Musique

Francos: Pierre Lapointe donne des frissons

crédit: Jean-François Leblanc pour Les FrancoFoliesPierre Lapointe nous a fait frissonner hier lors de la première de son spectacle Mutantès monté spécialement pour les 20 ans des FrancoFolies. Un exploit considérant qu'on s'était assis dans la Salle Wilfrid-Pelletier sans connaître à l'avance les pièces jouées, à l'exception des versions remaniées de Tel un seul homme et de Deux par deux rassemblés chantée a cappella avec un chœur de 13 danseurs-choristes.

Mutantès ne pêche pas par excès. Épuré, le spectacle ne tombe jamais dans le tape à l'œil d'un opéra rock. Dispersés sur une scène en angle aux pointes affutées, les danseurs dirigés par le chorégraphe Frédéric Gravel sont utilisés avec parcimonie. Absents sur quelques pièces, présents uniquement lorsque justifié et vêtus de simples lambeaux, ils permettent au chanteur de rendre avec justesse la ligne directrice de Mutantès: jouer sur les émotions pures, du plaisir éternel trouvé chez l'être cher à l'inévitable chute qui vous trainera aux enfers.

De par l'ordre des chansons et leur texte poétique, mais toujours compréhensible, un sentiment d'appartenance nait entre Pierre Lapointe et ses danseurs. L'adversité et l'incompréhension opprimante d'un peuple les rendent plus forts, le rêve et l'amour leur permettent de survivre. Ça pourrait être l'histoire de juifs dans un camp de concentration, d'artistes brésiliens à l'origine du mouvement tropicalia ou de gays persécutés au tournant des années 80. Ici, se sont des mutants pris entre les hommes, un concept efficace, même si la classique monstruosité du mutant ne soit jamais évoquée. Seule la différence importe.

Contrairement aux compositions du spectacle qui doivent bien plus aux courants rock, classique, pop et progressif qu'à la musique électronique, les éclairages du concepteur Martin Labrecque misent sur des ambiances futuristes, où les lasers, lueurs et véritables rideaux de lumières créent des effets visuelles ingénieux, jouant constamment avec les perspectives.

Au centre de cette création, Pierre Lapointe nous livre ses dernières compositions de manière sentie et inspirée. On retiendra quelques passages plus fragiles interprétés par le chanteur seul au piano, la fébrilité de Je reviendrai (bonjour les frissons!) et la fusion parfois progressive des sept musiciens accompagnateurs.

À l'aise sur scène comme un poisson dans l'eau, Pierre Lapointe a fait de Mutantès un spectacle combinant trois de ses passions artistiques: la musique, l'art visuel, et le jeu. Un pari audacieux relevé avec brio.