le 8 au Quai des Brumes.
Groupe planant anglophone, Subsally joue le 12 à la Casa Del Popolo.
ooo
DISQUE LOCAL
JF Robitaille
The blood in my body EP
(Sonic Unyon)
Né à Montréal, mais récemment déménagé à New York, JF Robitaille lance son premier EP enregistré à l'Hôtel 2 Tango par Howard Bilerman (Arcade Fire, Dears) et Brian Paulson (Beck, Wilco). Six titres témoins d'une douceur rappelant celle d'un Leonard Cohen (il reprend d'ailleurs Famous Blue Raincoat) ou d'un Sufjan Stevens, The blood in my body évite aussi la mélancolie totale. Robitaille y insuffle un peu de gaieté avec les pièces New York et Love the lie. Une pop intelligente, dépouillée, efficace et absolument charmante. En concert le 11 juillet au Divan Orange avec Jason Bajada et Boo Hoo. 4/5
Son nom sonne plus comme une étoile montante de la boxe que de la chanson: « JF Robitaille », mais dès qu’on tend l’oreille à ses compositions, on ne peut faire autrement que de tomber en amour avec ce chanteur. Son style indie, folk rock est envoûtant sans parler des paroles de ses chansons qui sont tout simplement brillantes. Une musique rafraîchissante qui séduira sans aucun doute un large public!
Pour un avant-goût de l’album :
http://myspace.com/jfrobitaille
« In-die: abréviation pour indépendant: réfère à une philosophie basée sur une approche proactive d’un artiste quant à sa propre carrière, celui-ci conservant un contrôle artistique total et assurant ainsi l’intégrité de son art, qu’il soit sous contrat avec une maison de disques ou non. »
En poussant la réflexion plus loin, on peut se demander s’il y a vraiment des artistes qui n’ont que peu à faire de l’intégrité de leur art? Et dans ce cas peut-on vraiment appeler ca de l’art? Pour moi, les étiquettes de disques devraient se contenter de produire des disques et offrir le soutient nécessaire aux groupes qu’elles recrutent.
L’histoire le démontre bien, les Majors n’ont que tres rarement de flair pour recruter des nouveaux talents et se contentent souvent d’essayer de recopier une formule gagnante. Les labels indépendants sont beaucoup plus innovateur et, surtout, ils osent. Et avec une bonne distribution, un groupe est aussi bien, sinon mieux servi par un label indépendant qui s’occupe de ses artistes.
Il faut évidemment avoir le choix, car ce n’est pas à tous les artistes que des labels proposent des ententes. Mais, quand on a le choix, il me semble que le meilleur label sera toujours celui offrant un bon potentiel, un label possédant les ressources plus que suffisantes pour vraiment appuyer un artiste et le propulser vers le sommet. À quoi bon s’associer avec une boîte qui végète presque sous prétexte que l’on s’entend bien? À tout prendre, le plus gros label sera préférable, même s’il s’avère un peu plus difficile de capter son attention.
Plutôt que d’aller patauger dans la barboteuse du petit, autant rester chez soi dans sa baignoire, non? Tant qu’à aller nulle part lentement… D’ailleurs, toutes ces considérations relativement au choix d’un label sont en grande partie du blablabla oiseux. Quand on est déterminé et que l’on sait ce que l’on veut, le choix est instinctif et évident. Si l’on se satisfait à aller nulle part, n’importe lequel label de troisième ordre fera l’affaire. Par contre, si on a le moindrement d’ambition et de talent, un label d’envergure s’impose tout naturellement. N’est-ce pas?
Certains groupes se font mettre à la porte par leur maison de disque parce qu’ils ne vendent pas assez. La plupart de ces groupes-là n’auront même pas eu la chance de tourner à la radio et donc beaucoup moins de chance de se faire connaitre. Le problème , c’est que CKOI et le Réseau Énergie aiment mieux faire jouer de l’Américain que du Québécois. Ils vont donnés moins de chance à un groupes d’ici. Essayez de comprendre? À part les gros noms , les autres tournent à 4 heures du matin quand tout le monde dort. Les compagnies de disque eux sont là pour rentabilisé leurs investissements. Si ils n’ont pas la collaboration des radios , ça ne peut pas marché.
Excellent article cher Olivier! En effet, depuis quelques années, le paysage s’est grandement modifié et ton résumé de l’état de la situation est dosé et inclusif. C’est une synthèse très concise. Tu y traites autant des maisons de disques dont le statut a progressé, de l’éveil des boîtes plus classiques ou des artistes qui agissent comme micro-producteurs. Car rappelons-nous bien d’une chose, au Québec, les multinationales sont tellement absentes qu’essentiellement tout le monde est indépendant! D’ailleurs, sur cette question d’indépendance soulevée par le film What is indie? j’aimerais ajouter mon grain de sel. On s’entend habituellement pour dire qu’un artiste est indépendant s’il conserve le contrôle sur sa direction artistique. Pour ma part, l’artiste peut en effet contracter un partenariat avec quiconque (gros ou petit label), mais son indépendance sera aussi conditionnée par sa capacité à s’entendre sur le budget du projet, l’utilisation du financement public (les subventions!!), le calendrier et surtout la stratégie marketing. Car qu’importe que la musique soit bonne, si la promotion est coûteuse ou douteuse, la sauce risque de faire des grumeaux et l’artiste de devoir en manger quand même, et de ramasser la facture…