Paul Buissonneau s'est éteint: Le milieu théâtral est en deuil
Scène

Paul Buissonneau s’est éteint: Le milieu théâtral est en deuil

Dans le milieu du théâtre québécois, Paul Buissonneau occupait une place incontestée au sommet. L’illustre homme de théâtre s’est éteint en fin de semaine à l’Hôtel-Dieu de Montréal à l’âge de 87 ans, laissant dans le deuil une communauté artistique éplorée mais un vaste héritage.

Affaibli depuis plusieurs années, Paul Buissonneau a succombé à une faiblesse des reins ce weekend. Le metteur en scène au verbe coloré avait une santé fragile depuis quelques années. Se sachant près de la fin, il a d’ailleurs orchestré ses propres funérailles en avance – sa dernière mise en scène – dont l’élaboration a fait l’objet d’un documentaire de Mathieu Fontaine, intitulé Un p’tit dernier pour la route.

Visionner le documentaire sur le site de Télé-Québec

Connu des téléspectateurs pour son personnage de Piccolo et pour sa verve légendaire, Paul Buissonneau est avant tout un grand réformateur du théâtre québécois, auquel il a insufflé dans les années 1950 une dose d’inventivité et d’éclat. Fondateur du Théâtre de Quat’sous, qu’il a dirigé jusqu’en 1989, il a mis en scène plus de 125 spectacles et exploré des répertoires variés, de Brecht à Tardieu, tout en suivant de près la création québécoise pour contribuer à propulser quelques auteurs phare (notamment Michel Tremblay, Normand Chaurette et René-Daniel Dubois).

Né à Paris le 24 décembre 1926, il devient orphelin à 13 ans, puis étudiera le théâtre avec Hubert Gignoux, Yves Joly et Léon Chancerel. Il arrive au Québec en 1950 et ne perd pas de temps: dès 1952, il anime La Roulotte, théâtre ambulant pour jeune public dans les parcs montréalais. «C’est là, nous dit le Dictionnaire des artistes du théâtre québécois, qu’il développe son style fantaisiste et ingénieux, qui renouvelle et galvanise le théâtre québécois.»

Déjà en 1955, il fonde le Théâtre de Quat’sous, qu’il installe dans une ancienne synagogue (à l’emplacement actuel) en 1963, avec ses acolytes Yvon Deschamps, Claude Léveillée et Jean-Louis Millette. Il en sera directeur artistique jusqu’en 1984 et gardera jusqu’à sa mort un œil bienveillant sur ses successeurs, d’abord brièvement Louise Latraverse, puis Louison Danis, mais surtout Pierre Bernard (de 1988 à 2000), Wajdi Mouawad (de 2000 à 2004) et Eric Jean (de 2004 à aujourd’hui).

Le nom de Paul Buissonneau est également indissociable de l’Osstidcho, happening musical et théâtral éclaté qui a marqué son époque.

Le 21 septembre 1998, il reçoit le prestigieux Prix du Gouverneur général pour les arts de la scène. Il y a tout juste deux mois, Paul Buissonneau est aussi devenu Citoyen d’honneur de la ville de Montréal.

Le milieu théâtral québécois n’a pas tardé à réagir sur les réseaux sociaux. Pour le metteur en scène Claude Poissant, Buissonneau rappelait à tous «qu’il vaut mieux ne pas trop garder en nous les doutes, les colères, les rires et les extases.» Yves Desgagnés, qui fut le premier à annoncer la mort de son « mentor » sur Twitter, a évoqué son « deuil immense ». Simon Brault, chef de la direction du Conseil des arts du Canada, souligne quant à lui que Paul Buissonneau «aura démocratisé le théâtre et nourri l’imaginaire de centaines de milliers d’enfants».

Sur ICI Radio-Canada Première ce matin à l’émission C’est pas trop tôt, Yvon Deschamps évoquait toutes les choses que lui apprises Buissonneau, comme «la rigueur et le respect de ce qu’on fait». Louise Latraverse y allait pour sa part d’un hommage senti à celui qui fut d’abord son maître à l’atelier Georges Groulx, avant d’être un ami et un collègue. «Il connaissait tout du théâtre, dit-elle. Je n’ai jamais rencontré par la suite un homme qui avait une perspective aussi variée sur les arts de la scène, et qui s’est construit une culture théâtrale et un savoir-faire de manière autodidacte. On a tous appris énormément de lui.»