RVCQ / Pour l’amour de l’art
À travers les différents films présentés pendant les Rendez-Vous du Cinéma Québécois, on s’éloigne graduellement d’une conception romantique de l’art pour présenter la chose sous un aspect plus brut, pratique, concret, tangible et déchirant.
Si l’oeuvre arrive généralement au public comme le fait accompli de l’artiste, comme sa création naturelle et quasi-spontanée, elle est généralement le fruit de durs labeurs, d’essais et d’erreurs, souvent le résultat d’un dialogue tourmenté avec soi-même pour savoir comment arriver à représenter une idée avec esthétisme et fidélité envers la pulsion artistique originale.
La conception
C’est ce qu’on voit, par exemple, dans La cafardeuse, tandis que l’artiste visuelle canadienne Lyzane Potvin se bat presque avec les toiles qu’elle peint pour une exposition parisienne. Elle en brûle des coins, en couvre une partie de peinture noire, s’en éloigne, la retrouve avec frustration, et vit un rapport visiblement éprouvant avec son travail, qui n’est d’ailleurs pas très statique. Quand l’artiste, relativement névrosée mais baignant avec plaisir dans les complexités et les contradictions propres au monde de l’art, s’aperçoit qu’une de ses oeuvres a été endommagée lors du transport en avion, elle y met la hache, presque littéralement, en poignardant la pièce pour lui donner une seconde vie, au-delà du dommage imprévu causé par le déplacement.
Ce rapport difficile avec l’oeuvre pendant sa création se retrouve également dans L’art et le téléphone ainsi que L’oeuvre des jours, des documentaires qui nous permettent de suivre des artistes dans leur quotidien, qui apportent parfois des réflexions sur l’art mais qui sont souvent plus qu’autrement complètement pris dans une oeuvre incomplète, en pleine ébullition, qui les habite visiblement et qu’ils peinent parfois à concrétiser en manifestation indépendante d’eux-mêmes.
L’accouchement
Et en parlant de manifestations plus ou moins indépendantes des artistes qui les ont conçues, que faire de la vie, sous forme de bébé, quand on est dans un groupe de musique connaissant un succès populaire grâce à un momentum potentiellement impossible à reproduire? Dans Appel à l’anxiété générale, la violoniste Jessica Moss et le chanteur-guitariste Efrim Menuck ont un bébé ensemble tandis qu’ils jouent dans la formation musicale Silver Mount Zion Orchestra. Pire encore, la carrière du père semble grimper, puisqu’il continue de faire des tournées avec Godspeed You! Black Emperor, tandis que, mise à part les tournées accompagnées du bébé, les appels aux contributions musicales de Jessica Moss se font plus rares.
En plus d’aborder les difficultés techniques et anecdotiques d’un bébé en tournée, le film explore également les injustices fondamentales de la reproduction, tandis que différentes musiciennes et artistes se dévoilent sur les difficultés de donner un second souffle à leur carrière créatrice après l’apparition du nouveau-né, tandis que les pères ne semblent pas si incommodés par leur nouvelle situation familiale.
Bref, un film qui montre les difficultés de concilier travail et famille, même quand le travail est si atypique et si souvent idéalisé.
La maturité
Et si on a accès aux difficultés liées à la création et à la conception d’une oeuvre, on a également accès à la beauté d’une oeuvre complète, tandis que les efforts de réalisation et le processus artistiques sont mis à l’arrière-plan pour ne laisser paraître que la beauté. C’est le cas pour Danser à Montréal et Danser à Paris, de la réalisatrice Élisabeth Desbiens.
Des belles chorégraphies de jeunes artistes qui performent dans des lieux symboliques ou inusités de deux villes en dialogue soudain grâce à leur chorégraphie. Des moments envoûtants de beauté et de grâce, sur deux continents, qui nous dévoilent une oeuvre collective raffinée, tendre et belle. L’art, comme résultat de tant d’efforts invisibles.
Pour voir les films
L’art et le téléphone, présenté le 28 février à 14h30 à la Salle Fernand-Séguin de la Cinémathèque québécoise.
L’oeuvre des jours, présenté le 28 février à 13h au Pavillon Judith-Jasmin à l’UQAM.
La cafardeuse, présenté le 26 février à 20h, à la Salle Fernand-Séguin de la Cinémathèque québécoise.
Appel à l’anxiété générale, présenté le 28 février à 19h au Pavillon Judith-Jasmin à l’UQAM.
Danser à Montréal et Danser à Paris, présentés le 28 février à 13h à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise.