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M comme médias (Un texte de Martin Dufresne, paru dans Le COUAC de mai)

Recension de: Mutations de l’avenir médiatique : médias traditionnels et nouveaux, Sous La direction de Normand Baillargeon, M Éditeur, avril 2014.

[Ce texte paraît avec l’aimable autorisation de l’auteur.]

Forts du slogan « Publier pour comprendre et agir », À Bâbord et M Éditeur
envoient ce mois-ci en librairieMutations de l’avenir médiatique : médias
traditionnels et nouveaux, le compte rendu d’un colloque passionnant sur ce
qui change dans nos médias, sociaux et autres – et pas toujours pour le
mieux!

Normand Baillargeon et Marc Laurendeau encadrent de leurs sommations les
allocutions données à l’UQAM au printemps 2013 par Isabelle Gusse, Anne
Goldenberg, Florent Daudens, Philippe de Grosbois, le GAPPA, Stéphane
Baillargeon et Simon Jodoin. Les auteur·e·s ont pris la peine de relire et
enrichir leurs contributions de références que j’ai trouvées bien utiles –
d’autres lectures d’été en perspective!…

Depuis Macluhan, cité au passage, les médias ont fait plus qu’à leur tour
l’objet de gloses universitaires abstruses et soporifiques. C’est loin
d’être le cas ici où la place du militantisme et la critique des pouvoirs
figurent au premier rang des critères retenus pour étriller un journalisme
officiel qui dérive trop souvent, faute de moyens, vers un« présentisme »
acritique et surtout une complaisance à l’égard des pouvoirs politiques et
financiers, forts de leurs relationnistes.

Isabelle Gusse, par exemple, mène une charge splendide contre le traitement
de faveur qu’a réservé la Société Radio-Canada et l’empire Péladeau à
l’ex-agent de la SQ Robert Poëti, « devenu l’expert en résidence des
émissions spéciales quotidiennes de RDI (où) il a abondamment commenté le
déroulement, mais aussi l’efficacité, voire la normalité des opérations
policières, rapportées en direct par deux à trois reporters de la chaîne.
Des opérations toujours faites dans les règles d’un Art policier dont il ne
se hasardait pas à préciser les codes, inscrivant systématiquement la
violence dans le camp des manifestantes et occultant ou minimisant tout
aussi systématiquement la brutalité des policiers et policières. En
l’espace de quelques semaines, écrit Gusse, Poëti est ainsi devenu une figure
télévisuelle reconnaissable et connue, légitimée par son titre d’expert.
C’est sans doute cette « télégénie » soutenue qui, se rajoutant à ses
interventions radiophoniques et à ses chroniques au Journal de Montréal,
lui a permis fin juillet 2012 de passer naturellement du statut de « vedette du
petit écran » à celui de « candidat vedette » du Parti libéral du Québec… »

Censure et subversion

Les propos généraux sur le meilleur ou le pire de l’évolution du
journalisme multiplateformes et du Web 2.0, lequel enthousiasme ou inquiète notamment de Grosbois, Stéphane Baillargeon et Jodoin, sont situés par le rappel du rôle des médias sociaux pour contourner la censure et déstabiliser certains pays.

Anne Goldenberg souligne notamment la place qu’ont occupée certaines femmes arabes – au péril de leur vie – dans la propagation de messages qui ont déstabilisé les pouvoirs en Égypte, en Tunisie, en Lybie…

Je me pose toutefois la question des appuis occultes dont bénéficient au
Pentagone ces révolutions oranges et autres soulèvements dits populaires en
raison de leur image Twitter, « révolutions » toujours applaudies d’office
dans les grands médias occidentaux? La question se pose avec acuité
aujourd’hui en Syrie, au Venezuela et en Ukraine, notamment, où les
rebelles s’avèrent souvent mercenaires sinon fascistes. On lèvera peut-être un jour le voile là-dessus aussi.

Hacktivistes

GAPPA et la nébuleuse Anonymous sont aussi versés au dossier de la mutation
actuelle des médias. Au moment où le Prix Pulitzer est accordé aux
rédactions qui ont relayé les informations issues de dissidents objecteurs
de conscience comme Edward Snowden et le soldat Manning, la pratique de
lanceur d’alerte est peut-être une piste à suivre pour l’avenir d’un
journalisme qui, explique Chantal Francoeur, est surtout devenu une
courroie de transmission des relationnistes de tous les pouvoirs.