L'écrivain afghan Atiq Rahimi a reçu, le 10 novembre à Paris, le prestigieux prix Goncourt. Il est récompensé pour son tout premier roman écrit directement en français, Syngué sabour (P.O.L.). Ses lecteurs montréalais devraient pouvoir le féliciter de vive voix, Atiq Rahimi ayant récemment confirmé sa présence au Salon du livre de montréal, qui débute le 19 novembre.
Le Renaudot a pour sa part été décerné à Tierno Monénembo, après que le jury ait eu beaucoup de mal à trancher, paraît-il, entre son roman Le roi de Kahel (Seuil) et celui d'Elie Wiesel, Le cas Sonderberg (Grasset).
Ne connaissant pas cet écrivain, je me suis un peu fait prendre par le « premier roman » . Le « directement en français » prenant toute son importance ici puisque il en est à son quatrième, m’a-t-on gentiment laissé savoir sur mon blogue.
Je dois avouer que le Goncourt pour une première oeuvre, cela avait quelque chose de surprenant.
Je me permets de signaler ma surprise devant le fait que très peu de commentaires (en fait je n’ai pu en lire aucun) se soient retrouvés sur Voir.ca en lien avec le Goncourt 2008. Prix décerné à l’écrivain afghan Atiq Rahimi.
Cette toute petite plaquette d’à peine 150 pages (un opuscule) met en scène, comme s’il s’agissait d’une pièce de théâtre, deux personnages: une femme sans nom et son mari sans nom, celui que sa famille surnommera le héros. Il est dans le coma. Elle le veille. Jour et nuit. S’occupe de lui instiller des gouttes de collyre dans les yeux. Vérifie la perfusion. Lui, il souffle plus qu’il ne respire. Toujours au même rythme. Cela marquera le temps. L’espace, c’est les rideaux que le vent ou l’explosion des bombes feront bouger.
Et elle lui parlera. D’elle, de lui, de la famille. De ses misères, ses souffrances. Comme cette pierre de patience à qui les musulmans s’adressent lorsqu’ils vont à La Mecque et autour de laquelle ils tournent et tournent encore. Lorsqu’elle éclatera, tout disparaîtra avec elle. C’est ce qu’il deviendra, sa syngué sabour, lui cet homme inerte, entièrement à la merci de cette femme qui se rend compte à quel point la parole libère.
Roman magnifique par le dépouillé extrême dans lequel le lecteur se retrouve dû à son style haletant, percutant, tout en courtes phrases disant les gestes mécaniques et symboliques d’une femme qui, malgré et pour elle, continue à s’imposer près de son homme de pierre.
Ce destin sur fond de guerre, de religion prégnante, de révolution intégriste, ce destin pourrait fort bien être celui de plusieurs femmes sur la terre. C’est d’ailleurs à elles aussi que Atiq Rahimi dédie ce superbe roman.
Je suis triste que l’on en parle si peu me disant que peut-être cela signifie qu’il soit ou déjà oublié ou peu lu. On ne peut passer à côté de ce roman qui nous interpelle par sa grande simplicité, sa profonde humanité et surtout son éclatante vérité. Personnellement, il m’a mis sur la piste de ce romancier et de ses deux premiers ouvrages: TERRE ET CENDRES, et LES MILLE MAISONS DU RÊVE ET DE LA TERREUR.