Musique

FME: La démone et la caissière

On ne trouve pas vraiment le temps de bloguer pendant le Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME). Après avoir passé mes deux derniers après-midi à rédiger un survol des nouvelles parutions automnales, à lire dans le Voir de jeudi, voilà que je manque la traditionnelle course de go-kart pour écrire, c'est dire…

Le temps file vite ici. Sur la route des concerts, on s'accroche les pattes pour discuter boom minier avec les gens de l'endroit, ou l'on finit par aboutir chez Morasse Poutine alors qu'on marchait pour trouver un simple guichet automatique. Pas évident de trouver ces saprées machines vertes par ici. «C'est pas comme à Montréal», m'a raconté Mario, habitant de La Reine, un petit village de 400 habitants encore plus creux que Rouyn-Noranda. On surnomme l'agglomération la «Capitale Mondiale du Bout du Monde».

«Chez-nous, il n'y a même pas de guichet. On a une Caisse Pop, mais sans guichet.» Vous ne trouveriez pas ça utile? «Oui, mais je ne veux pas que la caissière perde sa job.» Combien de Montréalais s'inquiète des heures de travail perdues lorsqu'un nouveau guichet ouvre au coin de St-Denis et Mont-Royal? En ville, on a perdu ce souci humain, trop heureux d'éviter la file d'attente en profitant de la billetterie automatisée du cinéma Quartier Latin.

Pour Mario et la population de Rouyn, le FME est l'occasion de se brancher directement à la source des meilleurs groupes émergents de la province, de recevoir une pleine claque au visage, comme ce fut le cas hier lors du concert de Duchess Says au Petit Théâtre. Fort d'une sono impeccable, supérieure à celle du La Tulipe ou de la Sala Rossa, l'agressif quatuor moog-rock s'est taillé une place dans les anales du FME lorsque sa chanteuse Annie-Claude a grimpé dans les airs, aidée par la foule, pour pédaler dans le vite sur petit tricycle suspendu au plafond. Le grand moment de folie cadrait parfaitement avec le caractère imprévisible de la rockeuse. Autant Annie-Claude semble en communion direct avec satan lorsqu'elle chante les compositions des Duchess, autant elle se transforme en girl's next door lorsque vient le temps d'interagir avec le public entre deux incantations. Un superbe cas de dédoublement de personnalité.

Duchess Says a d'ailleurs tout pour faire sa marque à l'international. La troupe, au clavier aussi lourd et noisy que les deux guitares de Sonic Youth, a d'ailleurs fait mal paraître We are Wolves qui s'exécutait juste après. Et on parle bien de We are Wolves, pas d'un groupe de troisième ordre.

Autrement, on a bien aimé le concert de Zébulon jeudi au Petit Théâtre. Boudé par plusieurs qui n'y voit qu'une formation blues rock sans âme, le combo fait preuve d'une exécution irréprochable, allant du jeu de bass groovy de Marc Déry aux harmonie vocales. J'ai débattu ferme avec mon collègue Olivier Lalande à propos de la pertinence de Zébulon, juste parce qu'il est trop facile de cracher sur le groupe.

Aussi en spectacle jeudi au Petit Théâtre, Mille Monarques a mieux paru qu'aux Francouvertes. Moins de fausses harmonies, plus d'urgence. El Motor et Miracle Fortress ont aussi fait preuve d'aplomb.

Programme pour ce soir: Les Dales Hawerchuk et Fu Manchu. Je vous quitte maintenant pour acheter des bouchons, histoire de protéger mes tympans. Par chance, à Rouyn-Noranda, les pharmacies sont plus fréquentes que les guichets.

Photos

Annie-Claude et son tricycle

Zébulon

Navet Confit et sa copine en boîte

Setlist de Navet Confit

Setlist de Navet Confit à l'envers

El Motor