Quel avenir pour Le Cercle?
À Québec, l’année 2017 s’est terminée de façon pour le moins abrupte. Fermé depuis le 1er janvier aux petites heures, Le Cercle pourrait rapidement revivre de ses cendres. État des lieux.
Rejoint par téléphone, le directeur exécutif du Cercle Louis-Philippe Allard-Bergeron se fait rassurant. «Nous sommes présentement en période de négociation avec différents acteurs cherchant à investir, devenir partenaires ou carrément racheter le tout afin de lancer quelque chose d’autre. Faut dire que la localisation est prometteuse et que le potentiel du lieu laisse place à l’imagination. » Ses collègues et lui ont, en d’autres termes, reçu plusieurs offres qu’ils s’affairent présentement à étudier.
De tous les gens d’affaires interrogés pour cet article, Karl-Emmanuel Picard est le seul qui a osé se mouiller. Le copropriétaire de L’Anti ne s’en cache pas : la salle du 228 St-Joseph Est l’intéresse. À condition, bien sûr, qu’il ne soit pas seul dans l’aventure. « Si une grosse compagnie […] voulait se porter acquéreuse du Cercle et de District 7 en même temps, on pourrait penser à une stratégie pour faire plein de shows, développer une structure. »
Le patron des productions District 7 estime que le nouveau programmateur ou la nouvelle programmatrice du Cercle devra impérativement connaître l’écosystème socioculturel local. « La personne qui prendra le lead de la programmation au Cercle doit par exemple être au courant de ce qu’est la Revengeance des duchesses, au courant de ce qu’est la Bourse Rideau, à l’affût des artistes locaux qui lancent leurs albums. Souvent, L’Anti c’est trop petit pour un lancement d’album parce que les groupes locaux attirent beaucoup de monde. Il faut aussi que cette personne-là soit avant-coureuse des prochains artistes qui vont jouer au Centre Vidéotron. […] T’sais, Vance Joy a déjà joué au Quai des Brumes à Montréal, Avenged Sevenfold a déjà joué à l’ancien Anti et y’avait eu genre 50 personnes…»
Picard propose également de séparer le restaurant et la salle de spectacles, en faire deux entités, deux compagnies distinctes. Il faudra aussi trouver la perle rare en cuisine… « Le restaurant, je lèguerais ça à une gang de jeunes… Ça nous prendra un chef propriétaire habile en marketing, quelqu’un qui va servir les clients aux tables, qui va faire à manger aux artistes et en faire des posts Instagram. Le potentiel est énorme! »
Selon lui, d’autres changements devront être apportés pour assurer la rentabilité de ce lieu de diffusion qui avait célébré son 10e anniversaire en novembre dernier. Il évoque un horaire réduit (« le futur Cercle n’est pas obligé d’être ouvert sept jours sur sept »), une association avec « un commanditaire majeur » et avec davantage bookeurs externes. « Il y a quelques promoteurs qui louaient Le Cercle ici et là, j’en étais d’ailleurs, mais c’était vraiment plus eux qui prenaient des risques. […] Ils pourraient conserver la même mission et louer, facturer à quelqu’un d’autre qui va payer ses artistes-là. »
Le statut précaire des « bars spectacles »
Karl-Emmanuel Picard fait remarquer que Le Cercle dispose du même permis que le Divan Orange ou L’Anti, un type de permis qui empêche ses détenteurs de se qualifier pour la plupart des subventions. « Première Ovation, c’est principalement pour des cachets de musiciens et c’est quand même très complexe de faire des demandes et de fournir des rapports. On a Québec Spectacles et Première Ovation, mais ce n’est pas idéal pour les petites salles de spectacles. »
Louis-Philippe Allard-Bergeron abonde dans le même sens. « C’est difficile pour une petite salle privée et indépendante de promouvoir la culture émergente sans subvention ni partenaire. Au final ce sont les artistes qui vont souffrir le plus de l’absence de salles comme la nôtre; ils viennent de perdre une belle vitrine. Ajoutant à ça le cas du Divan Orange tout récemment, on en vient à se poser des questions sur l’importance accordée au développement de la culture chez nous. »
Pour le moment, le directeur exécutif du Cercle garantit que les concerts des mois de janvier et février ont été relocalisés dans des salles avoisinantes. « On ne va pas plus loin puisque la situation n’est pas encore bien définie. La programmation de mars à juillet est toujours en place. »