Musique

Bilan 2007

Chaque année nous amène sa révélation scène locale. Après Arcade Fire (2005) et Malajube (2006), 2007 aura été l'année de Tricot Machine. Catapultée à la une des magazines, à Tout le monde en parle et au Gala de l'ADISQ, la formation n'aura laissé personne indifférent. Qu'on aime ou non, le duo présente un potentiel de composition nettement supérieur à celui d'Omnikrom ou Numéro#, deux autres groupes marquants de l'année mais dangereusement ancrés dans l'air du temps. Seront-ils toujours pertinents dans cinq ans? Je le leur souhaite, mais pour y arriver, ils devront faire preuve d'ingéniosité.

2007 est aussi synonyme de disparitions importantes: celle de LOCAL Distribution et du disquaire Les Anges Vagabonds. Après avoir rendu de fiers services aux musiciens émergents, ces deux soldats n'ont pas survécu aux mutations profondes de la scène. Internet et l'ouverture des grands disquaires aux artistes indépendants auront eu raison des Anges, et l'explosion des labels indépendants aura poussé LOCAL au bord du gouffre. Je ne veux pas être prophète de malheur, mais si la SOPREF n'imite pas sa branche LOCAL en se réorientant rapidement, son temps aussi sera compté. Apprendre à se débrouiller et gérer sa carrière est bien utile lorsque personne ne peut nous venir en aide, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ironiquement, SOPREF / LOCAL est sans doute à l'origine de tous ces changements.

Comme le soulignait mon collègue journaliste Olivier Lalande, la hype a aussi pris une importance capitale au sein de la scène locale en 2007. Combinée aux hebdomadaires et radios universitaires, la communauté Web donne des ailes aux artistes émergents, qui voient leur carrière décoller rapidement. Le cas de Bonjour Brumaire (contrat de disque enviable après seulement huit mois d'existence) et celui de Tricot Machine en sont des exemples probants. Si, de par ses origines centrées sur la musique et non sur un budget de promotion, la hype profite plus qu'elle ne nuit, sa fermeture d'esprit me semble toutefois déplorable. Abonnés aux parutions de Dare To Care/Grosse Boîte et experts en électro déglingué et en rock nerveux, de nombreux blogues et Web TV respectés sont très efficaces pour trouver le loft secret où danser la poutine, mais lorsque vient le temps de parler de Frank Martel, d'O Linea ou d'Accrophone, silence radio. Ce manque d'ouverture ressemble en tout point à ce qu'on reproche aux programmateurs de CKOI, Énergie ou Cité Rock Détente. Mais ce phénomène de cybercommunauté est récent, nous mettrons donc ça sur le dos d'une jeunesse assoiffée autant de soirées de défonce que de bonne musique. Cela dit, bouder un groupe sous prétexte qu'il est hypé relève de la mauvaise foi.

TOP 10 SCÈNE LOCALE 2007 /
1- Tricot Machine, Tricot Machine
Témoignant d'une formidable sensibilité et d'un talent de composition hors pair, les chansons de Tricot Machine réjouissent et font parfois pleurer. Ceux qui n'y perçoivent que la naïveté de Passe-Partout n'ont pas écouté Le Trou, Les Peaux de lièvres, Un monstre sous mon lit et Ambulance.
2- O Linea, L'Ordre des choses
Si vous aimez la voix haut perchée de La Descente du coude ou Mars Volta, O Linea est pour vous. Chaînon manquant entre le côté accrocheur de Vulgaires Machins et celui plus agressif des Sainte Catherines, O Linea se situe facilement dans le top 3 des meilleurs groupes punk/rock de la province.
3- Gatineau, Gatineau
On la savait explosive sur scène, mais la formation Gatineau a prouvé toute sa pertinence avec ce premier album complet. Un hip-hop riche, imprévisible et fort efficace. Un véritable travail de moine.
4- El Motor, El Motor
Des nombreux disques de pop moderne et vitaminée parus cette année, El Motor est ressorti du lot grâce à ses superbes textures de guitares et de claviers. Le groupe a encore du chemin à faire pour assurer en concert, mais ça viendra.

5- Frank Martel et l'Ouest céleste, Yé-yi you-ya
Secret bien gardé de la scène locale, Frank Martel tisse un univers qui ne ressemble à rien. Et lorsqu'on fait de la chanson folk au Québec, Dieu sait que cette singularité est un atout.
6- Accrophone, J'thème
Allumés, brillants et originaux, les gars d'Accrophone se foutent bien d'être street, gangsta ou électro-cool. Pas besoin de textes grivois ou de coups d'éclat pour attirer l'attention. Juste du bon rap intelligent.
7- We Are Wolves, Total magique
La pièce Magique de We Are Wolves est l'hymne dansant le plus ravageur de 2007. Un disque électro-punk aussi abrasif qu'accessible. Difficile à croire qu'il a été enregistré par le même gars (Jess Gagnon) qui réalise les albums de Mes Aïeux.
8- Navet Confit, LP22
Oui, l'album de Navet Confit s'étire et mériterait d'être plus ramassé, mais il foisonne de bonnes idées. Jean-Philippe Fréchette est l'un des musiciens, compositeurs et arrangeurs les plus doués de sa génération.
9- SoCalled, Ghettoblaster
Le rappeur juif SoCalled s'est retrouvé sur toutes les lèvres en 2007. Normal, rares sont ceux qui mélangent rap et musique klezmer. Et surtout, le Montréalais le fait bien.
10- Dirty Tricks, Sauve qui peut!
Montréal excelle déjà dans le gros rock lourd, mais les gars de Dirty Tricks y injectent suffisamment d'influences plus atmosphériques pour se démarquer.