Il se brasse des affaires dans les commentaires ces jours-ci. Je n'interviens guère parce que 1. je considère que l'espace commentaire appartient aux lecteurs 2. je n'ai pas beaucoup de temps.
N'empêche, il me semble important de préciser mon avis là-dessus, même s'il me semble l'avoir déjà exprimé assez clairement dans ma chronique de la semaine dernière.
Je n'approuve aucunement la division arbitraire entre les intellectuels et les manuels, ni la hiérarchisation (dans un sens ou dans un autre) qu'on en tire. Je me borne à constater cette division et son ampleur, et à déplorer son existence – pis encore, son existence au sein de mon propre subconscient.
Je ne fais (pour le moment du moins) le procès de personne sur la base de ses activités professionnelles ou de la gestion de son image publique. Nous avons tous nos problèmes d'identité à gérer.
Si j’ai appris une chose en littérature, c’est à ne pas faire un procès d’intention à un auteur concernant des propos qu’il n’écrit pas. Ainsi, je m’explique. J’ai l’opportunité d’accomplir un travail intellectuel en tant qu’écrivain et un travail manuel en tant que col bleu. Ma fonction de col bleu, lorsque j’ai les pieds dans la boue, me donne des assises dans le réel tandis que je m’abîme dans l’intime lorsque j’écris. Cependant, ce que j’énonce et dénonce, c’est la perception qu’a la population à l’égard de ces métiers et non pas ma perception. De plus, le fait de ne pas écrire ma fonction de col bleu est simple: malgré de nombreuses années au service de mon employeur, j’ai une fonction précaire, saisonnière tandis que l’UNEQ reconnaît mon statut d’écrivain à l’année.
Des faits concernant cette perception:
Il m’est arrivé à une occasion, dans ma courte carrière d’écrivain, de me faire traiter de bizarre. Il était plombier.
En tant que col bleu, quelques faits vécus: 8:33. Un homme s’approche avec un papier à la main. J’ai un renseignement à vous demander. Euh, est-ce que vous savez lire?
16:37 On doit niveler un monticule de sable sur un terrain de balle. Des jeunes se le sont approprié, nous injurient (bande de pogneux de cul!) et nous lance leur canette de coke. Nous quittons précipitamment.
23:37 Nous ramassons des buts de baseball. Un individu camouflé nous lance des projectiles qui s’avèrent être des pierres. Nous détalons.
Ainsi, je ne sous-entends pas que le col bleu est un être peu créatif. Au contraire, à subir de telles agressions physiques,verbales, il faut avoir une imagination débordante si l’on veut s’en sortir indemne au bout de sa journée.
J’ajouterais qu’il y a même quelques cols bleus qui sont des êtres d’une redoutable inventivité;ils ont convaincu une population que toute une aire de travailleur était des pogneux de cul!
Voilà.
Et pourquoi donc? Ce n’est nulle part mentionné « réaction des lecteurs », mais bien « réaction ». Qu’est ce qui vous empêche de réagir aux réactions? Cela pourrait créer des échanges drôlement interessants!
Dans votre ancien blogue, vous réagissiez souvent aux réactions et je trouvais que ça installait une ambiance « chums autour de la table ». Ce serait dommage de ne pouvoir retrouver la même atmosphère ici.
Ah, que les mots portent quand ils s’écrivent, plus que lorsqu’ils se parlent ! Je réalise que le principal concerné par mon propos est très volubile, particulièrement suite à une mention de non-créativité des Cols bleus. J’avoue que c’était un peu vite écrit, j’essayais de qualifier la fonction de Col Bleu, en comparaison à la pleine latitude de l’écrivain qui n’a comme contrainte qu’une page blanche à remplir. En tout cas, je ne regrette pas ce qualificatif s’il a permis cette mise au point ; il est toujours injuste d’être contenu sous vase clos et étroit. Et vraiment, il faudrait s’en sortir de ces préjugés vis à vis la fonction publique et vous nous y aidez avec beaucoup d’éloquence.
Maintenant, je comprends pourquoi vous n’inscrivez pas la fonction de col bleu sur votre fiche et ce n’est pas parce que vous êtes mal dans votre peau. J’en suis heureuse pour vous.