RETOUR POP MONTRÉAL
333 groupes en cinq soirs dans 25 salles montréalaises, c'est énorme. Avec autant de concerts présentés simultanément au Pop Montréal, il faut faire des choix, avoir des jambes de béton pour propulser son vélo à travers la ville (le trajet et les côtes qui séparent le National de l'Ukrainian Federation sont une épreuve pour le fumeur que je suis) et ne pas hésiter à bousculer ses plans si le spectacle initialement choisi est annulé ou tout simplement mauvais.
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GONZALES LE 4 À L'ÉGLISE SAINT-JEAN-BAPTISTE
Ce fut le cas pour le concert de Gonzales mercredi à l'église Saint-Jean-Baptiste où le Montréalais exilé en Europe n'a jamais su recréer la magie de son spectacle Pianovision présenté cet été au Festival de jazz. Jouées sur l'orgue situé derrière la foule (premier bémol), ses compositions et ses reprises déconstruites de Frères Jacques et d'autres airs connus n'ont jamais soulevé la foule. Si la délicatesse et la subtilité d'un piano servent parfaitement Gonzo lorsqu'il démystifie la musique classique, nous montrant la différence entre une mélodie jouée en mineur et en majeur, il en va tout autrement pour l'orgue. Plus majestueux, l'instrument libère toute sa force lorsque joué avec vigueur, lorsque les notes forment un tout, une intense vibration ressentie jusque dans votre poitrine. Le jeu rapide, léger et désordonné de Gonzales semblait mal adapté à l'instrument. Sur l'écran géant posé devant la foule, avec qui le musicien n'a jamais interagi, l'artiste prisé par les médias avait l'air d'un moine déséquilibré pris en flagrant délire sur l'orgue d'un monastère.
Quinze minutes après la première note, je me rendais voir Deweare à l'Escogriffe, concert annulé à la dernière minute. D'ailleurs, comment se fait-il qu'autant de groupes locaux (Deweare, Vitaminsforyou, Motus 3F, Les Trompe-l'Oeil, Numéro) aient annulé leur prestation au Pop Montréal? Est-ce dû à un manque de communication entre eux et l'équipe de programmation? Pas normal que Les Trompe-l'Oeil apprennent leur participation au Pop en lisant le programme! Le nombre de spectacles a-t-il dépassé la capacité organisationnelle du festival?
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IPOD BATTLE LE 4 À L'ACADEMY
Premier contact avec cette compétition qui en est à sa troisième édition, j'ai fini ma soirée au iPod Battle. En véritable expansion, le concept présente deux équipes jouant tour à tour une pièce sur son lecteur MP3. Au final, la foule détermine le vainqueur, votant pour la meilleure sélection musicale. Pour être franc, j'ai refusé deux fois de participer à l'événement, le voyant comme la chasse gardée des "scenesters": mélomanes un brin élitistes et adeptes d'un son au goût du jour. Traitez-moi de mauvais perdant, mais je ne voulais pas me casser la gueule en jouant une excellente pièce country des Frères Cheminaud plutôt qu'un remix hip-hop déniché sur MySpace.
Pour avoir assisté aux trois derniers combats de la soirée, mon préjugé envers l'événement n'était pas fondé. Ce ne sont pas les pièces "groovantes" rares ou inconnues qui donnent la victoire au iPod Battle. Au contraire, ce sont les trois mêmes titres surexploités de TTC ou d'Omnikrom et les vieux succès pop des années 80 ou 90; des classiques comme Les Chinois de Mitsou ou Hangin' Tough des New Kids on the Block. Bref, des pièces sur lesquelles crachaient ces mêmes "scenesters" il y a dix ans. Les équipes plus subtiles dans leurs sélections font malheureusement patate. Mon choix de ne pas y participer reste donc le même. Je serai trop frustré de perdre après avoir joué Voix de Fait de Manu Militari, alors que mon adversaire a opté pour la facilité de Barbie Girl d'Aqua. N'empêche que je me suis bien amusé au troisième iPod Battle. L'ambiance y était survoltée, et après trois ou quatre verres dans le nez, entendre Mr. Personality de Gillette peut faire sourire. Qui a gagné? Les rappeurs d'Omnikrom… en se faisant eux-mêmes jouer, bien sûr.
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UBERKO LE 6 AU SHOWCASE SOPREF, LION D'OR
Si j'ai aussi vu quelques pièces des prestations de Telefauna, Otarie (encore très embryonnaire), Jacquemort (non loin de Malajube dans ses structures, mais moins sale) et Artist of the Year (maintenant plus énergique qu'ambiant), mon coup de coeur local revient à la formation de Québec Uberko. Véritable bombe sur scène, le groupe aux influences pop britannique et électro dansant déployait une énergie brute à la Muse (ce qui n'est pas peu dire) non sans un raffinement évoquant Radiohead. Profitant du charisme et de la voix surprenante de Marco Morin, le quintette jouit également d'une touche électro moderne disjonctée qui le relie à la vague des We are Wolves ou LCD Soundsystem. Si nous étions en Angleterre, la une du magasine NME vous présenterait Uberko comme votre nouveau groupe favori. Des gens de l'industrie se trouvaient d'ailleurs dans la salle, dont ceux de Bonsound d'Avalanche Productions (Jorane, Plaster). Le buzz avait déjà gagné la vieille capitale, voilà qu'il frappe à nos portes.