L'art de la quarantaine
Scène

L’art de la quarantaine

…ou la quarantaine dans l’art. On vous a rassemblé les meilleurs huis clos de la littérature, du théâtre et du cinéma.

Dans les circonstances actuelles, parler d’art semble loin dans l’ordre des priorités. Pourtant, en temps de crise, l’art est plus que jamais d’actualité et nécessaire. On y trouve refuge tout naturellement… En plein confinement, on voit des Italiens chanter en chœur depuis leurs balcons ou des illustrateurs mettre la situation en couleurs, tandis que les lecteurs se replongent dans la prose de Camus ou des romans d’anticipation.

Tous à la maison. Confinés, isolés et en quarantaine, d’aucuns pourraient voir un talent émerger tandis qu’ils profitent de ce temps retrouvé pour écrire, composer ou dessiner. On devrait s’attendre à assister à une éclosion de projets culturels dans les prochains mois et années, à l’image d’un baby-boom artistique.

On peut s’imaginer quelques œuvres à venir comme: Le grand confinement, BD utopique qui raconte qu’après des mois d’isolement forcé les citoyens décident de bannir tous les réseaux sociaux pour s’adonner à une société de contact authentique et de relations en personne. L’amour en masque, doux roman à l’eau de rose sur deux étudiants cloîtrés chez eux, qui s’aiment pas trop au début, mais finissent par tomber en amour pendant la crise sanitaire. Ou encore Moi et les autres, film français où le protagoniste, un adolescent en quarantaine chez ses parents, souffre en silence lors des repas encore plus longs qu’avant.

Le confinement mène à l’introspection, à la créativité, au temps de cerveau disponible… le terreau parfait pour faire pousser de l’art. Outre la disponibilité, la réclusion sociale va sans doute s’avérer être une excellente source d’inspiration artistique. Quels fabuleux huis clos familiaux nous ont déjà donnés le théâtre, le cinéma ou la littérature! En voici un florilège, à ajouter sur votre liste de quarantaine:

Littérature

Dix petits nègres d’Agatha Christie

Le plus célèbre roman policier de l’auteure britannique met en scène dix personnages qui ne se connaissent pas, tous invités sur une île pour une fin de semaine. À mesure qu’ils sont assassinés un par un, au fil des couplets d’une comptine, l’étau se resserre autour du meurtrier… Le Crime de l’Orient-Express ou Mort sur le Nil, deux autres huis clos de la même auteure, valent aussi la lecture.

Misery de Stephen King

Victime d’un accident de voiture, un écrivain célèbre est sauvé par une infirmière qui le ramène chez elle pour le soigner. Elle est une de ses admiratrices – et souffre aussi de troubles mentaux. Découvrant qu’il a tué son personnage préféré dans le dernier opus de sa série de romans, elle le séquestre pour qu’il réécrive le livre. L’écrivain, dont les deux jambes ont été cassées dans l’accident, est à la merci de l’infirmière.

Le Patient anglais de Michel Ondaatje

On est vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un monastère italien abandonné. Hanna, jeune infirmière canadienne, est restée pour prendre soin d’un parachutiste grièvement brûlé. Un ami de son père, membre du service de renseignement britannique, et un Sikh spécialisé dans le désamorçage de bombe les rejoignent dans ce huis clos, où la douceur du quotidien se mêle aux souvenirs de guerre.

Plan de table de Maggie Shipstead

Ce premier roman de la jeune auteure américaine met en scène une famille de l’upper-class sur le point de marier sa fille aînée. L’île, la maison à l’intérieur de l’île, la famille à l’intérieur de la maison… Au fil de la fin de semaine, les caractères se dessinent, les relations se compliquent, les crises affleurent. Dans ce roman, qui dessine le portrait de la bourgeoisie wasp, la plume est vive et le ton grinçant.

Théâtre

Huis clos de Jean-Paul Sartre

C’est au sujet de cette pièce que l’auteur français eut sa fameuse phrase «L’enfer, c’est les autres». Dans ce huis clos en un acte se retrouvent trois personnages issus de milieux très différents, mais avec un point en commun: celui d’être mort. Chacun voit alors sa vie et ses actions jugés par les deux autres. Dans cet enfer où ils sont eux-mêmes bourreaux, il s’agit de débattre pour justifier ses actes, en vain.

Le Chemin des passes-dangereuses de Michel-Marc Bouchard

Cette «tragédie routière» est un classique du théâtre québécois. On y suit trois frères très différents qui attendent ensemble au bord d’une route après un accident de voiture. Le dialogue s’oriente vers les confidences, les souvenirs d’enfance, les reproches… Enfin, on aborde l’éléphant dans la pièce: la mort du père, poète et alcoolique, survenue quinze ans auparavant – et à cet endroit même.

Le Visiteur d’Eric-Emmanuel Schmitt

Une nuit, à Vienne, Sigmund Freud reçoit la visite d’un homme élégant, qui ne décline pas son identité. Au fil de leur discussion, il se rend compte que cet homme connaît tout de lui… Dans le contexte de l’Autriche sous le régime nazi, Schmitt place le psychanalyste athée face à la figure de Dieu, pour discuter de foi – un sujet qui lui est cher. Un huis clos autour d’un dialogue à deux voix.

August: Osage County de Tracy Letts

L’histoire – qui a valu à son auteur un Pulitzer -, c’est celle de trois sœurs qui se réunissent chez leur mère malade après avoir appris la disparition du paternel. Une comédie noire où l’on rit tout autant qu’on se tend de malaise devant la dynamique étrange de la famille. Si la tension autour de la disparition est bien là, elle se mêle à la vie quotidienne, dans cette grande maison qui étouffe sous les secrets et la chaleur d’août en Oklahoma.

Cinéma

Festen de Thomas Vinterberg

Sur le thème du repas de famille, ce film danois met en scène un père qui réunit ses enfants et son père pour fêter ses 60 ans. Pendant le repas, son fils révèle un secret de famille assez lourd… Un beau huis clos dans lequel sont parsemées de nombreuses références, dont Œdipe ou la malédiction familiale, et qui s’est valu le Prix du jury à Cannes en 1998.

Cube de Vincenzo Natali

Ici, le huis clos prend place dans un immense cube rempli d’autres cubes à six faces qui forment autant de pièces, chacune de couleur différente… et chacune mortellement piégée. Six individus se réveillent à l’intérieur du cube, inconnus les uns des autres, sans aucune idée de la manière dont ils ont pu se retrouver là. Maintenant, en plus d’essayer de comprendre, il faut essayer de sortir.

Huit Femmes de François Ozon

C’est Noël dans la campagne française, et on se réunit dans la maison de famille. Mais, horreur, le père est assassiné. Ne reste dans la maison que huit femmes, des trois générations de la famille aux servantes. L’une est la coupable. Téléphone coupé, voiture qui ne démarre plus: il ne reste qu’à attendre. Ozon fait de cette pièce une comédie musicale vintage, où chaque femme montre son vrai visage.

Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock

Du grand Hitchcock, peut-être même un de ses meilleurs films. Avec James Stewart et Grace Kelly comme acteurs principaux, Fenêtre sur cour suit un photographe coincé dans son fauteuil roulant après un accident. Pour passer le temps, il espionne aux jumelles ses voisins par la fenêtre de son immeuble new-yorkais. Et l’un d’eux a un comportement particulièrement étrange…