Cinéma

Prends ça court!: Tête Blanche de Patrick Boivin

Note: Si vous avez manqué la soirée 10e anniversaire de Prends ça court! hier soir au FNC, où était présenté en première mondiale le film Tête Blanche, sachez que le programme complet sera à l'affiche du Cinéma du Parc du 19 au 29 octobre.

Plasticien de génie, Patrick Boivin (Ça pis tout l'reste,
Prix de la critique PCC! 2008) livre ici un brillant drame
post-apocalyptique, qu'on pourrait décrire comme une transposition dans un
éternel hiver québécois d'I Am Legend ou The Road. Dans des lieux désertés, où gisent ici et là des cadavres gelés, une jeune femme (Marianne C. Miron) erre, avec pour seul compagnon occasionel un superbe chien blanc. Jusqu'à ce que son chemin croise celui d'un vieil homme (Gaston Lepage) qui va changer sa vie…

VOIR – À ma connaissance, Tête Blanche est ton film le plus
long (environ 30 minutes), le plus ambitieux et, en toute subjectivité,
le plus brillant. Considères-tu en effet qu'il s'agit d'une oeuvre
charnière dans ton parcours?

PATRICK BOIVIN – Mon premier film à vie s'appelait BubbleGun, il durait 60 minutes et je ne le recommande à personne. Avec Tête blanche,
j'oserais parler d'oeuvre charnière en ce sens qu'il m'a fait
comprendre que je ne voulais plus investir d'énergie dans le court
métrage en général… Ce film a été très difficile à produire compte
tenu de l'importante marge entre nos moyens financiers et les ambitions
que j'avais pour le réaliser, et les courts métrages ne disposent que
de très peu de vitrines… Les producteurs (Kinesis) et moi même en
sommes venu à la conclusion qu'avec un 20% d'énergie suplémentaire et
un scénario adéquat, nous aurions pu créer un long métrage, qui lui
aurait eu sans doute plus de chance d'être vu…

L'idée de départ était-elle de créer une version québécoise des drames post-apocalyptiques à la I Am Legend?

L'idée de départ m'est venue suite à la lecture d'un livre intitulé
Sarajevo, mode d'emploi. Le livre est écrit par un journaliste qui
habitait la ville lors du siège et qui a choisi d'y rester. Ce qui
frappe le plus dans son histoire, c'est le fait que l'être humain
(certains humains) semble pouvoir s'adapter à peu près à tout, et ce
n'est généralement pas ceux sur qui on aurait parié.

J'ai écrit pas loin de 20 versions du scénario avant le tournage. J'ai
été refusé au financement 3 années de suite. Lorsque nous avons enfin
réussi à ramasser les fonds pour le faire, j'ai vu le premier trailer
de I Am Legend, qui aurait presque pu servir à écrire un résumé de mon
scénario… Pendant au moins deux mois, j'ai cherché un moyen de ne
plus faire le Tête blanche
en essayant de convaincre tout le monde sur l'intérèt d'un autre
scénario. Mais la réponses que j'ai reçu des subventionneurs, c'était
que je devais renoncer à mes bourses si je ne tournais pas le scénario
accepté… Comme ce financement avait été très difficile à obtenir, je
me suis raisonné. Ensuite, j'ai compris davantage ce qu'allait être le
film I Am Legend et ça ma rassuré: il n'y a pas de vampires dans mon
histoire…

Bien que l'apport de Gaston Lepage (et du chien!) soit inestimable,
le film repose avant tout sur les épaules de Marianne C. Miron, qui est
extraordinaire. Que peux-tu nous dire de cette actrice?

J'avais travaillé avec Marianne à quelques reprises auparavant et je la
trouvais très particulière… Sa voix déchire facilement sous
l'émotion, elle a des yeux très percants et il y a chez elle un
indescriptible mélange de naïveté et de force qui collait parfaitement
à ce que j'imaginais pour le personnage de Marjorie. Elle est aussi
très sympathique et sérieuse dans son "travail" de comédienne.

Enfin, je ne sais pas si tu as vu les autres films qui seront
présentés ce soir, mais en les regardant, j'ai vraiment eu l'impression
de voir une équipe "all-stars" en action et au meilleur de sa forme. À
l'occasion des 10 ans de Prends ça court!, quel état des lieux peut-on
faire en ce qui a trait au monde du court métrage québécois?

Simplement, je trouve qu'au Québec en ce moment, le court métrage est
beaucoup plus intéressant que le long… Ça en dit beaucoup sur la
nouvelle génération de cinéastes qui va défoncer les grands écrans dans
les prochaines années!