Musique

CHRONIQUE SCÈNE LOCALE: 242 CHRONIQUES PLUS TARD


photo: Sophie Samson

Il y a exactement cinq ans, lorsque Éric Parazelli me proposait de porter le flambeau de la chronique Scène Locale, les Breastfeeders venaient de se faire coiffer au fil d'arrivée des Francouvertes par la formation rai Syncop. À l'époque, les musiques du monde avaient la cote, et les Polémil Bazar, Tomàs Jensen et autres Chango Family tenaient le haut du pavé.

242 chroniques plus tard, le paysage musical n'est plus le même, tout comme le sens du terme "scène locale", pris au cour d'un débat sémantique. Doit-on parler de scène "locale", "émergente", "indépendante", de relève ou tout simplement de musique? Au fil du temps, tous ces mots ont fini par définir la même chose, au grand dam des puristes linguistiques. Peu importe le terme utilisé, le mélomane comprend à quoi il réfère.

Allergique aux attachés de presse et leur "tu devrais écouter ça, il y a vraiment un buzz autour du band", la chronique s'est efforcée de suivre les premiers pas de groupes prometteurs qui se retroussent les manches, évitant les raccourcis comme un relationniste harcelant. La différence est grande entre l'artiste au service de sa propre vanité, celui gonflé artificiellement et celui qui monte sur scène pour témoigner d'une fibre créatrice inhérente à sa personnalité. C'est pour ces derniers que "Scène Locale" existe.

Au cours des cinq dernières années, les Pierre Lapointe, Malajube, Arcade Fire, Galaxie 500, Trois Accords, Karkwa, Navet Confit, Misteur Valaire, l'Assemblée, Patrick Watson, Omnikrom, Unicorns et Vulgaires Machins ont fait avancer la musique québécoise. Ils l'ont propagée jusqu'à de nouvelles oreilles. Certains l'ont ancrée dans la modernité du 21e siècle en repoussant ses limites. D'autres ont posé les jalons d'une diversité musicale sur les ondes des radios commerciales. Certains l'ont fait rayonner à l'international. Aujourd'hui, ces groupes servent de modèle à suivre pour la génération de demain, ceux dont vous pourrez suivre les faits d'armes dans cette chronique.

Voici un top 5 des événements "Scène Locale" marquants des cinq dernières années. La semaine prochaine: palmarès des personnalités les plus influentes du milieu.

1-La révolution Internet

Autrefois, il fallait voir quatre concerts par semaines pour trouver la perle rare. Aujourd'hui, vous pouvez découvrir une douzaine de bons groupes en naviguant une heure sur MySpace et sur différents blogues. Internet est devenu le meilleur moyen de diffusion des groupes émergents.

2-L'explosion Arcade Fire / Malajube

Plutôt évident vous allez me dire, mais Arcade Fire et Malajube ont haussé les standards de qualité musicale. Les barèmes de comparaison ont évolué, et les mélomanes/critiques sont devenus plus exigeants.

3-La fin de l'alliance entre Dobacaracol et Local Distribution

La chute de Local s'est amorcée dès 2003, lorsque Dobacaracol a quitté le distributeur, spécialiste de l'autoproduction, au profit de l'étiquette Indica. Les départs ont ensuite déboulé. Les Trois Accords, Dj Champion et Malajube ont aussi quitté le bateau pour emprunter les nouvelles avenues offertes par l'arrivée massive de labels, de jeunes maisons de gérance et d'importants distributeurs. La fin de l'alliance entre Dobacaracol et Local était un signe annonciateur de la naissance d'une micro-industrie du disque qui allait donner des ailes à la scène locale.

4-La naissance du Pop Montréal

Né en 2003, le festival Pop Montréal résulte notamment de l'état de santé favorable des petites salles et de programmateurs ouverts sur le monde. Avec le M pour Montréal, le Pop est devenu une vitrine pour les groupes locaux. Ce genre d'événement d'envergure permet de comparer la scène d'ici à celle de n'importe quelle autre ville du monde.

5-Le dossier "Scène montréalaise" du Spin

Intrigué par le succès d'Arcade Fire, des Dears et des Stills, le magazine américain Spin dressait un portrait de la scène indépendante montréalaise au début de 2005. Le New York Times y consacrera également un long texte. De quoi relancer le débat sémantique. Peut-on encore parler de groupes "locaux" si leur binette se trouve maintenant dans le Spin?

CONSEILS CONCERTS /

Orange Orange, au Quai des Brumes, le 12 juin.

Paul Cargnello lance son album Bragging (compilation de pièces jouées à la guitare électrique seulement, dans la plus pure tradition de Billy Bragg) au parc des Amériques le 12, à 19 h.

Mille Monarques et Chinatown, au Zoobizarre, le 13.

Le Citoyen, au Quai des Brumes, le 14.

DISQUE LOCAL /

Brigitte Bordel
Sous les tropiques du néant
(Piasses Piasses Records/Indépendant)

Difficile pour un jeune groupe rétro-rock-garage de ne pas souffrir de la comparaison avec les explosifs Breastfeeders. Si les musiciens ne compensent pas par une folie singulière ou une aptitude mélodique hors norme, leur fournée de clichés finit généralement par avoir raison de notre attention (son d'orgue Farfisa, onomatopées en guise d'harmonie vocale, guitares surf, riffs carrés, accent français si possible). Brigitte Bordel ne fait pas exception à la règle sur son premier album en carrière qu'on aurait aimé plus aventureux. Reste que pour allumer le party lors d'une soirée bien arrosée, le bon vieux rock'n'roll ne donne pas sa place. Lancement le 14 juin, au Zoobizarre. 3/5