Cinéma

Martyrs: le producteur Simon Trottier commente la controverse

Bien que la sortie en France de Martyrs ait causé une grande controverse, nous croyions naïvement que les choses se passeraient plus calmement chez-nous. Erreur: la Régie du cinéma a affublé le film de Pascal Laugier de la fatidique cote 18 ans et plus, et seul l'AMC Forum de Montréal a eu le courage de l'ajouter à sa programmation régulière (deux Guzzo en périphérie de l'île le présenteront aussi, mais seulement ce vendredi et samedi soir à 23h15), alors que l'autre film d'horreur qui prend l'affiche aujourd'hui, Underworld: Rise of the Lycans, sort dans pas moins de 49 salles à travers le Québec.

Voir a contacté Simon Trottier, le producteur québécois de cette coproduction franco-canadienne, afin de recueillir ses impressions face à cette situation. Voici sa réponse:

Que le film soit censuré aux moins de 18 ans m’insurge et me choque. Surtout avec la pseudo ouverture d'esprit des organismes québécois. Sébastien Létourneau, responsable de la sortie chez Séville, m'expliquait ce matin que le comité de censure a étudié 2 fois le film, à la demande du distributeur, mais sans finalement changer la certification. Ce qui est selon moi très injustifié et injuste. En France, le comité a compris et a accepté de livrer le film à ses fans.

Le film est violent, oui c'est vrai, mais c'est du réalisme, de l’authenticité qui est présentée. Je pense que si le film avait été de moins bonne qualité avec une certaine distance visuelle et créative, et surtout une violence applicable à un homme, nous aurions eu droit à un 16 et plus. Ce qui aurait été beaucoup plus juste et honnête. Qu’ils ne viennent pas me faire à croire qu’il y a trop de ‘gore ’ dans Martyrs: quelques personnages maquillés, quelques petites coupures avec un peu de sang, une courte et rapide fusillade… Ce sont les traitements infligés qui choquent, qui sont souvent suggestifs d’ailleurs.  

Les jeux vidéo qui simulent, très et même trop bien la réalité, des carnages, guerres et fusillades, exercés à même les volontés des joueurs sont nécessairement plus ‘néfastes’ au public, qui après un bout de temps ne fait peut être plus la différence entre tuer un humain ou un personnage. À long terme du moins. C’est une implication directe et surtout répétitive des milliers de fois par les  joueurs.

Il y a une distance au cinéma, grande même, de plus en plus importante avec les années. De par les innombrables sollicitations des consommateurs, l'accès aux vidéos amateurs non censurées sur le web, les technologies des jeux, etc. Les gens sont informés et très sélectifs, il ne faut pas les prendre pour des cons en se disant qu’ils ne seront pas en mesure de décider ce qui est bon ou pas pour eux. Et en cette matière, nous sommes très bons au Québec. Des lois et règlements partout et pour tout, aucune place au raisonnement.

Mais bref, le film est bon, bien fait, honnête dans son histoire et sa fabrication et les médias du monde entier le reconnaissent. Nous devons être fiers que Martyrs soit un film canadien. Pensé, conçu par des créateurs québécois de grand talent et c'est entre autres pour ça qu’il est vendu dans plus de 30 pays. Ce qui n’est pas le cas pour tous nos ‘grands’ films québécois.

J'espère juste que le public québécois sera curieux et audacieux pour aller voir le film et juger par eux-mêmes. Il est pour le moment disponible à l’AMC, au Pont-Viau à Laval et au Jacques-Cartier à Longueuil. Si la demande se fait sentir, les autres marchés s’ouvriront.

Simon Trottier
Producteur
TCB Film