Musique

Retour : Les deux atouts de Charlotte Gainsbourg

En concert hier soir, samedi 24 avril, Charlotte Gainsbourg a foulé la scène de l'Olympia de Montréal avec un naturel désarmant.

Ample camisole blanche. Cheveux longs, lousses. Sourire candide. Zéro prétention. Une gêne attendrissante parce que perceptible. L'image était belle, sexy sans les clichés. Bien placée, sa timidité nous a charmé au point d'en oublier sa prestation statique et son manque d'aisance sur scène, elle qui est pourtant comédienne à la base, devenue ici chanteuse.

Chanteuse est un bien grand mot. La voix de Charlotte Gainsbourg n'a pas de coffre. Qu'un mince filet difficile à gérer pour un sonorisateur obligé de balancer le son – pas terrible – en conséquence.

Mais l'artiste fait preuve d'audace. Refuse les sentiers battus de la pop à numéro. Préfère, avec raison, l'avenue plus escarpée de la pop indé.

Voilà le premier atout de Charlotte Gainsbourg. À défaut d'avoir un réel talent d'interprète ou de musicienne, la dame a du goût et sait s'entourer. Autant en studio (Air, Beck, Nigel Godrich et Jarvis Cocker aux textes) que sur scène avec cinq musiciens expérimentés, dont le directeur musical des tournées de Beck, le claviériste et percussionniste Brian LeBarton. La formule est simple. Elle chante avec délicatesse ce que des compositeurs chevronnés lui ont concocté. Le deuxième disque de Charlotte, IRM, est du  Beck tout craché. Écoutez l'album en imaginant la voix du Californien pour le plaisir.

Le plus grand et deuxième atout de la jeune femme est d'avoir les moyens de ses «goûts». On ne travaille pas avec Charlotte Gainsbourg pour ses talents de musicienne visionnaire, mais parce qu'elle est charmante et qu'elle porte les gènes du mythe Gainsbourg-Birkin.

Ceci n'est pas un reproche. Ce n'est pas son choix.

N'enlevons rien à sa carrière, qui semble tout de même un hobby temporaire. IRM est un fort bon disque supérieur au précédent 5:55 et sa seule chanson signifiante, The Songs That We Sing, écartée du spectacle de ce soir au profit de compositions plus soporifiques, voire du Air peu inspiré.

Outre la quasi-totalité des pièces de IRM, elle a reprit Just Like A Woman de Bob Dylan (qui lui allait très bien), ainsi que L'hôtel particulier et Couleur café du paternel. Elle est héritière d'un bagage musical majeur. Si quelqu'un peut reprendre les chansons du grand Serge, c'est bien elle. Pas cet ex-boxeur obscur en duo avec Chantal Fontaine.

L'un des meilleurs moments du concert fut la reprise de Le Chat du café des artistes dans une forme nettement supérieure à celle trop collée à la version originale de Ferland et entendue sur IRM. Cette fois, pas de violons, mais des lignes de synthétiseurs analogues audacieuses et mystérieuses. Une facture épurée, groovante

On a quitté le National satisfait, bien conscient de la hype sur-gonflée dont profite Charlotte – dans le genre, écoutez Broadcast – mais quand même allumé.

Écho de coulisses: Jane Birkin était à l'Olympia hier pour voir sa fille, mais n'est pas montée sur scène pour chanter. Elle aurait pris des photos à la place.