Le distributeur Louis Dussault de chez K-Films Amérique a envoyé une lettre ouverte aux médias où il se prononce à propos de l'annonce de la fermeture du cinéma Ex-Centris. La voici dans son intégralité:
Rien ne remplacera EX-CENTRIS qui doit fermer au mois de mars, Daniel Langlois doit revenir sur sa décision.
Cette salle que j'aimais faire visiter par des cinéastes étrangers de passage à Montréal, qui en restaient ébahis et dont s'est inspiré MK2 , le diffuseur et distributeur français, pour son Complexe cinéma ultra moderne autour de la Bibliothèque François-Mitterrand à Paris, cet endroit unique dont tout Montréalais et tout Québécois peut être fier, bâti par un homme remarquable ayant fait fortune avec ses méninges seulement, est un pivot essentiel de l'existence des cinémas nationaux au Québec dont fait parti aussi le cinéma québécois.
Dans cette salle les distributeurs québécois réalisent entre 30 et 50% de leurs recettes, lors de la sortie d'un film et est donc partie intégrante d'une masse critique indispensable à l'économie du cinéma indépendant. Alors que les Américains sortent leurs films sur 30 à 200 écrans____at a Theater near you___, pour rentabiliser leurs opérations de marketing, ce qu'on appelle le PnA (Prints and Ads: les coûts reliés aux copies 35mm et à la publicité) dans le jargon du métier, nous avons réussi, nous les distributeurs de cinémas nationaux au Québec, à survivre avec 4 à 5 écrans pour les films dits "indépendants" qui peuvent se maintenir à l'affiche entre 3 et 6 semaines pour ensuite voyager en région. Sans recettes conséquentes sur Montréal les régions ne prennent pas le film. Ces 4 à 5 écrans n'existent pas par exemple à Toronto pour nicher les films étrangers et "canadiens", et, par conséquent, dans aucune autre ville ontarienne ces films ne sont "demandés" par les cinémas locaux. Pour cette raison cette ville et le reste du Canada ressemblent à n'importe quelle ville américaine (99% de parts de marché est américain).
On voit donc toute l'importance d'un centre comme celui d'Ex-Centris, qui remplaçait à peine les salles démolies de l'Elysée (pour bâtir Ex-Centris), celles fermées du Parisien, et du Complexe Desjardins.
Le Beaubien fait bien son travail, mais il est situé dans un quartier donné et ne pourra pas tout présenter les films offerts par les distributeurs québécois. Ces films ne seront tout simplement pas vus, aboutiront en DVD seulement, et cette situation en ruinera plusieurs. Il y a aussi que le principe du __At a Theater near you__ est important dans l'économie du cinéma. Ainsi on ne part pas de St-Henri, de NDG ou du Mile End pour aller au Beaubien, limitrophe du Plateau et de Rosemont Petite-Patrie. Un film qui prend l'affiche que 3 semaines doit être immédiatement disponible dans ses "niches" habituelles dans autant de quartier possibles. Ex-Centris couvrait l'Ouest, le Beaubien l'Est, c'était pas trop demandé pour une "Métropole"?
D'autant qu'Ex-Centris était rentable.
On nous parle aussi des salles du Forum qui présentent des films "indépendants". Sait-on que pour programmer un film au Forum il faut envoyer son DVD à Kansas City, car c'est là que ça se décide, et les films espagnols, allemands etc. qui sont présentés là doivent être sous-titrés en anglais. Et les salles de la ceinture de Montréal, regardez dans le journal le genre de films qui y sont présentés, le public n'a aucun autre choix que de voir des films américains et encore, les plus commerciaux parmi ceux ci.
Le Cinéma du Parc, programmé par le dynamique Roland Smith fait aussi un excellent travail et sert une clientèle spécifique autour du ghetto McGill. Et il offre de voir des films en version originale anglaise avec sous-titres français: bravo ! Mais là je parle d'autre chose. Avec la fermeture d'Ex-Centris, on parle d'économie du cinéma indépendant, qui sera affectée par une perte de 30 à 50% de ses recettes, et qui ne pourront être remplacées par le Beaubien, qui n'a que 5 salles, 3 très petites, et qui est un des rouages, mais un seul des rouages ne peut faire vivre ce que nous, distributeurs, avons réussi à maintenir au Québec: une structure systématique et permanente de l'offre de films nationaux, du monde entier, et sous-titrés en français et une présence constante des films québécois d'auteur.
C'est cela qu'il faut comprendre quand on crie à la catastrophe avec la fermeture d'Ex-Centris.Louis Dussault, K-Films Amérique
Le simple cinéphile que je suis avait une perception bien pessimiste de la fermeture des salles de cinéma de l’Ex-Centris. Après avoir pris connaissance de la lettre de Louis Dussault, je dois comprendre que cela est très justifié. L’avenir du septième art à Montréal est décidément sombre.