Après un an et demi à écrire au compte-goutte, me voici soudain débordé : un roman à réécrire d'ici septembre, une chronique hebdomadaire, un blogue (intermittent, je le concède) sans compter les habituelles commandes imprévues et les patentes administratives.
Je connais par cour les quelques pieds carrés de mon quotidien. Désordre intime : les piles de factures, les crayons à bille disfonctionnels, la chaise de travail safran informe empruntée (et jamais rendue) à Nadia en 2002, les tas de trombones, les 72 touches du clavier, la brocheuse, le coupe-ongle industriel – et mille babioles qui, pour mille raisons mystérieuses, devraient se trouver ailleurs mais ne s'y trouvent pas.
La routine est un outil puissant. Une condition essentielle pour cracher page après page. Malheureusement, la productivité ne concorde pas toujours avec la joie et la pétulance. Il me vient des envies furieuses de change de place, de bouger, de m'enfuir. Je me prends à songer que, peut-être, je travaillerais mieux ailleurs.
Le désir s'alimente du possible, et le possible est immense. Je n'entrevois de guérison que dans son épuisement systématique.
J'entame donc, aujourd'hui, un héroïque banc d'essai où je comparerai scientiquement, méthodiquement, les divers endroits où l'on peut écrire. Où écrit-on le mieux, le plus vite, avec le plus d'agrément? Qu'y écrit-on, d'ailleurs? Existe-t-il un lien entre certains endroits et certains genres? Haiku au Starbuck et saga cosmogonique sur la toilette?
Où doit-on aller, en somme, et de quel kit doit-on se munir?
Ma réaction spontanée est : pourquoi réécrire ? C’est déjà assez pénible d’écrire ! Et s’il faut réécrire, parce qu’il semblerait qu’il le faille (!?), il n’y a plus de question à se poser sur le « Où » qui dépend du « Quoi ». C’est devant un écran. Un écran gigantesque, épais et lumineux, qui bloque le vent, la chaleur du rayon de soleil, le fumet d’un broue de bière prise sous le rayon et le vent. Donc, éviter la terrasse. Pour éviter le terrassement causé par l’ingratitude du geste d’écrire de nouveau le déjà écrit en pleine saison du renouveau de la Terre, du « Spring » de la nature. Au plus sacrant, installer devant soi un écran, optiquest ou IBM, entre le printemps et ses doigts. Le dévisager lettre par lettre, phrase par phrase, jusqu’à le faire pâlir, et se faire accroire que les vieux mots représentent l’hiver, et les nouveaux, le printemps. Et surtout, appeler l’enfant à la rescousse, l’enfant fin comme une soie en soi, pour croire à son « accroire ».
Mon doux, que je compatis !
Tout d’abord le kit parfait .. :
Un stylo bille bleu
Un stylo bille noir
Un surligneur
et une rame de papiers
kit optionel:
lecteur mp3
bouche oreille
dictaphone
l’endroit :
tout endroit où l’on peut s’asseoir confortablement à une table..
Et pour le Haiku au StarBuck :
Un café au lait
Le soleil par la fenêtre
La serveuse et moi