Corridor: une ère de transition
Corridor, quatuor montréalais défiant la classification facile, fera paraître son deuxième album complet ce vendredi. Entretien avec les joyeux drilles derrière Supermercado.
Ça fait pratiquement deux ans jour pour jour que Corridor nous a offert Le voyage éternel, un premier long jeu bien reçu par la critique. Son évolution naturelle, Supermercado, nous fait rapidement renouer avec les saveurs de son prédécesseur tout en nous présentant quatre musiciens qui on clairement pris la décision de ne pas s’asseoir dans leur confort et de plutôt chercher de nouvelles avenues à explorer.
Lorsque le groupe a lancé Le voyage éternel, il avait déjà en poche beaucoup de nouveau matériel: «Le processus de sortie d’album, c’est long, explique Dominic Berthiaume. On a eu le temps de composer plein de tounes, pis on pensait être déjà prêts à aller enregistrer le prochain. Finalement, on a décidé de prendre plus notre temps et de ne garder que les chansons qui nous faisaient vraiment tripper. Je pense que sinon on se serait ramassés avec un album vraiment très semblable au premier.»
C’est donc dans un souci de proposer une véritable évolution que se sont construites les pièces qui se retrouvent sur Supermercado. Le groupe enregistrant souvent ses sessions de jam, c’est en isolant les éléments les plus forts de ces répétitions que se construisent les mélodies et riffs de Corridor. «Y’a pas de processus prédéfini dans notre création, développe Jonathan Robert. Souvent, on arrive avec des bouts d’idées, des anciens jams enregistrés pis dès qu’on entend quelque chose qui sonne à notre goût, on travaille dessus.»
Il y a donc une bonne part d’improvisation derrière le son du groupe; c’est réellement en essayant diverses idées autour d’une proposition musicale que les quatre membres finissent par s’entendre sur une voie à emprunter pour finaliser une ébauche de composition. «Un coup qu’on a trouvé quelque chose qui marche bien, on l’enregistre, puis après ça on repart chacun de notre bord avec ça en tête, poursuit Jonathan. Y’a comme une phase d’exploration, une phase où ça mijote et ensuite on perd vraiment pas de temps quand on revient ensemble. On sait pas mal où on veut que ça s’en aille.»
Pour Supermercado, le quatuor a fait un effort particulier pour simplifier les structures des chansons vis-à-vis de ce que l’on peut entendre sur le premier opus. «Des fois, à force de vouloir mettre plein d’idées, on se laissait pas le temps de rouler sur un bon riff, mentionne Dominic. Je crois qu’on passait à côté de belles occasions de profiter d’un bon moment de musique. C’est correct d’étirer si ça a un but.» En effet, on peut dire que ce deuxième album est — d’une très étrange façon— plus pop que son prédécesseur. Le style demeure des plus difficiles à cerner, mais sans toutefois donner une impression d’incohérence. Les musiciens voguent habilement d’un style à l’autre, sans se perdre, et parviennent à se créer une identité certaine.
«On veut pas être un band qui fait tout le temps la même affaire, souligne Dominic. Je dis pas que c’est nécessairement mauvais de faire ça; Beach House ça doit faire 6 albums que c’est la même criss d’affaire, mais ça marche! Nous on veut juste pas stagner, tout en gardant notre signature sonore. C’est plus dans les tones que tu nous reconnais que dans les tounes en soit, je pense.»
Jonathan, qui écrit toutes les paroles, développe les thèmes assez instinctivement. Bien que la musique et les paroles n’aient pas d’influence directe entre elles, c’est après avoir terminé la composition que lui viennent les idées de textes. «C’est sûr qu’il y a un thème global qui guide l’écriture, explique-t-il. Pour cet album-là, je pensais à une ère de transition entre deux époques, ce que j’ai l’impression qu’on vit en ce moment. Un peu comme entre le Moyen Âge et la Renaissance… Comment quelqu’un se retrouve là-dedans, se fait décalisser à travers les moeurs qui changent. Mais je fais pas une critique de ça, c’est vraiment d’un point de vue d’observation.»
Chose certaine, avec Supermercado, Corridor démontre une évolution claire qui devrait plaire tout autant aux fans de la première heure qu’aux nouveaux venus.