Communiqué de presse: «La saison 2011-2012 du TNM, celle du 60e anniversaire: L'École des femmes, HA ha!…, Le Dindon, L'Histoire du Roi Lear et le cycle Des femmes. Des histoires de rencontres entre les artistes d'hier et ceux d'aujourd'hui: Yves Desgagnés / Molière, Dominic Champagne / Réjean Ducharme, Normand Chouinard / Georges Feydeau, Denis Marleau / William Shakespeare, Wajdi Mouawad / Sophocle. Une saison anniversaire qui réunit ceux qui racontent et ceux qui jouent. Plus de cinquante comédiens et comédiennes sur scène dont Carl Béchard, Marc Béland, David Boutin, Anne-Marie Cadieux, Sophie Cadieux, Jean-François Casabonne, Henri Chassé, Violette Chauveau, Pierre Collin, Louison Danis, Sophie Desmarais, Sylvie Drapeau, Rémy Girard, Véronique Le Flaguais, Raymond Legault, Guy Nadon, Danielle Panneton, François Papineau, Gilles Renaud, Evelyne Rompré, Paul Savoie, Linda Sorgini, Emmanuel Schwartz, Marie-Hélène Thibault, Alain Zouvi et Jean-Louis Roux. Info: http://www.tnm.qc.ca/.» Photo de Lorraine Pintal: Yves Renaud.
De l’art de générer d’autres générations
Titre alexandrin pour souligner les 60 ans du TNM qui continue sa marche folle avec ses spectActeurs les plus fous. Et si, derechef, L’école des femmes se voulait l’école du théâtre dans l’amour du renouvellement et de la prime jeunesse jouée en 5 actes, 32 scènes, en douze pieds et en quatre rideaux! Molière n’a jamais paru si près de nous (ne s’était-il pas permis Armande, fille de sa maîtresse Madeleine, et de 19 ans sa cadette!). Pauvre Molière, s’était-il donné le mauvais rôle en incarnant le personnage d’Arnolphe, pygmalion fragile, émotif, susceptible, impatient, timoré, strict et pugnace?
À en juger par la prestation époustouflante de Guy Nadon, diantre non!
Qui d’autre que Guy Nadon, l’athlète du verbe et du geste aux pieds nus? Son interprétation titanesque rappelle Atlas : à lui seul il soulève le rideau, le contourne, le pénètre, s’y dissimule, s’en revêt, s’en emprisonne, le franchit et l’affranchit confondu en de La Souche qui croyait prolonger ses racines, ne sachant pas « l’amour l’art d’aiguiser les esprits » et les rendre plus subtils qu’il n’y paraît. Car bien malin celui qui prenait pour acquise la niaise du couvent? Il a plutôt remporté l’insoutenable gageure de marier cynisme et naïveté. Autant lui pour elle, qu’elle pour l’autre.
Qui d’autre qu’à Yves Desgagnés le TNM aurait-il pu confier cette célébration débridée? Jamais le public n’a été aussi près des acteurs, physiquement et intellectuellement. En ce sens, notre metteur en scène est en verve et s’éclate en intelligence et en dérèglements. En visionnaire, il procède à un zoom avant efficace, lumineux de vérité et tordant. Rien ne lui échappe : même le livre de maximes, même la lune (et plane l’ombre de Cyrano…). Il s’ingénue aussi à faire lire une lettre d’amour à double voix; à percer le mur de l’isolement d’Agnès; à créer l’illusion, à partir de tentures, d’une promenade à l’extérieur du château et d’une conversation dans un parc; à répéter les trois coups d’abîme. Et ces rideaux écarlates! Tous ces fins artifices sans recourir à la fine technologie. Le rituel théâtral dans sa plus pure expression montrant que Molière ne cesse d’être le fidèle miroir de notre bêtise calfeutrée.
À la sortie du TNM, perceptible est cette fierté sur des visages rayonnants. De l’art en barre. Succulent! La saison s’annonce trépidante (Madame Pintal, n’oubliez pas l’âge de votre théâtre). Qu’on se le dise et merdre! «Oh!»