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Métaphysique de la déchiqueteuse

Vous me croirez si vous voulez, mais quelques heures après avoir terminé ma plus récente chronique, j’ai trouvé une déchiqueteuse en parfait état de marche, posée au pied d’un frêne de la Petite Italie.

Depuis, la déchiqueteuse constitue le principal sujet de conservation à la maison. Si vous saviez les belles choses que nous nous sussurons à l’oreille, ma sociologue et moi.

L’autre soir, par exemple, elle se demandait quel serait l’équivalent numérique d’une déchiqueteuse. En quoi consisterait, autrement dit, le cyberdéchiquetage d’un billet de blogue.

Neal Stephenson offre, dans Cryptonomicon, une solution rapide et efficace : localiser le document sur le disque dur (attention, il peut être éparpillé sur plusieurs secteurs), puis inscrire des chiffres aléatoires par-dessus, six ou sept fois de suite.

Plus radical encore que la coupe transversale.

Mais dans un réseau comme le Web, où circulation et duplication sont les deux facettes du même processus, le déchiquetage n'a guère de sens.

En effet, même si vous déchiquetiez la copie d’un billet sur le serveur http du Voir, on trouverait encore plusieurs copies dans diverses caches : celle des moteur de recherche, celle des navigateurs ayant récemment accédé au document, celle des routeurs internet – et sans oublier, bien sûr, les improbables (mais jamais impossibles) archives.

De quoi donner des maux de tête aux spécialistes du droit d’auteur et à tous ceux qui cherchent à (re)définir ce qu’est un texte au juste.

Enfin, pour l’instant ma sociologue préférée tente plutôt de s’habituer au grondement incessant de la déchiqueteuse.