[La version intégrale de ce texte paraîtra dans le prochain numéro de la revue À Bâbord, dans laquelle je tiens depuis 11 ans une chronique sur l’éducation. La revue vit en grande partie de ses abonnements: si ça vous tente de nous appuyer et de recevoir les 5 numéros de l’année (le premier dossier porte sur le réchauffement climatique et j’ai eu ke plaisir de le diriger avec Isabelle Duchesne), c’est ici.]
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J’étais alors en proie à la mathématique.
Temps sombre! enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux;
On me faisait de force ingurgiter l’algèbre.
– Victor Hugo
Comment se fait-il qu’il y ait des gens qui ne comprennent pas les mathématiques ?
– Henri Poincaré
Le biologiste Richard Dawkins note quelque part que si, dans nos sociétés, à peu près personne ne dit volontiers ignorer la littérature, il est pourtant socialement acceptable de dire son incompétence en sciences et qu’il est même bien vu de la proclamer avec fierté s’il s’agit des mathématiques : «Moi, les maths, je n’y ai jamais rien compris!».
Cela me semble tellement vrai que j’ai déjà eu le projet de réunir des citations de gens connus — écrivains, journalistes, personnalités de tous les domaines — avouant, fièrement, sans complexe, être nuls en maths. Je fais le pari qu’il y aurait de quoi remplir des pages et des pages de cet étrange et triste aveu…
Mais je pense aussi qu’il pourrait, pour une part au moins, être une sorte de soupir de soulagement poussé par des gens que les maths, à l’école, ont littéralement terrifié.
Car ce qu’on appelle la mathophobie existe bel et bien et toutes les personnes qui enseignent les mathématiques vont confirmeront avoir rencontré cette pétrifiante anxiété chez plusieurs de leurs élèves — et s’être alors demandé ce qu’il était possible de faire pour les aider.
Je vous propose cette fois de survoler ce que dit la recherche crédible à ce sujet, et surtout de vous apprendre un truc tout simple qui semble réellement aider les mathophobes.
Mais pour commencer, qu’est-ce donc, plus précisément, que cette fameuse mathophobie?
Un mal sérieux et possiblement très répandu
La mathophobie (qu’on appelle en anglais math anxiety) est le plus souvent comprise comme un sentiment de peur et d’appréhension qui nuit à la performance en mathématiques et qui incite à éviter les situations dans lesquelles on pourrait rencontrer, ou avoir à utiliser, les mathématiques.
On aura certainement aperçu le cercle vicieux qui se dessine ici : la peur des maths et de mauvaises performances en mathématiques incitent à éviter les mathématiques, ce qui entraine de mauvaises performances en mathématiques et augmente encore la mathophobie; ce qui, en retour, a pour conséquence … Je vous laisse poursuivre.
Notons déjà qu’on aurait tort de penser que la mathophobie n’est dommageable qu’à l’école. Car outre le rôle important que jouent les mathématiques dans la sélection des personnes admises à de nombreux programmes d’étude, c’est aussi le citoyen, peu ou pas outillé pour comprendre tant d’informations qui lui sont proposées, qui souffre de son incompétence en mathématique et de sa mathophobie —, sans rien dire des effets concrets parfois terribles que la mathophobie peut avoir : pensez, pour ne prendre que cet exemple, à cet infirmier mathophobe qui doit calculer la nouvelle dose de ce médicament qu’il doit vous administrer sans attendre.
On a commencé à étudier sérieusement ce phénomène il y a une quarantaine d’années seulement, et dès 1972 une échelle d’anxiété mathématique appelée MARS (Mathematical Anxiety Rating Scale) a été créée.
Depuis ce temps, on exploré la mathophobie sous toutes ses coutures, ou peu s’en faut[1].
On a par exemple appris que la mathophobie, comme il fallait s’y attendre, est plus répandue dans les pays dont les élèves réussissent moins bien en maths; que dans un pays comme les Etats-Unis, 50% des élèves de première et deuxième années (le phénomène semble donc s’y manifester très tôt durant la scolarité) et jusqu’à 80% des étudiant.e.s sont à des degrés divers mathophobes. Et on a étudié et débattu du rôle que peuvent jouer dans son apparition des variables comme le genre, la culture ou les méthodes pédagogiques.
Mais il faut en bout de piste avouer que tout est loin d’être clair et que le mot de Poincaré pourrait souvent être repris : on ne sait pas encore très bien, nous non plus, pourquoi certains ne comprennent pas ou craignent les mathématiques.
Pour combattre la mathophobie, on a suggéré un grand nombre de stratégies pédagogiques, dont peu ont été solidement testées, dont certaines sont peu plausibles, tandis que d’autres semblent plus raisonnables. En voici quelques-unes.
On a suggéré d’enseigner les mathématiques en tenant compte des styles d’apprentissage : mais c’est une avenue peu prometteuse, pour dire le moins, puisque cette théorie est une légende pédagogique et n’a jamais été testée positivement.
On a aussi suggéré des techniques de relaxation; des thérapies; la tenue d’un journal de bord; d’avoir recours à des approches pédagogique plus intuitives; de faire appel à des manipulations; d’avoir recours à des activités reliées à la vie courante; on a préconisé des approches constructivistes; socioconstructivistes; de faire pratiquer aux enfants la visualisation; on a évoqué l’importance du contexte culturel et suggéré de tout mettre en œuvre pour de ne pas projeter une image des mathématiques comme étant très difficiles, inutiles, incompréhensibles. On a bien entendu aussi parlé de la formation des maîtres.
La corrélation entre mauvais résultats en maths et mathophobie est plausible et solidement établie, ce qui n’étonnera personne. Mais comment ces deux phénomènes sont-ils reliés? Est-on mathophobe parce qu’on est mauvais en maths? Ou serait-on meilleur en maths si on n’était pas mathophobe? Est-ce autre chose? La réponse à ces questions a de grandes implications pour la pratique.
Or des travaux récents, mettant l’accent sur le rôle de la mémoire de travail, apportent des éléments de réponse qui suggèrent en outre cette manière simple et semble-t-il efficace, de lutter contre la mathophobie dont je veux vous parler.
Mathophobie et mémoire de travail
Le concept de mémoire de travail est un concept capital des science cognitives qui a une grande importance pour comprendre l’apprentissage. En gros, et très métaphoriquement, l’idée est la suivante. Nous accédons au monde par cette fenêtre qu’est la mémoire de travail; or celle-ci se referme très rapidement et notre mémoire de travail ne peut contenir simultanément qu’un nombre très restreint d’items — possiblement entre 5 et 9. On surmonte pourtant ces terribles limitations, notamment en rassemblant plusieurs éléments pour en faire un seul — ce que permettent les connaissances préalables dont on dispose. C’est ainsi que TPS, TVQ, et LNH ne sont par pour vous neuf items, qui satureraient votre mémoire de travail, mais seulement trois.
Revenons à nos mathophobes. Ce que l’on a mis en évidence, c’est que les émotions et pensées négatives des mathophobes prennent de la place dans leur mémoire de travail!
Or, faire des maths demande bien entendu de la mémoire de travail. Hélas : le ou la mathophobe, parfois à la seule pensée de faire des maths, voit sa mémoire de travail déjà limitée être plus limitée encore par son anxiété.
Une stratégie prometteuse
Plusieurs pistes de lutte contre la mathophobie se dessinent à partir de là ( il semble notamment plausible de penser que des habiletés et techniques de base sur-appris aideront à libérer la mémoire de travail déjà très sollicitée du ou de la mathophobe) et je renvoie au texte déjà cité pour en découvrir quelques-unes.
Mais je voulais surtout rappeler ce simple truc, malheureusemt pas praticable avec les très jeunes, mais dont la recherche semble montrer qu’il est prometteur. Le voici.
Juste avant un exercice, une épreuve, un examen, on demande aux élèves de prendre quelque dix minutes pour mettre par écrit leurs émotions et pensées concernant ce qu’ils s’apprêtent à faire, en les assurant bien entendu que personne, par même leur enseignant.e, ne verra ce texte.
L’exercice, pense-t-on, allège le fardeau que les pensées et émotions négatives font peser sur la mémoire de travail et permet en quelque sorte de les mettre à distance et de se dire : ce n’est pas la fin du monde, après tout. Et il semble que cela fonctionne et pourrait même aider pas seulement en maths, mais aussi pour d’autres disciplines et situations anxiogènes.
La recherche sur tout cela est à suivre.
Mais en attendant, si vous tentez l’expérience, merci de me raconter comment cela a marché.
[1] Pour les données de recherche présentées ici, je suis redevable à Daniel T. Willingham et Sian L. Beilock, qui viennent de signer sur le sujet, dans American Educator (Été 2014), un texte brillant qui propose une synthèse de ce qu’on sait sur la question. On le trouvera à https://www.aft.org/sites/default/files/periodicals/beilock.pdf
« Je fais le pari qu’il y aurait de quoi remplir des pages et des pages de cet étrange et triste aveu… »
D’autant plus étrange que le monde est de plus en plus technologique fondé sur les sciences et les mathématiques.
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« d’avoir recours à des approches pédagogique plus intuitives; de faire appel à des manipulations; d’avoir recours à des activités reliées à la vie courante; on a préconisé des approches constructivistes; socioconstructivistes »
(1)
(a) Pourrait-on aussi présenter les mathématiques comme elles sont parce que dans le fond car c’est bien la seule chose qu’on a pas essayé. On pourrait se demander si les mathophobes sont véritablements en chicane avec les mathématiques ou plutôt avec quelque chose d’autre et d’hybride que j’ai bien du mal à cerner.
+ x – / … et racine carré c’est tu vraiment les mathématiques …
Sérieusement prend-on même une fois la peine de même tenter de définir ou de donner de possibles définition ou idées en quoi ca consiste cette chose étrange et pourquoi du monde décident de faire oeuvre utile la dedans.
(b) Grosse question philosophe à 2 $ … si on présente que les math babylonienne, grecque, essentiellement pas au delà du 15e siècle et pratiquement jamais celle qui viennent après qu’on a bien su faire la différence entre philosophie, épistémologie, physique, mathématiques …. c’est tu des mathématiques qu’on leur parle …
Un peu comme si on faisait un cours de physique en parlant de la philosophie de la nature tel que vu par x ou y philosophe grec … ca serait tu faire de la physique ….
(c) A aucun moment moi je sens qu’ on fait sentir aux élèves que les objets mathématiques sont riches et comme de nouveaux specimens qu’un biologiste ou expert en botanique fait l’etude … ces objets des mathématiques ont des structures et propriétés qui les rendent fascinants et demandent des années de recherches.
(d) Mon propos …
Je suis pas philosophe mais si on demandait aux élève de 5e secondaire ou même leur professeur de définir c’est quoi l’histoire ou la physique … on aurait peut être quelque chose comme … la science qui étudie blablabla …
Mais demander c’est quoi les mathématiques … les réponses pourraient être troublantes …
Calculer kelke chose …
anyway mon 5 cents …
(2)
Pour ma part je dirais …
(a) Pourrait-on éviter puzzles, problèmes logiques, …. qui tant au niveau des methodes que des solutions sont de l’ordre du pire pour illustrer les mathématiques…
Et coup donc ca vient d’ou cette fascination sur les mathématiques jeux, les mathématiques concours …. plutôt que mathématiques domaine de la connaissance …
(b) Les mathématiques sont pas un jeux … c’est un domaine de la connaissance en soi.
(c) Comme si on envisageait la literature que par les dictées ou concours sur l’orthographe des mots.
(3)
La bosse des mathématiques …
On présente souvent les mathématiques comme un truc fait par des être transcendents … je pense que c’est néfaste comme conception. Beaucoup de mathématiciens ont simplement passé beaucoup de temps à faire l’étude de problèmes qui parfois intéressaient pas « beaucoup de monde », sinon qu’eux même et c’est comme ca qu’ils ont fait des contributions au monde pas juste de la sainte révélation.
(4)
On expose pas aux enfants certaines grandes avancés … ca serait comme la literature en lisant des circulaires ou la musique que par les comptines … ou tiens la musique que par des partitions sans jamais entendre kekun jouer …
On fait référence à aucun ouvrage, aucun mathématiciens précis on présente des propriétés, des faits et pseudo théorème comme s’ils venait du vide ….
( A part l’ostie de théorème de pythagore … )
Je comprends la difficulté, et on va pas s’embarquer dans la topologie algbébrique, mais il me semble qu’on peut pas faire l’enseignement d’un domaine sans point d’encrage avec l’histoire.
(5)
Un exemple qui montre comment les mathématiques mais aussi les sciences sont enseignés étrangement et on peut se demander pourquoi.
Imaginons que l’on a fait un programme de science physique dans lequel on faisait apprendre les noms de nuages … en fait pendant 3-4 mois …
Et imaginons ensuite qu’on passait rapidement sur le tableau periodique sinon que le mémoriser sans même s’arreter 2 minutes sur le fait incroyable d’un classement des atomes selon certaines propriétés … mais encore sans même s’arreter
sur comment ils sont fabriqué …
Alors que c’est un des acquis gigantesques du dernier siècle … en mélangeant astrophysique, cosmologie, physique nucléaire …
Ce qu’un livre d’Hubert Reeves peut faire pour à peine 10$ et que 11 années semblent incapable de faire …
—–
(6)
« Le biologiste Richard Dawkins note quelque part que si, dans nos sociétés, à peu près personne ne dit volontiers ignorer la littérature, il est pourtant socialement acceptable de dire son incompétence en sciences et qu’il est même bien vu de la proclamer avec fierté s’il s’agit des mathématiques : «Moi, les maths, je n’y ai jamais rien compris!». »
(a)
C’est social … c’est de l’ordre de ce que certaines classes sociale trouve important.
C’est comme pourquoi quand on demande aux gens les meilleurs livres ont sort les gros livres classiques russes … mais rarement Asimov et la science fiction …
Parce que dans le fond le monde sont conformistes et que dans certains milieu les gros classiques sont le symbole de kekun de cultivé … alors les histoires de robots on peut bien en être ignorant c’est pas grave.
Et donc même chose pour la science et les mathématiques. C’est pas de l’ordre de l’important selon ce que les codes de certaines classes sociales.
(b)
Pour certaines classes sociale … le sport d’élite, jouer d’un instrument de musique ou une langue étrangère ca c’est important et on doit investor beaucoup du temps de fiston la dedans.
Et donc c’est l’ordre de ce que l’on valorise …
Et ensuite école privée et autre donnant aux parent ce que eux considère comme important le reste se fait tout seul ….
(c)
Quand papa et maman seront dans autre chose que le paraitre pour fiston on changera quelque chose mais sinon fiston continuera de perdre un certains nombre d’heures par semaine en gossant sur un instrument ou donnant faisant du sport d’elite et si peu pour les mathematiques et les sciences…
(7)
Dans le fond, juste se rendre compre que les mathematiques sont le langage de notre univers ….
Je pense que ca permet de mesurer l’abime dans lequel s’enfonce ceux et celles qui font le choix d’analphabetisme mathematiques.
Merci de ce riche commentaire. J’espère qu’il y aura des réactions!
Je dirai seulement , pour ma part, que je le trouve très beau et pas du tout osti, le théorème de Pythagore 🙂
Connais-tu ce livre, que j’ai bien aimé?
http://www.amazon.ca/Pythagorean-Theorem-000-Year-History/dp/0691125260/ref=sr_1_sc_2?ie=UTF8&qid=1408313540&sr=8-2-spell&keywords=pytagorean+theroem
Ca fait 4-5 fois j’essaie d’envoyer le message. de la maison et du travail.
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J’ai pris un peu de temps à répondre mais j’étais en déplacement.
(0) Merci de la suggestion. Non je ne l’ai pas lu et il est maitenant sur ma liste. Dernièrement j’ai acheté et commencé à lire
http://livre.fnac.com/a6522017/Jean-Jacques-Samueli-Trente-livres-de-mathematiques-qui-ont-change-le-monde
(1) Mon « osti » était pas bien méchant ici. Mon commentaire est le suivant … oui la géométrie euclidienne et les preuves associées c’est important et intéressant. Non seulement d’un point de vue d’histoire des mathématiques c’est incontournable, mais même au point de vue conceptuel et pédagogique elles me semblent fournir un cadre disons plus « convivial » aux étudiants ( que l’analyse ) pour faire des « demonstrations ». Pour Pythagore, c’est effectivement un théorème important, et comme le livre suggéré, il y a de nombreuses demonstrations et même les experts n’en connaissent souvent qu’un nombre limité.
(2) Par contre, il semble que de nombreux étudiants sortent en sachant essentiellement nommer ce théorème de Pythagore. On pourrait être tenté de voir cela comme un success, mais je pense qu’en fait ca montre un échec.
(3) Caricaturalement, je dirais, qu’on forme pas des citoyens de la grèce antique … on forme pas des étudiants du moyen age …. et je pense que le programme serait très bien si on était en l’an 263 de notre ère. Mais on forme du monde en 2014. Moi il me semble que le fossé entre « technicien », « expert », « spécialiste » et le citoyen toujours plus grand, et le fossé entre ce qu’un citoyen sait et ce qui l’environne technologiquement parlant peut pas être de plus en plus en désaccord. Et donc le fait qu’un citoyen en vient à être incapable d’appréhender comment fonctionne son laptop ( circuit logique, transistor … ) et simplement le réel autour de lui me donne à penser que les cours de math et de science sont mal orienté.
(4) On est dans une société ou on fait des accélérateurs gigantesques, on parle d’exploration spatiale, d’intelligence artificielle, on parle de téléportation ou même d’ordinateur quantique, on parle de mécanique quantique … et pour moi pythagore et le fait que les étudiants puisse le nommer à la fin de 11 années d’études, reflète un peu pour moi l’anachronisme que je constate.
Et qu’on se comprenne bien c’est pas un propos concernant l’utilitarisme de connaissances plus actuelles, mais qu’on peut pas comme citoyen être comme « kekun » de l’an 300 qu’on aurait déporté en 2014 et qui s’accomoderait bien de la « magie » qui l’environne.
Probablement trop de mots pour expliquer mon « osti »
@Ian
Premièrement: parlons de l’osti de théorème de Pythagore. Ce fameux théorème est peut-être le plus important théorème des mathématiques. S’il n’y en avait qu’un seul à apprendre ce serait lui. Le théorème de Pythagore est la fondation même de tout l’édifice des mathématiques. Sans ce théorème, pas de géométrie, pas d’algèbre, pas de calcul, que nenni, nada. D’une certaine manière, les mathématiques modernes et tous les théorèmes qui en découlent reposent sur la véracité de ce théorème. Alors ça me fait un peu mal aux yeux de le voir aux côtés du mot « osti ». Mais je ne vous en tiens pas rigueur, je ne crois pas que vous l’ayez fait méchamment. C’est juste que ça m’accroche « drette » à la bonne place et je ne peux pas ne pas réagir.
Deuxièmement, je suis d’accord avec l’idée que la présentation que l’on fait des mathématiques dans l’enseignement ne met pas assez l’accent sur ce que sont les mathématiques au XXIème siècle. Mais il ne faut pas oublier que les mathématiques modernes restent une discipline très difficile et que pour être comprises, elles ont besoin d’une fondation solide et d’une certaine maturité mathématique. Il n’y a pas de raccourci : il faut gravir tranquillement les échelons de la compréhension uns par uns, sinon tout l’édifice s’écroule. Je comprends que c’est intimidant, mais le résultat de cet effort – la confiance en soi, la vigueur d’esprit, la compréhension du monde, etc. – vaut bien toutes les difficultés que l’on doit surmonter pour maîtriser ne serait-ce qu’une infime partie des mathématiques.
« A aucun moment moi je sens qu’ on fait sentir aux élèves que les objets mathématiques sont riches et comme de nouveaux specimens qu’un biologiste ou expert en botanique fait l’etude… ces objets des mathématiques ont des structures et propriétés qui les rendent fascinants et demandent des années de recherches. »
Sur ce point, je suis totalement en accord avec vous. Lorsque je discute de mathématiques avec les gens, la plupart sont surpris d’apprendre qu’il y a des tonnes de questions qui n’ont pas de réponses en mathématiques, que celles dont on connait la réponse ne représentent pratiquement rien à côté de celles dont on ne connait pas la réponse et qu’il y a beaucoup d’expérimentation en mathématiques. La plupart des gens croit que les mathématiques sont un milieu aride, froid et mécanique et que tout y est connu, alors qu’en réalité il s’agit d’une discipline qui foisonne de vie, où presque tout est encore à construire et qui laisse une grande place à l’imagination et à la créativité. Moi qui était plutôt de type artistique à l’école, ça, on ne me l’a jamais fait sentir lors de mon parcours scolaire. Je l’ai découvert par moi-même et ça m’a fait littéralement tomber en amour avec les mathématiques que j’avais toujours détestées.
Pour le simple plaisir, j’ai commencé une mineure à temps partiel en arts et sciences à l’université pour m’y spécialiser en mathématiques et malheureusement, je ne trouve pas que ça s’améliore de ce point de vue là à l’université.
Je me conforte à l’idée que cela ne date pas d’hier. Que cette critique de l’enseignement des mathématiques était déjà partagée à l’époque, au XIXème siècle, par ce brillant contributeur aux mathématiques qu’est Évariste Galois. Je me permets de le citer ici, même si ça n’est pas exactement la citation que je cherchais, elle appuie quand-même mon propos et donne une explication plausible:
« Je rêve d’un jour où l’égoïsme ne régnera plus dans les sciences, où on s’associera pour étudier, au lieu d’envoyer aux académiciens des plis cachetés, on s’empressera de publier ses moindres observations pour peu qu’elles soient nouvelles, et on ajoutera » je ne sais pas le reste » »
Évariste Galloir (1811-1832) [http://www.math93.com/index.php/histoire-des-maths/citations/106-citation-de-galois-evariste-1811-1832]
Un grand merci de ce riche et beau commentaire, Nicolas B. (Bourbaki ? 🙂 )
Bonjour,
Suite à la lecture de quelques-uns de vos articles que j’ai appréciés.
Bien que n’étant pas mathophobe, en ce sens que je ne développe pas de phobie, je ne comprends pas les maths.
C’est d’ailleurs mon insuffisance en cette matière qui me valut, à l’époque où, en France, il y avait un test d’aptitude pour entrer en 6eme, de ne pouvoir accéder à des études littéraires, faute des capacités minimales en mathématique !
Bien entendu, après une formation professionnelle manuelle, j’ai divergé pour me retrouver quelques années plus tard, responsable de petits bureaux d’étude en électronique !
Toujours en étant aussi nul en maths…
Pour apporter ma petite pierre à votre réflexion, je précise que mon incompétence en math me semble (d’expérience) liée à une relative incapacité à suivre un raisonnement dont chaque itération dépend de la précédente. C’est aussi valable en français, philo, et toute forme de dialectique.
En géométrie, au delà du théorème de Pythagore, je dois apprendre par cœur sans comprendre. Je goberai aussi bien une démonstration que son contraire !
Je ne suis pas le seul, je pense sérieusement que 70% (ordre de grandeur) de la population souffre de la même lacune. Si non, comment expliquer le succès des démagogues ?
Il est encore valorisant de prétendre décider en fonction de choix logiques; mais une frange importante de personnes de tous niveau social le prétendent mais se basent sur des intuitions et croyances ou superstitions.
Pour en revenir aux enchainements d’idées, à chaque niveau, nous sommes capables de réflexion rationnelle, mais c’est leur enchainement qui cloche. Pour mon cas, je suis quasi certain d’être incapable de suivre un raisonnement sur plus de 3 déductions ou affirmations successives. Cela me semble être lié à un problème de mémorisation des abstractions.
Je (nous) suis capable de réalisations complexes, de réflexions approfondies, mais sur certains sujets (qui peuvent être d’ordre mathématique) à la condition d’être assez motivés et pour mon cas, de pouvoir en réaliser une représentation par analogie (je ne peux suivre et extrapoler d’un cours sur le fonctionnement du transistor, mais si on se limite à la partie comparable à des circuits hydrauliques, je comprends)
Pour finir, quelques éléments humoristiques:
Syllogisme:
– je me suis demandé ce qui caractérisait un très bon professeur.
Un très bon professeur doit amener (certains de) ses élèves à devenir meilleurs que lui !
Mais ne peut-on dire la même chose d’un mauvais ?
ne jamais participer à une démonstration de mathématiques
Un homme explique à son fils qui ne comprends pas ce que sont les nombres négatifs:
– « tu vois, l’autobus que tu prends pour aller à l’école ? »
– « lorsque tu montes dedans, il y a déjà 3 passagers »
– « avec toi + le chauffeur, ça fait 1 + 1 + 3 = 5; d’accord ? »
– « au troisième arrêt, 9 personnes en descendent ! combien doivent monter au 4eme arrêt pour que l’autobus soit vide ? »
Salutations
JL Becquereau