Ouvrage recensé:
BOUVIER, F., ALLARD, M., AUBIN, P. et LAROUCHE, M-C., L’histoire nationale à l’école québécoise, Regards sur deux siècles d’enseignement, Septentrion, Québec, 2012.
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Quiconque s’est intéressé à l’éducation au Québec au cours des 50 dernières années le sait : de vifs débats ont eu cours et se poursuivent autour de l’enseignement de l’histoire nationale.
Ces débats concernent par exemple les finalités de cet enseignement, les pédagogies auxquelles il est préférable d’avoir recours pour les atteindre, la définition même de l’histoire nationale et la place qu’il convient de lui faire dans le curriculum.
Sur tous ces points, l’ouvrage que viennent de publier des historiens et didacticiens apporte des éclairages vraiment précieux, et même indispensables, en proposant rien de moins qu’une histoire de l’enseignement de l’histoire nationale au Québec. En abordant ce sujet, ce pavé (plus de 500 pages) couvre un territoire curieusement resté peu exploré.
Ce territoire est très vaste : il va de la «préhistoire de l’enseignement de l’histoire nationale au Québec», en Nouvelle-France, jusqu’à l’enseignement de cette même histoire dans le cadre d’un programme conçu par compétences et prônant l’éducation à la citoyenneté (1995-2012).
Le contenu du livre se décline en périodes historiques, mais sans négliger de s’attarder à des personnages (Boucher de la Bruère, Lionel Groulx, par exemple), à des congrégations ( les Frères maristes, les Clercs de Saint-Viateur et de nombreuses autres), à des législations, à des manuels, à des ordres d’enseignement (le cours classique, ou, plus près de nous, le primaire, le secondaire, le collégial) ainsi qu’à des postures pédagogiques. Il faut également saluer les longs développements consacrés à l’enseignement de l’histoire nationale dans les 55 communautés autochtones et le souci de ne pas oublier les Anglo-britanniques et les Canadiens anglais.
En introduction, Allard et Bouvier disent (p. 14) leur fierté de présenter leur travail. Ils ont toutes les raisons d’être fiers. Ce livre faisait cruellement défaut et il est remarquablement riche et informé. Qu’en retenir? En conclusion du livre, Larouche et Allard proposent moins un bilan qu’un ensemble de questions qui appellent des réponses. En voici quatre, qui me paraissent mériter qu’on s’y attarde sérieusement.
Au vu de son histoire, on note, pour commencer, que l’enseignement de l’histoire devient de plus en prescriptif, tant sur le plan des contenus que sur celui des stratégies d’enseignement. Est-ce une bonne chose? Cette situation conduite-elle à restreindre abusivement «la liberté d’action des enseignants? » (p. 500).
La place de l’enseignement de l’histoire nationale et de la notion de nation dans cet enseignement se pose, au Québec, dans le polémique contexte politique et social que nous connaissons; or cela soulève des questions non seulement politiques, comme on ne cesse partout de le rappeler, mais aussi épistémologiques. Quel est, par exemple, le statut de la vérité en histoire et que s’ensuit-il de la réponse donnée à cette question pour son enseignement, ici et maintenant?
Une autre importante question soulevée a trait à cet apprentissage des modes de penser de l’historien, et donc de certaines capacités intellectuelles de haut niveau, qu’on veut désormais enseigner dès le primaire, en parallèle avec l’enseignement des faits historiques. Est-ce là, ou non, un décision judicieuse? Comment parvenir à un juste équilibre, le cas échéant?
Finalement, un enseignement de l’histoire «tributaire de visées étatiques» pose de manière aiguë la question de l’enseignement de sujets «politiquement et socialement sensibles» (p. 504). Comment les aborder?, du moins ceux parmi ces sujets dont on aura soutenu qu’il convient de les aborder.
Peu importe où vous en êtes dans votre réflexion sur ces questions — et sur de nombreuses autres, afférentes — je fais le pari que ce désormais incontournable ouvrage, par la quantité de précieuses informations historiques qu’il réunit, vous aidera à approfondir vos idées et peut-être même, qui sait?, à les modifier.
Eh bien, ça c’est tout de même pas mal: un pavé portant sur l’histoire de l’enseignement de l’Histoire!
Certes, la chose peut avoir son intérêt et possiblement même une certaine utilité. Néanmoins, ce qui pourrait – à mon avis – comporter encore davantage d’intérêt et d’utilité, ce pourrait être un bouquin (une plaquette ou une brique…) qui se pencherait sur la matière première elle-même, soit l’Histoire.
La fiabilité de l’interprétation qui en sera faite, la crédibilité des sources retenues, la quantité suffisante d’information avérée, le tout servant ensuite à façonner un ensemble cohérent se voulant refléter la réalité d’événements passés. Du sérieux, non-biaisé. Pour qu’on ne nous raconte pas des bobards…
D’ailleurs, qui dit histoire dit historien. Ce qui a en conséquence incité l’écrivain français Ernest Renan (1823-1892) à y aller du commentaire suivant:
«Le talent de l’historien consiste à faire un ensemble vrai avec des traits qui ne sont vrais qu’à demi.»
Donc, en ce qui me concerne Monsieur Baillargeon, la «nature» de la matière première passe bien avant son «utilisation» subséquente. L’histoire de l’enseignement de l’Histoire, c’est le comment-tenir-sa-fourchette-et-son-couteau, alors que ce qui m’intéresse surtout c’est le qu’est-ce-qu’on-mange. Est-ce même digeste dans bien des cas?
Bonne journée!
(Un bon pavé votre histoire Monsieur Baillargeon, j’en suis sûr. Mais maintenant, il conviendrait de se pencher sur l’essentiel: la validité de ce qui est enseigné.)
Le lien, pour les intéressés : http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/histoire-nationale-a-l-ecole-quebecoise-l
Il faudrait peut-être se cotiser pour en acheter plusieurs exemplaires pour envoyer au prochain ministre de l’Éducation et à toute son équipe.
Pour être sûr qu’ils le lisent, on devraient peut-être leur demander de rédiger un résumé de lecture. Que des profs d’histoire et de français pourront corriger (du coup on pourrait évaluer leurs compétences traversables en grammaire, rédaction de textes, capacités de synthèse, etc.).
😉