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Piratage du livre – épisode 2635

Le New York Times publie un article symptomatique sur le piratage du livre. Je vous résume l’histoire: en naviguant sur le Web, Ursula Le Guin trouve quelques uns de ses romans en circulation, et s’en étonne. Raison de la surprise? Il s’agit de livres dont les versions numériques n’étaient même pas vendues par l’éditeur.

Ainsi, les lecteurs seraient prêts à numériser des livres pour les mettre en ligne ?!

Hééé oui.

Non seulement la piraterie touche les plus gros auteurs, mais si un auteur est suffisamment gros, les lecteurs se donneront la peine de numériser le texte eux-mêmes.

En fait, les probabilités qu'un auteur se retrouve involontairement numérisé sont directement proportionnelles au taux de croissance de l’auteur en question.

Tiens, ça me rappelle justement un passage de la Danseuse de Mao, un roman de Qiu Xiaolong, où un personnage évoque les aléas de la publication en République populaire de Chine :

– Mon livre s’est vendu à un grand nombre d’exemplaire, c’est vrai, mais j’y ai gagné très peu.

– C’est incroyable, M. Diao.

– Ne rêvez pas de gagner des fortunes en écrivant des livres. Pour ça, vous avez intérêt à vous en tenir aux affaires. Je vais vous dire combien j’ai gagné: moins de cinq mille yuans. D’après l’éditeur, il avait pris une gros risque en faisant un premier tirage à cinq mille exemplaires.

– Et les réimpressions? Il doit y en avoir eu plus de dix.

– On n’arrive jamais au second tirage. Dès qu’un livre fait un peu de bruit, les reproductions piratées déferlent sur le marché et vous ne touchez plus un centime.

 

Ce que j’ai vu au Pérou, vers 2001, ressemblait pas mal au portrait que fait Xiaolong. On pouvait acheter des livres piratés partout : aux feux de circulation, sur la rue Amazonas (le bazar du piratage), et même à la plage. Je n’ai vu, en un an, qu’une seule et unique librairie consacrée au livre neuf, et les livres s’y vendaient plus cher qu’au Canada. Pas de quoi concurrencer le marché noir.

Autrement dit, le piratage risque de toucher non seulement les gros
auteurs, mais aussi n'importe quel auteur de classe moyenne qui prend un peu de vitesse. Voilà qui donne à réfléchir pour le marché québecois, non?

Et pour lancer la réflexion, les propos de Kassia Krozser (Booksquare) constituent toujours un excellent point de départ.