Duchess Says : l’esthétique de la Science
Duchess Says arrive avec son troisième album, Sciences Nouvelles. On jase de formes, de perruches et de synthétiseurs avec trois des membres de l’intense formation.
C’est à peine une heure après la sortie de leur plus récent vidéoclip, pour la chanson I Repeat Myself, que je rejoins les membres du groupe. Autour d’un café tièdissant après les introductions d’usage, nous entrons dans le vif du sujet. Ce troisième album comporte quelques particularités vis-à-vis des deux premiers opus du groupe. Effectivement, c’est la première fois que les quatres musiciens s’isolent dans un chalet pour composer et affiner du nouveau matériel. Ils ont également installé un studio d’enregistrement dans leur propre local de répétition, où l’album a partiellement été enregistré.
Un travail qui s’est donc effectué, en quelques sortes, dans le confort de leur domicile musical. «Le prochain, c’est sûr qu’on va le faire au complet comme ça, c’est vraiment le fun de pouvoir avoir accès à ça, livre Simon Besré. On a aussi fait une partie du mixage, mais on a appelé Christophe Lamarche-Ledoux (Chocolat, Organ Mood) en renfort, parce qu’il a une expertise qu’on n’a pas nécessairement.»
Au niveau de la composition en soi, Duchess Says n’approche pas sa musique de façon conventionnelle. De plus, le procédé lui-même change parfois d’une chanson à l’autre. «Pour te donner un exemple, m’explique Annie-Claude Deschênes, un moment donné j’étais un peu tannée de composer des paroles. Autant les mots peuvent m’aider, autant des fois ils peuvent me restreindre. Je m’étais mis à me dire qu’on pourrait se parler en formes au lieu d’en paroles. On a donc composé la chanson instrumentale Talk In Shapes. On a dessiné des formes, puis après on a trouvé le moyen d’illustrer ça en musique. C’est une des méthodes qui tombe vraiment en plein dans l’esprit de Sciences Nouvelles.»
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Le concept derrière l’album s’inscrit dans cette recherche de méthodes un peu alternatives de création. Avec Sciences Nouvelles, le groupe essaie de créer un véritable laboratoire, où il se permet des expérimentations et des techniques différentes. Même au niveau de l’équipement, les membres se sortent de leur zone de confort : «Moi je me suis tout racheté toutes les vieilles pédales que j’avais quand j’étais ado, développe Philippe Clément. Avec ces vieilles affaires-là, on s’est bin gros amusé. Annie s’est pogné un nouveau synthé, on s’est donné des nouveaux outils, tu vois.»
Clairement, les quatres acolytes sont à l’aise avec le changement. Le nouvel opus, malgré son esprit de création-laboratoire, présente un band en pleine possession de ses moyens. Ces nouvelles additions à leur arsenal les servent bien, peaufinant leur style unique (défini par les membres comme du Moog-rock, en l’honneur de la légendaire compagnie de synthétiseurs) et amenant leur univers sonore dans de nouvelles contrées où ils sont en pleine possession de leurs moyens.
Les paroles, entièrement composées par Annie-Claude, lui viennent d’abord par des émotions mais pas nécessairement de façon typique. «Des fois, ça va aussi par sonorité, vraiment. En jammant avec les gars, je vais me mettre à dire n’importe quoi, quasiment comme de l’écriture automatique. À mesure que je fais ça, y’a des mots qui se mettent à se répéter et je me rends compte que ces mots-là veulent dire quelque chose pour moi. Je pars de là, j’approfondis ça.» À la base, donc, les paroles servent une fonction musicale, rythmique. C’est par après qu’elles prennent un sens chez Annie-Claude.
Mais au-delà des inspirations tirés de la science et des émotions pures, Duchess Says puise ses idées musicales, et artistiques à un sens plus large, à une toute autre source assez particulière : The Church of The Budgerigars. Projet parallèle existant depuis le tout début du groupe, cette église vénérant la perruche dicte un code de vie particulier. Annie-Claude m’explique : «La perruche spirituelle, c’est une image qui nous inspire au quotidien, dans notre art, mais qui peut aussi être une inspiration pour des gens dans d’autres sphères. Barmans, architectes, dès que tu comprends l’esthétique, ça te drive. C’est un peu abstrait, mais ça permet aux gens de se rassembler, et de créer dans un esprit commun. »
Le nom même de Duchess Says en est inspiré. La duchesse, c’est la perruche, et le groupe livre donc la parole de la dite duchesse. On peut également retrouver des éléments tirés de cette doctrine alternative dans les titres de chansons, dans le visuel des pochettes. Selon Simon, «C’est bien abstrait, mais ça englobe comme tout ce qu’on fait. Si ça fittait pas là-dedans, ça ne marcherait tout simplement pas. » C’est en trouvant des vieux papiers représentant la perruche et expliquant les bases d’un genre de culte autour de celle-ci que les membres du groupe ont décidé de fonder cette «église». Annie-Claude conclut : «Ça peut avoir l’air d’une joke, mais ça ne l’est pas. Depuis des années, à chaque jour, je pense à la perruche. Pour ceux qui veulent voir une messe, c’est à nos shows que ça se passe.»
Sciences Nouvelles est disponible dès maintenant via Bandcamp et les autres plateformes numériques. Le concert de lancement se tiendra ce soir, le 20 octobre 2016, au Cabaret La Tulipe.