Jérôme Bel au FTA et au Carrefour
Le chorégraphe français Jérôme Bel présentera à Montréal et à Québec son spectacle Gala, une ode à « l’amateurisme ». Le Festival TransAmériques annonçait aussi ce matin de belles prises : des pièces de Christoph Marthaler et Denis Marleau seront au haut de l’affiche aux côtés des spectacles déjà annoncés de Romeo Castellucci et Louise Lecavalier.
Depuis ses débuts, Jérôme Bel fait de la notion même de spectacle son principal territoire d’investigation. Le chorégraphe français avait commencé à faire parler de lui au début des années 2000 par une pièce effervescente et ironique sur la Société du spectacle, The show must go on, avant de s’intéresser à la carrière des danseurs Cédric Andrieux et Véronique Doisneau dans d’atypiques spectacles « biopic » pour danseurs virtuoses. Ne quittant jamais le sillon du spectacle autocritique de lui-même et de la décortication des mécanismes du spectaculaire, il travaille ces dernières années avec des non-danseurs ou des acteurs hors-norme dont il aime questionner la présence scénique, qu’ils vivent avec des handicaps intellectuels (Disabled Theater) ou qu’ils soient spectateurs aguerris de théâtre (Cour d’Honneur).
C’est en quelque sorte la suite de ce travail avec des non-acteurs qui sera présentée à Québec les 31 mai et 1er juin dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec, puis à Montréal les 7 et 8 juin. Gala « bouscule par la forme les diktats de l’art vivant et interroge la danse, sa représentation, ses codes ainsi que la distinction entre amateurs et professionnels. Comment faire entrer dans le champ de la représentation des individus et des corps qui en sont le plus souvent exclus ? Comment élargir le périmètre du théâtre, en faire un outil démocratique ? Quels corps sont légitimés à être montrés sur scène ? »
« Le gala, forme festive et collective, mêle ici professionnels de la danse et amateurs issus de divers horizons, recrutés dans chacune des villes où le spectacle est présenté. Les protagonistes s’exécutent tour à tour dans de courts numéros, à la manière d’un spectacle de fin d’année. »
La version présentée dans cette vidéo a été créée à Bruxelles au Kunstenfestivaldesarts :
Enfin le retour de Christoph Marthaler à Montréal
Attention, ceci est événementiel. Grand metteur en scène suisse-allemand, Christoph Marthaler n’est pas venu à Montréal depuis 1997. Nos scènes n’arrivent que trop rarement à se payer ses spectacles campés dans de vastes scénographies au look rétro et jouées par d’imposantes distributions d’acteurs-chanteurs qui maîtrisent son style unique : une forme décalée et atemporelle de burlesque et de kitsch, ponctué de chant classique.
Une île flottante / Das Weisse vom Ei, le spectacle d’ouverture du Festival TransAmérqiues, est un vaudeville décalé inspiré d’une pièce d’Eugène Labiche, que Marthaler soumet à son ironie particulière et à sa manière étrangement rêveuse de déformer l’espace-temps. Il s’intéresse aussi, particulièrement dans ce spectacle, aux tensions et à la créativité qui peuvent naître dans le frottement des langues : le spectacle est joué en français et en allemand. Comme l’explique le comédien Marc Bodnar sur le site du festival, « la question du bilinguisme intéresse Marthaler comme Suisse parlant allemand et français. D’ailleurs, dans son spectacle Riesenbutzbach, il y avait une mère qui ne parlait qu’allemand avec son fils (que j’incarne) qui lui ne pouvait s’exprimer qu’en français. Dans le cas de deux familles en compétition, l’utilisation des deux langues prend des résonances on ne peut plus intéressantes. »
Marleau et Lecavalier, maîtres de chez nous
Le FTA annonçait également ce matin la présentation à Montréal du fameux opéra L’autre hiver, de Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, créé en Belgique et ayant déjà un peu tourné en France avant d’atterrir sur nos terres, d’abord à Ottawa du 25 au 28 mai, puis au FTA les 1er et 2 juin.
Marleau et Jasmin y poursuivent leur travail avec les masques vidéo, mélangeant sur scène comédiens en chair et en os et personnages virtuels, d’après un livret de Normand Chaurette, où se croisent les figures de Verlaine et Rimbaud sur un bateau immobilisé par les glaces du temps. Le compositeur flamand Dominique Pauwels est aussi de l’aventure.
On sait aussi, depuis son passage à l’émission Tout le monde en parle le 17 janvier, que la danseuse virtuose et maintenant chorégraphe Louise Lecavalier prépare une nouvelle pièce pour le FTA. « Dans Mille batailles, sa toute nouvelle création offerte en première nord-américaine, elle transforme la scène en ring et se lance dans un combat imaginaire de neuf rounds avec le danseur Robert Abubo. »
Elle dit notamment s’inspirer de « certains personnages des films du cinéaste d’animation japonais Hayao Miyazaki, ceux qui subissent des transformations et qui doivent vivre dans des corps étranges ou insensés : le baron transformé en bâton, le personnage « Sans visage » du Voyage de Chihiro… »
Le Festival TransAmériques avait aussi annoncé au début décembre la présence de l’Italien Romeo Castellucci avec sa nouvelle pièce, Go down, Moses.
La programmation complète du FTA sera dévoilée le 22 mars prochain.