L'illustratrice Gabrielle Laïla Tittley organise un premier festival musical caritatif : La générosité passe à travers le linge
Arts visuels

L’illustratrice Gabrielle Laïla Tittley organise un premier festival musical caritatif : La générosité passe à travers le linge

La dernière fois que nous avons jasé avec Gabrielle Laïla Tittley, celle-ci préparait une nouvelle exposition tout en développement ses talents d’entrepreneure. Des mois plus tard, l’illustratrice va encore plus loin et lance la première édition d’un happening combinant musique et arts visuels. Mieux encore, L’amour passe à travers le linge  – parce que c’est le nom de l’événement – est également accompagné d’une compilation de musique dont la vente financera en partie les activités d’Anorexie et boulimie Québec (ANEB).

Première question pour se réchauffer : comment l’idée de cet évènement t’es venue? Ça a été quoi «l’étincelle» qui a déclenché le tout, disons?

C’est définitivement une étincelle, en effet! Ce n’est pas rare que je laisse des épiphanies guider mes décisions ou encore ma vie. Je suis dépendante à la musique. En travaillant, en marchant; en tout temps, vraiment! J’en consomme beaucoup et ce serait de mentir que de dire que ce n’est pas mon inspiration première. ex aequo avec les gars et l’amour, mettons. Du plus loin que je puisse me souvenir, ma première passion a toujours été la musique. Je n’ai jamais refusé un contrat en collaboration avec des musiciens qui m’interpellaient, parce que, pour moi, c’est naturel. Les mots, les émotions transmises. Ça rend la job facile et, surtout, fun. C’est ce que je préfère, en fait, et j’ai toujours essayé de trouver une façon de créer un évènement qui combinerait harmonieusement mes deux passions; l’art visuel et la musique.

Abordons tout d’abord l’aspect musical : comment as-tu sélectionné les artistes qui participent à ton événement? Ils ont acceptés pour la cause? pour toi? pour le fun de jouer?

hotchicken
Gabrielle Laïla Tittley : «Celle du hot chicken, c’est inspiré de paroles de Groovy Aardvark. « Des toasts, des toasts, veux-tu ben m’dire c’que ça fait dans sauce? » Meilleures paroles du monde! C’est Vincent Peake qui a le t-shirt maintenant.»

Pour les artistes qui ont prêté les chansons à la compilation, c’est simplement moi qui ai fait un top 10 de chansons et de bands qui m’ont marqué lors de cette dernière année. J’ai tenté ma chance, j’ai écrit aux musiciens et aux labels puis heureusement neuf groupes sur dix ont accepté de participer. Pour ce qui est des performances le 21 novembre, j’ai sélectionné trois groupes de genre différents que j’adore sincèrement et, par chance, les trois ont acceptés. J’adore mixer des genres musicaux. Ça mélange les «crowds» et ça permet aux gens de faire des découvertes.

Pourquoi avoir opté pour le t-shirt comme canevas? L’aspect «concert rock» de celui-ci? 

En ce qui concerne l’aspect visuel de l’évènement, je n’ai jamais senti de sentiment d’appartenance au monde traditionnel des arts visuels, notamment la peinture. Je connais des peintres extrêmement ouverts d’esprit et fabuleux, mais je trouve que ça peut être parfois un monde très intimidant pour tous ceux qui n’ont aucun lien dans cet univers. C’est pour cette raison que j’ai toujours essayé de trouver une façon de rendre cette culture le plus accessible possible, pour que les gens puissent en prendre conscience et s’en nourrir. J’aime présenter mes peintures et dessins dans des cadres plus «casual» et garder  mes prix abordables. J’ai décidé d’utiliser le t-shirt, cette fois-ci, parce que c’est mon trip depuis un an de dessiner  sur  des t-shirts. Je trouve que le résultat est superbe et l’action, comme telle, est quasi méditative. Il n’y a aucune place à l’erreur. Quand tu dessines sur du tissu, tu ne peux pas effacer.   Un faux mouvement et le t-shirt est gâché. C’est la technique la plus difficile que j’ai essayée à présent, mais c’est un beau défi. Et, deuxièmement, parce qu’un t-shirt comme canevas n’est tout simplement pas intimidant et, surtout, c’est accessible à tous. Un «win-win situation», comme on dit.

Tu t’es inspirée de chansons pour réaliser ses œuvres. Qu’est-ce qui t’interpelait dans ces chansons-là? Ce que ça brasse en toi? Les images suscitées par les paroles?

Je suis une grosse fan de paroles. J’aime les analyser et imaginer des inspirations possibles pour leur existence. L’émotion, la voix les mots qui ensemble, peignent des images fabuleuses dans mon imaginaire. L’idée, c’était de transposer ces images sur les t-shirts pour l’exposition.

Question quiz : Quelle chanson s’est avérée être le plus gros défi à mettre en image?

Je dois dire Bamboula. Parce que j’estime tellement cette chanson que je considère un hit monumental. Je voulais vraiment que le dessin soit à la hauteur de l’amour que j’ai pour la toune.

L'llustration de Gabrielle Laïla Tittley pour Bamboula des Trois Accords.
L’llustration de Gabrielle Laïla Tittley pour Bamboula des Trois Accords.

Une autre question quiz : quelle chanson t’a donné l’œuvre la plus inattendue compte tenu des paroles?

Les deux chansons de rap sur l’album ont été les plus difficiles à faire. Parce que, des mots, il y en a dans une toune d’Alaclair Ensemble! Il y a tellement de sujets abordées, tellement de phrases bien formulées et inspirantes. C’était dur de choisir. Je ne savais pas exactement ce qui allait se ramasser sur ces t-shirts-là.

Question technique : les oeuvres seront en vente? Sous forme de t-shirts? D’affiches? Uniquement au Gymnase ou  en ligne aussi?

Les oeuvres originales ainsi que des reproductions de ceux-ci seront à vendre le soir de l’évènement, au Gymnase. Des affiches des 10 dessins seront également en vente. Ils seront par la suite disponibles en ligne sur mon site web qui se construit au moment même que je réponds à ce questionnaire.

Ton évènement est aussi caritatif. Peux-tu me donner plus de détails sur l’organisme? Pourquoi avoir opté pour celui-ci?

L’image corporelle est presque une obsession dans notre société. La preuve : à toute époque, 70 % des femmes et 35 % des hommes sont au régime. Plus inquiétants sont les résultats d’une enquête menée par Statistique Canada en1993. Celle-ci révéla qu’entre 1 et 2 % des femmes âgées de 15 à 25 ans sont anorexiques et entre 3 et 5 % sont boulimiques. Le taux de mortalité associé aux troubles de l’alimentation est plus élevé que celui de toute autre maladie mentale, alors qu’entre 10 et 20 % y succombent tôt ou tard en raison de complications.

L’existence de l’ANEB est très importante, car cet organisme offre des services gratuits aux gens souffrants de troubles alimentaires. Je suis constamment surprise à quel point il y a des gens autour de moi qui sont affectés par ce trouble psychologique grave, et rare sont ceux qui en parle. L’avoir vécu moi-même pendant huit longues années, je sais qu’en moments de détresse c’est absolument nécessaire de pouvoir communiquer avec quelqu’un qui comprend ta réalité. C’est vraiment complexe comme maladie, et c’est important que des professionnels qualifiés soient disponibles pour offrir des services individuels, des thérapies de groupes et des services de lignes d’écoute en tout temps.

Étant donné que c’est un organisme à but non lucratif, les dons sont importants pour que l’ANEB puisse continuer à offrir ses services.

La dernière fois qu’on s’est jasé, tu suivais une formation pour mieux établir ton entreprise. Comment ça va? C’est terminé? Comment va la «business», genre? 

J’ai suivi les cours de gestion d’entreprise en vue d’être certaine de pouvoir m’assurer un futur «indépendant». Après tant d’années de vie hantée par les troubles alimentaires, j’ai décidé que, pour le temps qu’il me reste sur Terre, je choisis de le vivre à ma manière. Après tant d’années de manque de confiance extrême, je crois enfin en mes capacités, et j’espère demeurer autonome le plus longtemps possible. Comme je ne suis pas née ultime cartésienne, j’ai donc pris des cours d’organisation, de droit et de comptabilité pour m’assurer un futur artistique logiquement possible. Et effectivement, je me sens – suite à cette formation – bien plus apte à gérer ma charge de travail ainsi que mes projets divers. Ça me permet de créer la tête légère, c’est le meilleur des mondes!

Puis, la finale classique : qu’est-ce qui s’en vient pour toi outre L’amour passe à travers le linge?

En fait l’évènement L’amour passe à travers le linge va se répéter annuellement. La prochaine édition va se dérouler ainsi : 10 chansons par 10 artistes. De plus, il  y aura surement une édition biannuelle, en collaboration avec des artistes amateurs qui ont des déficiences physiques et/ou physiologiques qui seront accompagnés dans leur démarche. Une sorte d’exposition d’art thérapie! C’est un projet plus compliqué à organiser, mais ce serait un rêve d’accomplir une soirée du genre. Ce serait magnifique de donner la chance à des gens qui n’auraient jamais imaginé pouvoir faire partie d’une exposition collective et avoir la chance d’être accompagnés et guidés par des artistes professionnels ou semi-professionnels. Je croise mes doigts pour que cette idée voit le jour en 2014.

L’amour passe à travers le linge se tiendra le jeudi 21 novembre au Gymnase (4177 Saint-Denis, Montréal). En plus de l’exposition (qui se tiendra dès 20h), on aura droit à des prestations du Monde dans le feu, Crabe et Alaclair Ensemble.