Reflektor d'Arcade Fire: nos premières impressions
Musique

Reflektor d’Arcade Fire: nos premières impressions

Ce jeudi matin, des journalistes de médias comme Le Devoir, La Presse, le Voir et le Journal de Montréal, notamment, se rencontraient au Studio PM autour d’un café, de beignets… et du nouvel album d’Arcade Fire.

Alors que certains tapotaient du pied ou se déhanchaient sur leur tabouret, d’autres griffonnaient des notes furieusement alors qu’on nous jouait le disque tant attendu. Malgré le «buzz» entourant l’oeuvre – Rolling Stone et Les Inrocks se risquant à des critiques plus d’un mois avant la date de parution! -, l’atmosphère était plutôt décontractée. Saluons au passage Philippe Papineau du Devoir qui y est allé de la meilleure blague du lot lorsqu’on nous a invités à ranger nos gadgets: «J’peux bien éteindre mon téléphone. Mon enregistreuse fonctionne depuis une heure de toute façon.»

M’enfin, loin de moi l’idée de livrer une critique officielle d’une telle oeuvre après une seule écoute maladroite, mais j’ai tout de même envie de vous partager mes impressions à chaud de Reflektor.

Confirmons tout d’abord qu’il s’agit bien d’un album double d’environ 75 minutes. Le premier disque comporte sept pièces. On en retrouve six sur le second.

L’oeuvre s’ouvre avec Reflektor, la pièce-titre déjà connue des mélomanes, grâce à l’effervescente opération promo du 9 septembre dernier où le collectif lançait l’extrait sur vinyle, en concert à la Salsathèque en plus de dévoiler deux vidéoclips: un projet interactif concocté par Vincent Morriset ainsi qu’un clip plus traditionnel signé Anton Corbijn.

On demeure en terrain connu avec la pièce suivante – We Exist -, car celle-ci se retrouve sur Here Comes The Night, le fameux court-métrage de Roman Coppola livré il y a quelques semaines. Un hit très groovy, aux rythmes forts, mais à l’ambiance tout de même sombre. Pour une raison que j’ignore, les guitares suscitent Interpol au passage alors que la section rythmique, elle, me rappelle vaguement… Like A Virgin de Madonna. Pire encore, un tel mélange fonctionne!

Puis on s’aventure finalement dans l’inconnu avec Flashbulb Eyes, la troisième pièce de l’oeuvre, et on retrouve un soupçon de ces influences world mentionnées en entrevue il y a quelques jours à la BBC. Au programme: un beau gros morceau de bravoure quand même dub où rythmes latins et clins d’oeil italo-disco kitsch se rencontrent. Un beau délire!

Les mélomanes à l’affut des moindres faits et gestes du groupe culte depuis l’annonce de ce nouvel album reconnaîtront le brulot suivant: Here Comes The Night. Encore là, un bon bouillon de genres: influences zouk et électro au lustre un brin 80s (honte à moi, mais Pop Goes The World de Men Without Hats m’est brièvement venue en tête en cherchant des références) se retrouvent pour une pièce vaguement reggae riche en couches de pianos et de synthétiseurs.

Pour la cinquième chanson, un autre extrait de l’ovni de Roman Coppola: Normal Person. Une oeuvre moins cérébrale et épique que le matériel entendu à ce point. À mi-chemin entre un blues interprété au piano et un air de Springsteen. Une direction quand même surprenante pour cette pièce lorsqu’on considère le corpus de l’ensemble. Les nostalgiques du fameux Monster de R.E.M. devraient apprécier.

La «portion rock» de Reflektor se poursuit sur You Already Know, sixième pièce de l’album double. Une chanson tantôt rockabilly sauce Stray Cats, tantôt pop à la Lovecats de The Cure, mais avec plus de coffre.

On terminera le premier volet de Reflektor avec la conclusion de ce «triptyque rock»: Joan Of Ark, un brulot déroutant lancé à fond de train avec une introduction punk rock low-fi (oui, oui) pour ensuite ralentir d’un chouia et faire écho à Breathing Underwater de Metric. Un des rares moments où Win Butler n’est pas à l’avant-plan. Le chanteur partageant davantage son micro ici avec Régine Chassage qui y va de quelques strophes en français.

Le deuxième tome de Reflektor s’ouvre sur Here Comes The Night Time II, sûrement un des hymnes les plus solennels de l’oeuvre. Drapée d’orgues et de cordes, celle-ci rappelle d’ailleurs les premières compositions de l’orchestre.

Puis on se dénoue le bassin à nouveau dès la pièce suivante: l’entraînante Awful Sound (Oh Eurydice). Un heureux mélange de rythmes africains et de guitares sombres telles qu’appréciées par les amateurs de Timber Timbre. Encore une fois : une bouillabaisse musicale hétérogène qui fonctionne tout de même. Malgré ce que le titre laissait présager, cette chanson s’avère plus ambitieuse que terrible alors qu’on aura droit à différents mouvements, la portion rythmique se fondant dans un passage électro planant – tirant même sur le chillwave – pour ensuite voyager dans le temps jusqu’au glam rock (il y a des échos du All The Young Dudes de Mott The Hoople là-dedans, j’vous dis).  En passant, Eurydice est, dans la mythologie grecque, une dryade. Fille d’Apollon, elle est aussi l’épouse du poète Orphée. Ce qui nous mène d’ailleurs à…

It’s Never Over (Oh Orpheus): Au risque de me faire retirer ma carte de critique par Claude Rajotte, les rythmiques pop rock tirant sur l’électro ont des effluves du Stadium Love de Metric. Notons au passage qu’il s’agit d’une autre pièce bilingue.

Enfin! La fameuse chanson Porno qu’on retrouve à la quatrième position de ce disque. Une pièce moins épique que les précédentes et, surtout, plus glauque et lancinante. Les inconditionnels de Depeche Mode devraient tendre l’oreille. Sur cet air, Win Butler se la joue un peu crooner (je vous jure qu’il y a une référence à Sexual Healing de Marvin Gaye là-dedans).

Une autre pièce déjà entendue – cette fois-ci à SNL – suivra : Afterlife. Une musique qui suscite d’ailleurs la pièce-titre de l’album, tellement qu’on croirait avoir affaire à une version Lord Of The Rings de Reflektor tant on fait miroiter plusieurs terminaisons à la chanson… qui se poursuivra finalement. Un extrait qui nous tient sur le bout de nos tabourets, j’imagine.

Reflektor se conclurat sur Supersymmetry, une énième pièce-fleuve quand même entamée en douceur au son d’un tam-tam et d’un synthétiseur, avec la fonction «chillwave» enfoncée jusqu’à la garde, et qui se terminera avec un heureux mélange de cordes, de sons suscitant un enregistrement qui rembobine (la réflexion de Reflektor?) ainsi que des bidouillages Brian Enoesque qu’Explosions In The Sky et autres ersatz post-rock jalouseraient.

Après une première écoute, je dirais donc que Reflektor n’a pas la charge émotive, ni l’effet de surprise du cultissime Funeral, mais demeure une oeuvre osée sans verser dans la masturbation musicale (bien au contraire, le bassin est mis à l’avant-plan sur plusieurs des pièces entendues).