Québec en toutes lettres: les suggestions lecture de Lori Saint-Martin, spécialiste incontestée de Gabrielle Roy
À l’aube du Jour 1 de la quatrième édition de Québec en toutes lettres, l’équipe de VOIR Québec a eu envie d’inviter l’écrivaine Lori Saint-Martin pour parler de Gabrielle Roy. Pierre angulaire du festival littéraire cet automne, l’auteure mythique – et féministe avant l’heure – a marquée Miss Saint-Martin au fer rouge. Une artiste dont elle est directement héritière, qui semble s’être réincarnée à travers sa plume.
Votre livre préféré de Gabrielle Roy
« Je n’aime pas choisir, mais puisqu’il le faut, je tricherai et nommerai deux titres un peu moins connus. La Petite Poule d’eau, son deuxième roman après le succès international de Bonheur d’occasion, met en scène une mère de famille qui, de son île isolée du fin fond du nord manitobain, entreprend de faire venir des instituteurs pour ses nombreux enfants, avec des conséquences surprenantes. C’est fin, drôle, touchant et subtil. Ou encore Un jardin au bout du monde, surtout la nouvelle qui lui a donné son titre, sur une vieille immigrante qui, contre le vent et le passage du temps, entreprend de faire fleurir un magnifique jardin. Un hommage à la création. »
Un livre pour découvrir Gabrielle Roy
« On peut lire les diverses correspondances de Gabrielle Roy avec son mari, sa sœur Bernadette ou ses amies (tous réunis aux Éditions du Boréal), ses « Rencontres et entretiens » chez le même éditeur, la biographie publiée par François Ricard et le livre collectif Gabrielle Roy et l’art du roman. Ou encore, si on veut découvrir les inédits féministes réellement étonnants de l’auteure, mon essai La voyageuse et la prisonnière. Gabrielle Roy et la question des femmes. »
Un auteur à lire si vous avez passé à travers toute l’œuvre de Gabrielle Roy
« Personne ne ressemble vraiment à Gabrielle Roy. Mais on peut rester encore un peu auprès d’elle en lisant La tournée d’automne de Jacques Poulin, où un homme qui se rend sur la côte Nord en bibliobus pense à elle parmi les auteurs qu’il aime d’amour; Maryse, de Francine Noël, un excellent roman d’apprentissage dont la protagoniste s’identifie à Florentine, le personnage de Bonheur d’occasion, et à son amour éperdu—et aliénant—pour Jean Lévesque; Un ange cornu avec des ailes de tôle, de Michel Tremblay, où il raconte comment la lecture de Bonheur d’occasion, lorsqu’il était jeune, lui a fait comprendre qu’on pouvait écrire de grands romans sur les gens ordinaires d’ici. »
Une jeune voix de la littérature féminine dont Gabrielle Roy serait fière
« Comme Gabrielle Roy a beaucoup écrit, et très tôt, sur les nouveaux arrivants au Canada et sur les Inuit du grand Nord québécois (elle était une pionnière de ce qu’on allait appeler plus tard « l’interculturel »), elle aurait sans doute été réceptive aux voix de femmes (jeunes ou moins jeunes) venues d’ailleurs, comme Ying Chen, Marie-Célie Agnant, Kim Thúy ou encore Naomi Fontaine, qui est Innue. Sinon, les femmes qui, comme elle, ont écrit sur leur mère, de Francine Noël encore à des jeunes qui vont souvent plus loin dans la violence et le rejet. »
Un événement à ne pas manquer au festival Québec en toutes lettres cette année
« Bien sûr, la projection du beau film « Le vieillard et l’enfant » suivie de la table ronde avec François Ricard et moi-même! Sinon, « L’éloge de Gabrielle Roy » par la poète Hélène Dorion, le documentaire de Léa Pool sur Gabrielle Roy, les autres films à partir de livres de femmes (Les Hauts de Hurlevent, L’accompagnatrice, La pianiste…) ou encore la lecture-spectacle « Tout comme Gabrielle », avec des écrivaines de Québec. La programmation est très riche et tout le monde y trouvera son compte. »
Québec en toutes lettres
Du 10 au 20 octobre
Pour toute la programmation: www.quebecentouteslettres.com
Je viens tout juste de terminer la lecture de Bonheur d’occasion. Le livre est vraiment intéressant alors que le film présenté dans sa version longue par Vidéotron (Éléphant) me semblait un peu trop déprimant, suite à l’insistance des personnages sur la pauvreté. Tous semblent faire «leur gros possible» dans une société où tous semblent «être nés pour un petit pain». C’est terrible de constater, qu’à cette époque (années 30), le filet social n’existait qu’à un niveau embryonnaire (secours direct) et que s’enrôler était comme une planche de salut pour que ces familles s’en sortent.
Comme j’ai lu ce roman il y a 60 ans, je dois avouer que Gabrielle Roy nous révélait avec stupéfaction ce que nous étions vraiment : un peuple laissé à nous-mêmes. C’était le premier auteur à parler de notre sort. En complément, il faudra lire le nouveau roman de Robert W. Brisebois, On dirait que je vous ai manqué, qui couvre les années 1930. Il montre, semble-t-il, l’empathie de Camilien Houde envers les pauvres. Il les invitait à manger à sa table, rue Saint-Hubert, coin Mont-Royal. Sa femme serait l’inventrice du célèbre pouding chômeur. Disait-elle, » il faut bien se sucrer le bec même si la pauvreté frappe à la porte « . La pauvreté était plus évidente à Montréal. Moi, qui suis de la campagne, je la sentais moins. Ma famille était directement connectée sur le pie des vaches. Mais nous étions quand même soumis au rationnement après la guerre pour les autres produits. Et nous dépensions pas nos bons à la légère. Pour vivre décemment, il fallait être cultivateur ou soldat.