Réglons la question tout de go. Non, Woody Allen n'est pas un bon clarinettiste. Confiné dans un registre aigu, il s'aventure que très rarement dans les basses. Il manque de souffle, incapable de tenir une note plus d'une mesure. Son jeu est erratique, sans raffinement. Malgré qu'il puisse extirper quelques mélodies de son instrument, on a peine à croire que le New-yorkais pratique chaque jour depuis des lustres.
À sa défense, Woody Allen ne s'est jamais vanté d'être un virtuose. Bien au contraire, il se décrit comme un musicien médiocre dans une récente entrevue accordée à Voir. Nous le croyions humble, il n'est que réaliste.
Réaliste, mais futé. En choisissant le jazz de la Nouvelle-Orélans des années 20 comme style de prédilection, le cinéaste et son groupe se sont assurés d'une chose: divertir malgré une technique déficiente. Dynamique et enjouée, cette branche du jazz a fait oublier à des générations d'afro-américains toute la grisaille de leurs conditions de vie. Il y a quelque chose de touchant dans cette musique, d'égayant, de rassembleur. C'est pourquoi le public de la Salle Wilfrid-Pelletier s'est levé hier après deux heures de musique pour acclamer Monsieur Allen et ses amis. Parce qu'il avait passé du bon temps. Let's the good time roll comme disent les Louisianais.
Au fond, permettez-moi la comparaison même si le second a fait carrière en musique, on assiste à un concert de Woody Allen pour les mêmes raisons qu'on va voir Bod Dylan en 2008: pour passer deux heures en compagnie d'un mythe, pour respirer le même air que lui, en même temps, dans la même salle. Les deux hommes ne donnent pas de très bonnes prestations. Ça non. Mais les voir à quelques mètres de soi, avant que la Faucheuse ne les emporte, suffit à enivrer le spectateur. À condition, bien sûr, qu'il soit un véritable fan de l'artiste, pré requis minimal pour apprécier Woody Allen, le clarinettiste.