Philémon Cimon : Le synesthète romantique
Musique

Philémon Cimon : Le synesthète romantique

Il voit la musique en couleurs et parle de l’été comme d’une fille qu’il a aimée. Entrevue avec Philémon Cimon, le troubadour contemporain.

Certains voudront lui apposer des étiquettes. Folk, chanson, francophone. Et quoi encore? Mais lui, Philémon, préfère identifier ses disques par des couleurs. Orange pour Les sessions cubaines, jaune et bleu pour L’été. Une forme de synesthésie, phénomène neurologique dont il ne connait pas le nom mais dont il porte vraisemblablement les symptômes. “C’est vrai que certains sons ou certains instruments s’affichent en couleurs dans ma tête. Et ça va me guider dans ma façon de créer des orchestrations, de décider de l’ordre des chansons. À chaque fois que j’écoute de la musique, ça se transpose toujours en images dans ma tête.”

Philémon, c’est bien simple, est un hypersensible et sa synesthésie (encore non diagnostiquée) n’en est qu’une des nombreuses manifestations. Même en marathon d’entrevues promo pour son nouvel album, il fait naître les lignes juteusement poétiques avec le plus grand naturel et même s’il a (probablement) l’acoustique trempée de sueur collée sur sa tempe. Comme s’il s’adonnait en direct – là, maintenant – à de l’écriture automatique pour une chanson incomplète. Nul doute que c’est son verbe qui charme ses collaborateurs aux premiers abords. Son réalisateur Philippe Brault, la harpiste Sarah Pagé (The Barr Brothers) et le bassiste Nicolas Basque (Plants and Animals). Mystère résolu.

Parce qu’il faut l’écrire: Cimon n’a rien du chanteur typique. Il n’est pas sur la note, il n’a pas une voix parfaite. Un contraste frappant avec sa voix posée et pleine d’assurance quand vient le temps d’entretenir une conversation. Comme si porter le chapeau de musicien le faisait entrer dans une sorte de transe, comme si son masque social tombait à chaque fois qu’il chante. Une petite créature dénuée de pudeur, du jeu de séduction avec le public. Philémon interprète ses textes comme on pleure et on rit, dans la plus grande honnêteté.

Carpe Diem

Enregistré dans l’urgence, L’été a en fait bénéficié de trois jours complets de studio. Pas plus. Une contrainte que l’auteur-compositeur-interprète s’offre cette fois encore pour saisir l’instant présent. Laisser parler son coeur plutôt que sa tête pour aller chercher la pureté de l’émotion. “Y’a des musiciens qui vivent mal avec ça, qui veulent passer trois mois en studio pour retravailler l’album encore et encore. Moi, je vais plutôt choisir des musiciens qui apportent leurs idées dès qu’ils entendent un truc.” Beaucoup d’improvisation musicale, donc, avec les musiciens énoncés plus haut mais aussi Papacho, le cousin mexicain de Philémon et le saxophoniste cubain Néstor Rodriguez. Un gars rencontré au hasard au temps du premier album.

La différence, cette fois, c’est que l’album ne vient pas en combo avec une histoire abracadabrante. Rien à voir, en fait, avec sa fuite vers le sud et son enregistrement sur rubans au studio du Buena Vista Social Club avec des musiciens repêchés à la va-vite. “Tu peux pas battre cette histoire-là ou essayer d’en créer une autre. Faut travailler autrement. […] C’est facile d’être dans un état second de création quand tu es à l’autre bout du monde. Quand tu fais ça chez toi, c’est un peu plus difficile de trouver la poésie dans les rues que tu vois à tous les jours. C’est ça le défi que j’ai voulu me lancer.”

 

//

L’été de Philémon Cimon est disponible en écoute intégrale via voir.ca  Il sortira officiellement dans les bacs et en téléchargement légal le 28 janvier.