Les valeurs sûres restent des valeurs sûres – Handsome Furs, Omnikrom, Sunset Rubdown, We Are Wolves, Navet confit, Malajube… Tout ce beau monde a lancé des albums de grande qualité, en 2009, et pourtant, sans créer l'excitation des parutions précédentes. À droite de tout cela, d'anciennes figures émergentes déjà consacrées et vaguement corporate (Beast, Patrick Watson, Les Trois Accords) servent désormais de référence, et des chansonniers plutôt beiges (Marie-Pierre Arthur, Bernard Adamus) sont passés d'inconnus à stars locales en, genre, 15 minutes. Triste constat pour l'émergence, la vraie? Disparu, le souterrain vibrant, hyperactif des dernières années?
Que nenni! Morcelé, tout au plus. Éparpillé. Les fruits mûrs ont été cueillis, reste quand même plein de branches loadées. Les pousses ne sont pas toutes encore à point et, diantre, peut-être ne le seront-elle jamais, mais les fleurs sentent bon. Quand on a encore l'estomac lourd, c'est en masse.
Plusieurs voudraient voir là la "mort de l'indie-rock". De fait, le courant s'est transformé, mais les anglos gauchisants ont encore tenu le haut du pavé, en 2009. Les uns (Clues, Think About Life) ont réussi à tirer encore un peu de jus des vieilles variantes à force d'émotion, de souci du détail et de teintes personnelles. Les autres se sont retranchés dans des lofts et des petites salles hors circuit et ont formé une nouvelle scène engageante, dominée autant par les refrains pop que par l'étrangeté brute: les Silly Kissers, Tonstartssbandht, les Pop Winds, Homosexual Cops, etc. D'autres revêtent un psychédélisme sans compromis, sortent leurs albums sur cassettes et hurlent: "Non! Je ne serai pas ton next big thing!" – Grand Trine, Black Feelings, Ultrathin, Red Mass… Bénis soient les vétérans capables d'intégrer cette approche à une musique inclassable, aussi douce et enlevante qu'abrasive, et de mûrir sans cesse (Tim Hecker).
Chez les francophones, on a assisté avec ravissement à l'émergence d'une faction capable de tâter de la pop mainstream sans faute de goût: Chinatown, La Patère rose et Random Recipe ont de quoi rallier les snobs comme les matantes. Puissent certains autres artistes qui frappent aux portes de l'industrie en réclamant avec insistance leur part de hype s'en inspirer un tant soit peu…
Dans la catégorie "y'était temps, sti!", réjouissons-nous que le country métissé de Lake of Stew et des United Steel Workers of Montreal ne soit plus un secret aussi bien gardé, et de la visibilité grandissante à l'échelle internationale de Duchess Says, qui trouvait récemment la place qui lui revient en tournée avec les Yeah Yeah Yeahs!
Dans la catégorie "je suis porté disparu", la scène hip-hop est en profonde crise d'identité, mais a tout de même connu ses beaux moments grâce aux albums de Movèzerbe, Jeune Chilly Chill et Dramatik. Côté électro, peu à signaler sur le plan des productions: les artistes privilégient le single et le plancher de danse. La scène lazerbass (Megasoid et cie) a préféré se retirer dans ses quartiers pour peaufiner ses enregistrements et ses prestations live. Qu'on attend de pied ferme en 2010!
À SOULIGNER /
– En quête d'une veille du jour de l'An toute en musique? Parlant de Megasoid, l'unité de remix live ressurgira le 31 décembre au BlizzArtS avec Rilly Guilty. Au Il Motore, le décompte se fera sur le mode funk porno avec Tony Ezzy & The Masters of the Universe et les DJ Tashish, Kobal et Moonstarr. À la Sala Rossa, les hôtes seront les DJ de la populaire soirée The Goods: Andy Williams, Scott C et leurs invités Lexis et Basement Soul. Bonne année, là!
TOP 10 LOCAL
d'Olivier Lalande /
- Tim Hecker, An Imaginary Country
- Clues, Clues
- The Silly Kissers, Love Tsunami
- Chinatown, Cité d'or
- Think About Life, Family
- Fred Fortin, Plastrer la lune
- Lake of Stew, Sweet as Pie
- Malajube, Labyrinthes
- Freelove Fenner, In the Bottle Garden
- La Patère rose, La Patère rose
Photo: Yannick Grandmont