Roger Ballen : Immortaliser la marginalité (NSFW)
Arts visuels

Roger Ballen : Immortaliser la marginalité (NSFW)

Les mentions telles que « l’un des photographes les plus influents du 21e siècle » sont souvent galvaudées de tous côtés jusqu’à en perdre tout sens réel. Comment définit-on vraiment un artiste comme influent? Est-ce une question de technique, de traitement, de sujet? C’est une étiquette tout ce qu’il y a de plus vague, et dont le sens varie en fonction de l’individu l’employant. À mon sens, toutefois, l’influence d’une oeuvre passe par les émotions pures qu’elle feront vivre au public large. Lorsqu’on parvient à ne laisser personne indifférent à travers une création, on atteint une forme d’universalité de laquelle découle invariablement une certaine influence pour les artistes qui viendront ensuite.

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Lorsque l’on s’attarde plus d’une minute sur les photographies de Roger Ballen, il est absolument impossible de rester de glace. Ce photographe sud-africain oeuvre depuis plus de cinquante ans avec de la pellicule en noir et blanc, documentant les tréfonds de la misère humaine et de la marginalité assumée. Parcourant des zones délaissées par les autorités, particulièrement l’Outland, zone peuplée de gens reclus ne pouvant exister que dans les marges d’une société organisée, il rencontre et immortalise certains des humains les plus loins de la norme que quiconque ait jamais eu la chance de voir. Déformations physiques, actes de violence intenses, regards nous transperçant à travers l’écran, chacune de ses photographies sont troublantes et ébranlent les plus endurcis.

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L’utilisation de la pellicule monochrome vient évidemment rajouter à l’ambiance extrêmement trash de ses oeuvres, laissant toute la place aux contrastes et aux détails pour captiver l’oeil, mais les sujets y sont forcément pour beaucoup. C’est une recherche artistique très poussée qui réussit à élever ces images au-dessus du simple freakshow, qui serait la voie la plus facile à emprunter. Ballen prend réellement le temps d’apprendre à connaître ses sujets, construit des relations de confiance avec ceux-ci, ce qui est essentiel pour pouvoir créer des oeuvres qui dépassent l’entendement. Il a également collaboré avec le groupe Die Antwoord pour la réalisation du vidéoclip pour I FINK U FREEKY, où son style distinctif prend un tout autre niveau d’intensité.

Plus récemment, le réalisateur Ben Jay Crossman a décidé de faire un mini-documentaire sur l’Outland, vu par Roger Ballen. Le photographe lui a donc donné le contact de certains de ses sujets les plus particuliers. La caméra de Crossman nous guide dans un univers très sombre, où semble régner une noirceur et une saleté constantes et étouffantes. Cette vidéo n’est pas facile à regarder, je préfère vous en prévenir. Mais c’est un passage fascinant dans un univers complètement intangible et inatteignable pour le commun des mortels occidentaux.

Vous pouvez en découvrir plus sur Roger Ballen en visitant son site web.