Parlant de littérature de poteau, je viens de tomber sur Written On The City, un site qui échantillonne le corpus du mur, du trottoir et du conteneur à déchets.
En fait, je ne sais pas trop comment nommer ça. Il faut dire que le terme graffiti est devenu trop imprécis, depuis l’apparition des tags, et chaque fois que je tombe sur une phrase modérément complète, je m’émerveille de voir que la syntaxe a encore sa place sur nos murs.
Dans le même ton, je vous conseille de jeter un coup d’oeil aux classiques latins, aux romans de kung fu. Ça vous changera un peu des murs de votre quartier…
je viens d’aller sur Written On The City. C’est intéressant, ça me rappelle des souvenirs.
Un soir que je travallais dans un bar, il y a 40ans, je m’en vais pisser dans la toilette de femmes, celle des hommes était défectueuse. Des graffitis sont éparpillées en désordre un peu partout sur les murs et sur la porte de la toilette. Certains de ces aphorismes me font littéralement dresser les cheveux sur la tête. Je sortis de cette toilette mieux averti sur la nature réelle des femmes, et cela me fut fort utile pour la suite des choses.
Il y a une dizaine d’années, j’avais aussi remarqué un autre graffiti sur un mur,bien visible celui-là, sur la rue Prince Arthur, je crois, près de l’avenue du Parc, qui se lisait comme suit : »We can’t solve all of our problems in the bedroom ». Traduction libre: le sort du monde ne se règle pas avec une baise. Avis encore brûlant d’actualité aux admirateurs de John et Yoko…
Où je veux en venir? A cette observation que je tire de l’information de Nicholas Dickner, (information fort judicieuse qui montre qu’un écrivain peut aussi à l’occasion faire du bon journalisme), à savoir que cette littérature des murs et des poteaux manifeste peut-être un désir, une urgence des citoyens de se sortir de ce repli sur soi trop longtemps glorifié dans les romans ,même encore aujourd’hui, chez certains de nos jeunes écrivains.
Cette prison de « l’intime », encore plus navrante chez les ados branchés sur leurs portables, totalement insensibles au monde autour,cet autisme social qui se répand à la vitesse de l’éclair avec l’avancée des nouvelles technologies numériques, les graffiteurs cherchent peut-être à nous avertir que leur usage immodéré risque de faire monter d’un cran l’incompréhension entre les hommes,avec une aggravation des conflits à l’avenant.
Leur grammaire approximative et leur syntaxe fautive ne doivent pas nous décourager. Car c’est encore avec les mots libérés dans l’air que le message se manifeste dans sa douloureuse clarté. De là à prédire que cela incitera les jeunes romanciers à sortir de leur nombril pour venir se colletailler avec le monde réel, rien n’est moins sûr.
En tout cas, encore une fois, c’est l’écriture, cette urgence de beaucoup de jeunes gens à s’en servir après avoir tout essayé qui me passionne. « L’amour du pauvre », cette belle expression de Jean Larose pour définir la littérature, y trouvera peut-être son compte. Un pauvre qui a des idées, quoi de plus essentiel, la richesse lui sera octroyé en surplus, dans les dictionnaires qui s’imposeront à lui, à son insu et parfois même contre son gré.