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Un peu de maths et de science?

Je viens de faire un entretien avec l’excellent Yannick Villedieu qui anime l’indispensable émission Les années lumière à la radio  Radio-Canada. Ça doit passer à l’émission ce dimanche.

Il était question de quelques idées sur les sciences et les mathématiques que je développe dans Liliane est au Lycée. Est-il indispensable d’être cultivé? (Le titre est un jeu de mot involontaire produit par  une personne qui aurait entendu L’Iliade et L’odyssée sans savoir ce que c’est.)

Je défends notamment, à la suite de C.P. Snow, l’idée que notre notion de  culture générale reste très littéraire et humaniste et ne fait que trop peu de place aux mathématiques et aux sciences, qui sont pourtant des composantes indispensables d’une culture générale digne de ce nom, des éléments irremplaçables d’une formation intellectuelle complète et qui, sur le plan citoyen et politique, apportent à la conversation démocratique des éléments dont elle ne saurait sans risque se passer. (Pire : on se vante parfois de ne rien comprendre aux mathématiques, ce qui est assez singulier et qui m’étonnera toujours!)

Pour m’en tenir à un exemple récent des immenses périls que nous fait courir notre collective méconnaissance de la science, considérez à quel point, aux Etats-Unis notamment mais pas seulement là, le remarquable effort de communication entrepris par les scientifiques eux-mêmes  à travers le Panel intergouvernemental sur le changement climatique a pu,  au moins en partie, être sabordé par le frauduleux fourgage par des journalistes en mal de copie d’un prétendu «climategate» à un public scientifiquement  illettré.

Deux questions ont notamment été soulevées, par M. Villedieu: que mettre dans cette culture générale scientifique et mathématique? Pourquoi ces disciplines ont-elles trop peu la cote? Ce sont de vastes et difficiles questions sur lesquelles je m’avance très modestement, n’étant ni scientifique ni mathématicien.

Mais parmi les idées que j’ai défendues, il y avait notamment ce que je pense être une sorte de rupture avec un idéal individuel d’émancipation que l’on a pu rattacher à la culture, à l’éducation, à la science elle-même et qui a été au coeur des Lumières. Dans la tradition libertaire, ce lien était très fort et incarné dans des institutions comme les Bourses du travail, lieux, entre autres, d’une éducation populaire à laquelle les ouvriers aspiraient avec force. Cette rupture, si elle est avérée, mériterait d’être examinée de près.

Mais je sais aussi que des indices que ce lien continue d’être vivant et alimenté existent. Outre cette émission de Radio-Canada (qui, à part le service public, pourrait en produire une semblable?), je pense entre autres aux universités populaires, à des ouvrages de vulgarisation de qualité qui sont régulièrement publiés, à de sites Internet de haute qualité et très fréquentés comme celui de mon ami Bruno Dubuc sur le cerveau — ça vaut le détour, croyez-moi.

Mais aussi, hélas, on a semble-t-il du mal à recruter de professeurs de sciences et le niveau général de connaissance en sciences et en maths reste bien en-deçà de ce qu’on pourrait espérer.

Je l’ai dit: je n’ai pas de solution magique à proposer. Mais j’ai défendu l’idée qui précède, en plus d’insister sur la perte de confiance  envers la science que certaines technologies ont pu engendrer, sur  les dimensions ludiques des maths et de sciences (si, si: j’insiste), sur la culture de l’imagination qu’elles permettent, sur l’importance de ce que les philosophes appelent des vertus épistémiques: l’humilité, la rigueur, le souci de la vérification et ainsi de suite.

J’ai aussi eu le plaisir  d’évoquer deux de mes héros, qui sont pour moi des modèles de pédagogie, des auteurs qui donnent le gôut et même  la passion, pour le premier des mathématiques, pour le deuxième  de la physique: Martin Gardner et Richard Feynman.

Mais les vastes questions de M. Villedieu restent posées. Quelle culture scientifique et mathématique? Quels obstacles se dressent à leur transmission?

Vous aurez bien une idée ou deux là-dessus?