PONY : Foncer sans repères
Avec des créations alliant ses expériences personnelles à la culture populaire, l’artiste visuelle Pony s’est taillé une place importante dans le paysage culturel montréalais au cours des dernières années. Elle présentera une toute première installation au Centre Phi dès ce samedi.
Titrant son exposition No Role Models, PONY aka Gabrielle Laïla-Tittley a décidé d’y explorer un genre de retour à une naïveté que l’on ne retrouve que trop peu un coup l’enfance passée. C’est sur ces bases que l’artiste se lance, pour la première fois, dans la création d’une installation.
«C’est incroyablement stressant! J’ai plus le temps de vivre, je suis dans le jus 24 heures sur 24. Mais c’était quand même important pour moi de faire quelque chose de différent. Comme artiste, ma plus grande peur ça a toujours été de stagner. Tu sais, après un certain moment, les gens t’associent à un truc en particulier, pis tu peux tomber dans la facilité pis juste continuer de toujours faire ce qui est attendu de toi. Mais là, quand j’ai eu l’opportunité de faire quelque chose au Centre Phi, j’ai décidé que ce serait plus que d’exposer comme je l’ai fait déjà.»
C’est un point d’une importance capitale pour Tittley. Effectivement, peu importe ce qui lui est offert ou demandé, elle essaiera toujours de dépasser les attentes. Mais pas simplement celles des autres, au contraire : «C’est sûr que c’est toujours le fun de savoir que ce qu’on fait plaît à d’autres gens, mais honnêtement je m’en calice un peu. Personnellement, c’est toujours mes propres objectifs que je veux dépasser, c’est moi que je cherche à impressionner. Pas les autres.»
Mais ce dépassement de soi vient avec une portion inévitable de laisser-aller. Il faut savoir admettre que l’on se donne à fond mais sans tout contrôler. De son propre aveu, l’artiste avance parfois sans savoir précisément où elle atterrira, mais finit toujours par trouver la destination un coup le chemin entamé. «Je sais pas ce que je fais (rires)! Non mais c’est vrai, qui est-ce qui sait vraiment ce qu’il fait, hein? Je marchais dans la rue pis je regardais le monde… sont tellement sharp ici, tellement beaux (elle demeure dans le Vieux-Port)… mais au fond, ils ont tous l’air de grands enfants. On sait tous tellement peu de choses sur qui on est, où on s’en va. On est tous un peu n’importe quoi, au fond. Mais après, si tu prends en main ce que tu fais et que tu essaies de l’amener le plus loin que tu peux, c’est là que ça prend un peu plus de sens.»
Lorsque questionnée sur la thématique de l’exposition, elle mentionne que celle-ci lui est venue d’elle-même, comme une extension naturelle de son oeuvre. «Il y a bien des gens qui partent d’un concept, pis qui créent dans cette direction-là. Moi je te dirais que je suis plutôt menée par mon subconscient, par mon instinct. Je m’intéresse à la manière dont ma pensée a évolué pendant les années… Et ensuite, je crée en partant de ces réflexions-là. Disons que c’est assez complémentaire d’étendre cette réflexion-là à mon enfance, qui ne m’a jamais semblé normale.»
Selon elle, c’est seulement maintenant qu’elle peut finalement vivre son enfance à plein. Ayant vécu des jeunes années dénuées de l’émerveillement et de la naïveté habituels communs aux enfants, elle ne s’est jamais réellement sentie concernée par ce que l’on associe habituellement aux comportements des enfants. « J’avais une phobie de l’infini, j’étais bien trop consciente de ma fatalité inévitable, bien trop fucking jeune. Ce n’était pas un environnement optimal pour se sentir comme bercée par la légèreté de l’enfance. On dirait qu’aujourd’hui, après avoir passé par plein d’années de lourdeur, de dépendances, de troubles alimentaires, de tristesse, j’ai atteint dans les deux dernières années cet état de légèreté qui ne m’a jamais été possible.»
Se rapprochant enfin de l’idée qu’elle a de ce qu’est d’être enfant, elle revisite donc pour No Role Models divers symboles forts reliés à la jeunesse. De Sesame Street aux Teletubbies en passant par Toy Story, tout passe dans le tordeur bien particulier de PONY. «C’est que j’ai envie de replonger dans une époque où ces émissions-là existaient. On les a tous vécues d’une façon ou d’une autre, mais moi je sens enfin que je peux décrire comment je me sentais en voyant ces personnages-là. Y’en a beaucoup, et ils seront très distortionnés. Il y a un peu de violence… c’est un peu sale. C’est parce que c’était ça, pour moi, à ce moment-là de ma vie. Mais c’est pas lourd ou négatif : y’a aussi de l’espoir, au final, au travers de tout ça.»
No role Models sera présenté au centre phi du 4 au 9 mars