Dimanche prochain, ce sera la dernière édition de l’année pour le segment philosophie de l’émission Dessine-moi un dimanche, à Radio-Canada. (L’émission est animée pas Franco Nuovo et réalisée par Jean Gagnon).
À cette occasion, Xavier Brouillette et moi-même proposerons une sorte de revue de l’année en philosophie: débats, événements, idées marquants de l’année — sans oublier les grands disparus de 2012.
Je sais qu’il passe par ici pas mal de personnes intéressées à la philosophie: si vous avez des suggestions à me faire, je vous en remercie d’avance.
Permettez-moi, cher Normand, de vous proposer un texte préfabriqué, texte à coloration sociologique.
*****La personnalité de l’année : L’indigné-e-*****
Certains magazines (et revues) aiment bien choisir «l’homme» de l’année.
Personnellement je suis plus porté à parler du personnage de l’année ou de la personnalité de l’année.
En 2012 (et même un petit peu avant), de très nombreux humains, disséminés géographiquement sur cette planète, ont fulminé et éprouvé, de moult manières et façons, un sentiment, parfois nauséeux, d’écoeurement, d’exaspération, d’indignation, de révolte, de fronde et d’insoumission.
Ces humains courroucés exigent manifestement autre chose que ce qu’ils doivent tolérer, «vivre» et «endurer» (à des degrés sûrement diversifiés et disparates), parfois depuis de nombreuses années ou décennies. Il n’est pas facile de déterminer clairement ce qu’est cet «autre chose» mais il arrive très souvent que cet «autre chose» soit lié à une exigence consistant à réclamer fermement plus de démocratie, plus de respect, plus d’égards et plus de liberté (ou libertés).
Mais il peut y avoir, parfois, des réclamations différentes, de nature plus «religieuse», pour ne prendre que cet exemple. Il arrive que contre les militaires, certains réclament plus de démocratie alors que d’autres désirent que l’on applique davantage les préceptes religieux.
Toutefois, dans de nombreux cas, il appert, de manière radicalement claire, que, très souvent, les indignés de tout acabit veulent résolument mettre au pas le fameux 1% (proportion un tantinet arbitraire mais efficace), ces «capitalistes» qu’on appelle parfois les maîtres du monde.
Le propos de ce texte est, somme toute, de proclamer que la personnalité de l’année, c’est l’indignée ou l’indigné.
Peut-être qu’un jour viendra où nous allons «profiter» des faits et gestes de ces merveilleux indignés qui donnent une leçon bien méritée aux cossus et à de nombreux citoyens frustrés, mais silencieux et muets.
Jean-Serge Baribeau, sociologue
Bonjour Normand,
tout d’abord un bon mot de félicitations à tous les deux ! Vous êtes devenus, Xavier et toi, indispensables à mon dimanche ! Longue vie au duo philo ! Il faudrait seulement que les consultations en balado soient plus simples à faire…
Quant à l’année philo, je pense à diverses choses.
Tout d’abord, le thème du concours Philosopher (www.concoursphilosopher.qc.ca) de l’indignation me semble être fort révélateur!
Je pense également à ces excellents numéros de revues et magazines de l’automne ; le 3e numéro de Philo et Cie (Liber) sur le débat Aquin-Trudeau et le « Globe sonore » de Jean Larose (www.globesonore.org), le très bon dossier de Nouveau Projet sur « Quel progrès ? », la nouvelle facture de Liberté avec la thématique du conservatisme.
Il y a eu aussi le bon numéro de septembre de Philo-Magazine sur « Pourquoi nous n’apprendrons plus comme avant », ainsi que le renvoi au livre de Nicolas Carr, « Pourquoi Internet nous rend-il bête ? » et celui de Michel Serres, « Petite Poucette » (dont Finkielkraut qui vient de l’interviewer à Répliques…).
De même, il faut saluer l’Inconvénient dont l’excellent numéro sur « Pourquoi craindre les intellectuels ? » m’inspire toujours. À ce propos d’ailleurs, je pense à l’important texte de Catherine Mavrikakis, « Lettre à quelques camarades sur la question du mépris et du prix de la pensée » qui pose de fort pertinentes questions !
Il faut également souligner dans cette lignée, même si c’était en 2011, tes livres sur l’éducation (Corpus-GF), « je ne suis pas une PME » et « Liliane est au lycée » qui me semblent, avec le recul, être prophétique de l’ébullition de notre année 2012! Jusqu’à la publication du livre de Bazzo et Barbe, « De quoi le Québec a-t-il besoin en éducation ? » (tu manques à l’émission d’ailleurs…) mais c’est surtout l’excellent numéro d’Argument (en rupture de stock puis publié à nouveau), « Sous peine d’être ignorant. La culture générale en 25 essentiels » qui constitue pour moi le « must » de l’automne! Le fait que la discussion qui en a découlé chez Olivieri soi disponible sur http://www.radiospirale.org n’est pas du tout pour me déplaire !
D’ailleurs, sur le plan audio/vidéo, je pense que les baladodiffusion de France Inter (« Nouveaux chemins de la connaissance », « Gai savoir », « Question d’éthique », etc.) et ici, http://www.publicationsuniversitaires.com me semblent dignes d’intérêt ! Il faut poursuivre dans cette veine.
Enfin, il m’apparaît également fort significatif que 2012 soit l’Année philo à la BANQ avec l’excellent travail de notre collègue Georges Leroux autour de Raymond Klibansky ; l’exposition y est fort stimulante et les causeries et conférences seront bientôt disponibles sur leur site!
En somme, j’ai été fort stimulé, pour ne pas dire distrait, par la qualité de toutes ces publications et divers événements ! Je passe même sous silence le travail d’Antoine Robitaille pour les Devoir de philo et aussi, depuis peu, les Mardi des « Idées en revues » qui remplacent les « Idées en l’ère »!
Beaucoup de culture donc, un souci toujours constant de réfléchir à la place de l’éducation et de la philo dans notre société et notre espace public. D’ailleurs, je m’en voudrais également de ne pas mentionner les publications de Sébastien Mussi, « Dans la classe. Essais sur l’enseignement à l’heure de la réforme » dont je n’ai pas encore retirer tout le suc tellement il me semble riche et pertinent. Tout comme le dernier essai de Michel Morin, De vives Voix » et le recul nécessaire en consultant le 1er numéro des Cahiers Fernand Dumont (comme arrière-fond de notre révolution tranquille et d’accommodements raisonnables. D’ailleurs, à propos des cours ÉCR, il y a une compilation d’essais (dont un article toujours riche de Georges Leroux sur les modèles de la vie bonne) dans N. Bouchard et M. Gagnon, « L’éthique et la culture religieuse en question. Réflexions critiques et prospectives » (PUQ).
Il me semble d’autant plus criant que l’on est plutôt écartelé entre tous ces sujets, auteurs alors que l’année a débuté avec la publication de Danièle Pontremoli, « Pourquoi lit-on des livres de philosophie? » qui a fait un très bel éloge de l’importance existentielle des idées alors que c’était Charles Dantzig l’année dernière avec son « Pourquoi lire ? » qui osait aborder cet aspect de notre vie intellectuelle. D’ailleurs, c’est dans « 101 lettres à un premier ministre » de Yann Martel que j’ai trouvé matière à offrir une intro et une table des matières à mes étudiants pour Noël!
En somme, il faudrait trouver un point de chute à tout ce travail afin de s’y retrouver plus facilement! Et j’espère que l’on parviendra à se sortir de ce marasme boueux de la corruption et du cynisme ambiant afin d’avancer dans de meilleures directions!
Un site Web 3.0 avec tous les renvois, hyperliens, publications, vidéos, audios, podcasts, baladodiffusions, blogues ? Une chronique supplémentaire à « Dessine-moi un dimanche » ? Du temps libre pour trouver le moyen de tout mettre cela en place et continuer d’aborder les « Questions ultimes » (Thomas de Koninck aux PUOttawa) tout en enchérissant notre culture humaine et nos enfants ?
P.S. ton blogue et tes chroniques dans le Voir aussi ont constitués une inspiration hebdomadaire ds mes cours au collégial (dont les énigmes du vendredi) ! Merci encore pour ton tout excellent labeur !
Merci de ces bons mots et de toutes ces suggestions.
Il serait intéressant de parler du conformisme et du triomphe occasionnel des béni-oi-oui.
Et les langues de bois ou de coton?
Et le triangle caca d’oie que j’attribuerais à Stephen Harper plutôt que le carré rouge. Le gouvernement de Harper est l’incarnation d’un triangle amoureux: Steven, Élizabeth et le pouvoir.
JSB
JSB
J’ai oublié le «u» dans un de mes «oui».
JSB
M. Mercure: je peux vous envoyer un texte de moi sur la question, qui comprend des références. Donnez-moi juste une adresse de courriel à: [email protected]
Croyez vous qu’il serait possible d’analyser les différentes luttes sociales qui secouent notre globe depuis quelques années sous l’angle de la multitude tel que conceptualisée par Negri et Hardt. Et aussi considéré l’impact de la démocratisation des méthodes audio-visuel, car il ne s’agit plus simplement de l’accessibilité aux objets de productions mais bien de l’acquisition d’une connaissance des techniques cinématographique pour diffuser les discours, dans ces diverses luttes d’auto-détermination.
Merci
Beau texte de JS Baribeau.
Avant toute chose, l’année 2012 fut pour moi, l’année de Normand Baillargeon que je remercie pour l’enthousiasme qu’il transmet à travers ses écrits et diffusions. Ça m’a personnellement relancé vers la philosophie, la pensée critique et argumentaire.
De l’année 2012, je retiens l’énoncé du célèbre philosophe grec Diogène Laërce : « Ôtes-toi de mon Soleil » s’adressant à Alexandre Le Grand. J’associe ce symbole aux manifestants du printemps érable vis-à-vis de certains dirigeants politiques à l’esprit lourd et dogmatique ayant fait obstacle à l’évolution de la société. Je retiens aussi le botaniste et éclairant Charles Darwin qui a changé ma façon de voir l’espèce humaine, la voir pour ce qu’elle est à travers l’évolutionnisme.
Pour 2013, je propose le produit suivant. Le philosophe Sextus Empiricus condamnant tous les dogmatismes qui se contredisent entre eux. Carl Sagan pour la détection de poutines. Bertrand Russell pour la pensée logique. Les Sceptiques du Québec pour décruster les superstitions, croyances et phénomènes occultes de toutes sortes. Les philosophes Héraclite et Gautama Siddartha pour comprendre l’impermanence des êtres et des choses. Et pour comprendre le latent, on se tournera vers Freud.
Bonne Année 2013 et veillez par la raison (éveillée;-)
J’aimerais bien revenir, de manière un tantinet ludique, sur le thème de l’indignation.
J’ajouterais, mine de rien (le gisement n’est pas encore épuisé), deux thèmes connexes: l’insoumission et la désobéissance subversive et réfléchie.
Dans le rôle des indignés, insoumis et désobéissants, j’inviterais Lisa Simpson et Bart Simpson à bien vouloir s’avancer.
Le charmant Bart va alors hurler son dégoût tout en jouant un tantinet, sinon davantage, le rôle du CASSEUR qui évacue sa rage et son ras-le-bol tout en criant BASTE.
Quant à Lisa, la sage (?), son indignation va se manifester de manière plus «bouddhiste», plus PEACE AND LOVE, plus sereine, plus méditative et plus ATARAXIQUE. Il y a là tout un embrouillamini conceptuel qui fait en sorte qu’il y n’y a pas beaucoup de place pour toutes les Lisa Simpson de ce monde démentiel.
En ce qui concerne la crapule de l’année, le gagnant est, sans grande hésitation, le fameux 1%, bien incarné, dans THE SIMPSONS, par Mister Burns.
J’arrête là le déferlement de ma bêtise. Je suis certain qu’à la radio, Normand va très bien se débrouiller, comme toujours.
JSB
@JSB
C’est vrai que c’était ludique. Merci.
@R Gelineau
Merci de votre commentaire. Cela me fait plaisir.
JSB
** ÉVITONS LA LANGUE HERBEUSE**
Je suis ravi de découvrir qu’en Pologne «communiste» à peu près personne n’utilisait l’expression LANGUE DE BOIS. On parlait plutôt de langue herbeuse, de langue de propagande, de langue engourdie ou de «nouvelle langue» (1984).
JSB