Aux Écuries en 2015-2016: du théâtre politisé, des non-acteurs et du théâtre rural
Ancrée dans l’actualité culturelle et sociale, la saison 2015-2016 des Écuries s’annonce politisée et fertile en regards sur le monde. D’Olivier Choinière à Catherine Bourgeois en passant par Marcelle Dubois et Steve Gagnon, les artistes mis de l’avant sont des habitués de la maison et des observateurs lucides de notre société.
La saison s’ouvre avec Polyglotte, d’Olivier Choinière (ces représentations suivent celles du Festival TransAmériques en mai dernier). Spectacle interprété par des immigrants montréalais, il pose un regard critique sur le Canada comme terre d’accueil et sur l’image idéalisée qui en est propagée à travers le monde. Sur fond de disques de conversation des années 1960 et d’images d’archives tirées de l’histoire et de l’actualité, la pièce scrute tous les aspects de la vie en société: le climat, le travail, le transport, la religion, le sport ou encore la politesse.
À la mi-octobre, le Théâtre de la Pire Espèce ramène ses succès Petit bonhomme en papier carbone et Ubu sur la table.
En collaboration avec Casteliers, les Écuries accueillent un spectacle musico-marionnettique slovène déjanté: Procès, de Matija Solce. Dans cette composition musico-marionnettique hors du temps, adaptée du célèbre roman de Franz Kafka, le public se retrouve dans le rôle de Joseph K., accusé aux prises avec les rouages internes de la machine sociétale et le monde intime de ses proches. Un spectacle rare, où humour noir, poésie, marionnettes à gaine et objets– évoluant parfois vers le concert déjanté – seront au rendez-vous!
En provenance de Calgary, le Theatre Junction Grand s’installe aux Écuries en novembre avec la pièce Everybody knows this is nowhere, où se croisent Nietzsche et Lana del Rey ! La pièce de Raphaële Thiriet et Mark Lawes explore la mécanique du désenchantement du monde occidental pour tenter de trouver dans ses failles, peut-être et par hasard, un possible réenchantement. Cette création, dont l’action se déroule dans un futur proche, après une catastrophe climatique, interroge l’état de nos rêves.
Catherine Bourgeois et sa compagnie Joe, Jack et John invitent ensuite les spectateurs hors du théâtre, dans un lieu encore à déterminer, pour sa nouvelle création Je ne veux pas marcher seul. Connue pour son travail avec des acteurs hors-norme et pour son regard acidulé sur l’Amérique, elle s’intéresse maintenant aux actes xénophobes posés au cours des dernières années aux États-Unis et au Canada. Alternant rap, danse, témoignages et projections, elle explore, en une dizaine de tableaux, le vaste spectre de la peur. En français, en anglais et en créole, ce spectacle met en scène un artiste déficient, un acteur, une danseuse et une performeuse.
Du 10 au 12 décembre, les Écuries invitent l’équipe du OFFTA pour l’événement Nous sommes ici, une semaine de création multidisciplinaire intensive regroupant des diplômés en danse, en théâtre et en performance issus de la dernière cohorte des écoles d’art professionnelles situées à Montréal et ses environs.
Dans Bienheureux, la comédienne et metteure en scène Michelle Parent et l’auteur Olivier Sylvestre convient les spectateurs à un face-à-face avec des personnes recevant les services du Centre de réadaptation en dépendance de Montréal – Institut universitaire (CRDM-IU). Six interprètes professionnels les accompagnent sur scène pour un spectacle qui nous renvoie à notre propre dépendance au bonheur, à son étalage comme trophée et aux succédanés que nous lui trouvons.
Marcelle Dubois offre ensuite au metteur en scène Jacques Laroche un texte sur lequel elle travaille depuis de nombreuses années: Habiter les terres: utopie d’une révolte rurale. C’est l’histoire d’un village du Nord, d’une région dont le gouvernement a un beau jour décidé de signer l’arrêt de mort. Ses habitants, ses ours et ses outardes décident alors de kidnapper le Ministre de l’Environnement pour le planter dans un champ de navets à 17 heures de la Capitale, dans l’espoir que le premier ministre écoutera enfin ce qu’ils ont à dire.
Pour deux soirs seulement, les 17 et 18 février, Olivier Ducas offre à nouveau son spectacle Villes, pièce de théâtre d’objets réalisé avec la scénographe Julie Vallée-Léger dans laquelle il fait un portrait démultiplié des villes contemporaines et de leurs enjeux de surpopulation, de pollution et d’urbanisme. Une pièce fragmentaire et poétique dans laquelle défilent des maquettes de villes aussi diversifiées les unes que les autres, captées par une caméra qui en montre différentes perspectives.
À relire: notre entrevue avec Ducas en mars 2014
Dans Fendre les lacs, Steve Gagnon invente huit personnages vivant dans des cabanes autour d’un lac, au milieu d’une forêt. Un véritable retour aux sources – retour à la terre et communion avec l’environnement, retour à une société où les gens osent se parler en face, retour à un langage plus large, dont l’écho perdure et traverse les peuples et le temps. L’auteur s’inspire lointainement de Tchekhov, dans ce que l’équipe des Écuries voit comme une « Cerisaie boréale ».
La saison est complétée par la Biennale de gigue contemporaine et le Festival du Jamais Lu.
Consultez la programmation complète sur le site web des Écuries.